Le Vampire de Dusseldorf (1965) : le test complet du DVD

Réalisé par Robert Hossein
Avec Robert Hossein, Marie-France Pisier et Danick Pattison

Édité par Opening

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Le 30/11/2015
Critique

Le vampire de Dusseldorf

Allemagne, Düsseldorf en 1930 : alors que la crise économique et sociale bat son plein et que les Nazis installent leur pouvoir avec brutalité dans la rue, la police traque un tueur psychopathe surnommé par la population rhénane «  Le vampire  » en raison de son sadisme terrifiant. Elle n’a pas idée qu’il puisse s’agir de Peter Kurten, homme timide et poli (mais au regard parfois inquiétant), ouvrier méprisé le jour et vêtu en bourgeois fortuné la nuit lorsqu’il erre, seul, dans les boîtes de nuits…

(N.d.A. : le titre inscrit au générique du film ne contient pas de tréma sur Düsseldorf. J’ai respecté cette graphie dans mes citations du titre mais je maintiens les trémas lorsque c’est la ville allemande qui est mentionnée)

Le vampire de Dusseldorf (1965) de Robert Hossein est non seulement le meilleur film de Robert Hossein comme cinéaste et acteur mais encore l’un des meilleurs films fantastiques de toute l’histoire du cinéma français. Ironie du sort, c’est d’abord à Jules Borkon, le producteur de Les Yeux sans visage (1960) de Georges Franju, qu’Hossein avait proposé le projet mais Borkon le déclina et ce fut finalement Georges de Beauregard, le producteur fétiche de la «  Nouvelle Vague  », qui lui donna carte blanche.

On sait que Hossein cinéaste a flirté dès le départ avec le cinéma fantastique, genre qu’il connaissait et aimait, tant en littérature qu’au cinéma, comme il le confiait peu avant le tournage à la revue Midi-Minuit Fantastique. Dès son premier film, Les Salauds vont en enfer (1955), le fantastique subvertissait le scénario de ce film noir français grâce au personnage de femme fatale incarné par Marina Vlady. L’actrice et le cinéaste tentèrent d’obtenir un effet similaire, cinq ans plus tard, dans Toi… le venin (Fr. 1961). J’ai tué Raspoutine (Fr. 1967) contenait, par son sujet (traité très différemment l’année précédente dans Raspoutine, le moine fou (Rasputine the Mad Monk (Hammer Film, GB 1966) de Don Sharp avec Christopher Lee) autant que par son traitement, certains aspect l’y rattachant mais c’est bien, tous comptes faits, Le vampire de Dusseldorf qui synthétise au mieux son inspiration dans ce genre.

Hossein admirait non moins le M le maudit (M) (All. 1931) de Fritz Lang que son remake par Joseph Losey en 1951 : il estimait que l’expressionnisme avait empêché Fritz Lang d’atteindre l’équilibre idéal et thématique auquel Losey avait pu, pour sa part, parvenir. Il voulait d’ailleurs exploiter la capacité du format FranScope 2.35 (dont