Réalisé par James Cameron
Avec
Ed Harris, Mary Elizabeth Mastrantonio et Michael Biehn
Édité par 20th Century Fox
Abyss, de l’aveu même de Cameron, apporte une réponse visuelle
à 2001 : L’Odyssée de l’espace. Mais bien plus que sur le plan esthétique,
le réalisateur ajoute ses propres réflexions sur les thèmes déjà abordés
dans le chef-d’uvre de Kubrick.
À l’instar de Georges Lucas, Cameron traite dans ses films du rapport
de l’homme avec la machine, et Abyss ne déroge pas à la règle.
Ainsi, tout est technologie dans ce film, du sous-marin Montana à la
plate-forme de forage Deepcore. Comme dans le vaisseau Discovery One,
les hommes sont à la merci des machines pour survivre dans des endroits
aussi inhospitaliers que l’espace ou les grands-fonds.
Kubrick transforme ses astronautes en paresseux utilisant des machines
pour effectuer leurs besognes les plus élémentaires (Hal redresse le
lit de Poole pour que celui-ci puisse visionner un message de ses
parents sur ordinateur), déshumanisant les hommes et humanisant les
machines (Hal commet une erreur et tue sans motif). Les mineurs de
Cameron, à l’inverse, sont des mutants dont les submersibles
représentent une envoloppe charnelle de métal, et les bras mécaniques
des prolongements de leurs propres bras (la scène où Une Nuit pince les
fesses de Catfish par le biais du bras mécanique), ici pas
d’intelligence artificielle, la machine est une prothèse dans
l’évolution de l’homme.
Comme chez Kubrick, l’évolution passe par une renaissance : la scène de
la réanimation de Lindsay (Mary Elizabeth Mastrantonio) est filmée avec
l’intensité d’un accouchement. Cameron renforce la comparaison avec la
descente de Bud (Ed Harris) le long d’une fosse utérine, vers une
lumière douce. Une fois arrivé sur place, il débarrasse ses poumons du
liquide organique qui lui permettait de respirer. Le voyage de Bud dans
les entrailles du vaisseau alien est de facon flagrante un hommage au
voyage que fait David Bowman dans les entrailles du monolithe, au bout
duquel l’homme renaîtra dans une ère nouvelle.
En bon cinéphile, Cameron a ajouté des références à deux autres films
présentant un parallèle direct avec 2001. En premier lieu,
Solaris, d’Andrei Tarkovski, dans lequel une mer recouvrant une
planète lointaine crée des chimères (comme le pseudopode ou le raz de
marée final) issues de l’esprit des scientifiques en poste sur place
dans une station d’observation. Présenté à Cannes comme un anti-2001,
le film s’orientait plus vers l’aspect métaphysique de la conquête
spatiale.
Dans le second film, Rencontres du troisième type (la remontée
du vaisseau sous-marin est filmée comme le survol de la tour du diable
par le Mothership), Spielberg reprenait la construction du film de
Kubrick, tout en abordant des sujets plus personnels (Douglas Trumbull
aux effets spéciaux travailla sur Rencontres
et 2001).
On salive d’avance devant ce qui, en théorie, nous est proposé ; mais,
la bonne fée du DVD ayant eu un tour de rein quand elle s’est penchée
sur le berceau de cette édition, quelques détails mal fignolés ont de
quoi nous faire grincer des dents.
Commençons par les défauts (qui expliquent la note). Le premier défaut
prend la forme d’un fourreau en carton dans lequel on glisse le boîtier
du DVD ; cette chose peu pratique donne l’impression d’une finition
bâclée. L’illustration de ce fourreau est l’affiche de la version cinéma
: un ravin sombre au fond duquel on distingue une forte lueur.
Le boîtier, transparent, possède aussi une jaquette dont l’illustration
est l’affiche de la version longue du film : un plongeur baigné dans
une lumière irréelle.
Le recto est le même que celui du fourreau, donc redondance.
Deuxième gros défaut : le disque des suppléments est présenté dans une
petite pochette, dans le genre CD 2 titres, et non inséré dans le
boîtier grâce à un poussoir central, ce qui enlève du cachet à cette
édition spéciale.
Autre petit défaut, moins grave (mais quand même), à mettre sur le
compte du petit livret qui regroupe le chapitrage et la liste des scènes
ajoutées dans la version longue : le petit texte de Cameron expliquant
ses motivations pour restaurer le film a disparu (il figurait dans les
coffrets VHS - numérotés - et Laserdisc), c’est dommage.
Quant au reste, c’est du beau travail.
Les deux disques sont sérigraphiés.
Les menus s’ouvrent sur un mouvement de caméra qui remonte de l’abîme
pour entrer dans la station Deepcore à la manière du pseudopode. Chaque
disque présente un côté différent de la chambre d’immersion.
Divers éléments du décor font office de curseur de navigation. Une fois
votre choix effectué, les transitions sont toutes animées de façon
fluide. Vous pénétrez ainsi dans diverses pièces.
Un bel effort de présentation et une navigation très agréable. Dommage
que la présentation extérieure n’ait pas été aussi soignée.
Attention à l’inondation !
Une section qui n’a pas obtenu la note maximale parce que les notes de
production et les filmographies n’ont pas eu droit à une traduction en français.
Pour commencer, le disque un : on appréciera le commentaire écrit (pas
audio) qui apparaît sous forme de sous-titres pendant le film, en français ou
en anglais. Un commentaire plus qu’intéressant, puisqu’il regorge d’informations
sur les acteurs, les effets spéciaux et la mise en scène de Cameron. Une
référence !
Ensuite, immersion dans le disque deux : retenez votre souffle, ça va être long.
Tout d’abord, trois affiches sur un mur vous donnent accès à trois
bandes-annonces, en cinémascope (4/3 hélas).
À côté de ces affiches, une porte préssurisée vous mène aux making of,
dont le fameux « Abyss, les coulisses du tournage » (cinquante-neuf minutes).
« Abyss, court-métrage » est un mini-making of, qui ne traite pas des effets
spéciaux. Redondant, il n’apporte rien de nouveau.
Ensuite, le vestiaire du personnel vous donne accès aux filmographies
des acteurs et de l’équipe technique, mais aussi aux notes de production,
hélas en anglais uniquement.
Une pièce nommée effets speciaux vous permet certains accès :
- le script original (anglais), écrit par Cameron (comme pour
Terminator ;
- les scénarios définitifs (anglais) ;
- l’intégralité des story boards (773 en tout) ;
- les photos de production réparties en dix-sept goupes, des dessins
préparatoires au marketing (à peu près cinquante photos par goupe).
Arrivés à ce stade, vos proches n’ont plus de nouvelles de vous depuis des
jours, mais cette édition vous offrira encore quelques heures de séjour en eau
profonde, grâce à une série de mini-reportages (de quarante-six secondes à vingt
minutes) :
- la séquence des submersibles : le stop motion autour de l’épave du
sous-marin nucléaire, avant intégration dans le film ;
- l’intégration des acteurs dans les maquettes montre le procédé image
par image qui permet d’avoir un acteur réel dans une maquette de submersible ;
- la scène du pseudopode sous tous les plans en multiangles, story board,
tournage, effets spéciaux et résultat final ;
- la constuction du decor sous-marin, des semaines de travail condensées
en sept minutes ;
- le story board vidéo, sur lequel, par le biais de la commande
sous-titres, on peut ajouter un cache cinémascope ;
- l’innondation du Montana, tournée avec des acteurs ;
- l’immersion de la salle des machines ; cette fois-ci, ce sont des
maquettes de l’intérieur du Montana ;
- le tournage de la base en surface ; en fait les images de la maquette
du « Bentic Explorer » secoué par la houle ;
- la chute de la grue ; le titre est assez explicite ;
- les effets spéciaux : un bout à bout de vingt minutes de tout ce que
le film présente en trucages. Il fut présenté au jury des oscars.
Voilà pour cette section très (bien) fournie.
Vous le croyez ça, une image 4/3 pour une édition aussi prestigieuse !
C’en est crispant. On se demande quel est le sinistre bureaucrate qui nous
colle une flopée de suppléments avec une image en 4/3 !
Mais quel est l’intérêt de sortir cette édition spéciale avec une image en 4/3 ?
Je crois que vous aurez compris que la présence de ce format incongru a de quoi
mettre hors de lui le plus stoïque des individus, en l’occurrence n’importe
quel acheteur de DVD ayant une TV 16/9.
De ce choix, idiot, nous retiendrons trois choses :
- un lignage présent dans de nombreuses scènes (ce lignage était moins gênant
dans l’édition laserdic, après comparaison) ;
- on est loin de la définition qui caractérise le support DVD ;
- enfin, sur une TV à écran large, on ne peut profiter du sous-titrage français
et des commentaires, occultés par le zoom.
Sinon, une compression parfaite et des couleurs éclatantes qui vous feront
regretter d’autant plus l’absence du 16/9 anamorphique.
Une fois n’est pas coutume, la version française enterre (noie) la version
originale. En fait, il y a tricherie, puique la VF est 5.1 et la VO est en
dolby surround ; forcément, les deux versions n’ont pas le même impact.
Out, donc, la VO dont les effets sont nettement moins bien spatialisés, mais
quid des puristes ou des cinéphiles qui aiment les versions originales (bien
qu’avec cette image 4/3, le visionnage de la VO est impossible sur un équipement
16/9). La VF nous offre des effets ponctuels très réalistes, dommage simplement
qu’ils ne soient pas plus nombreux.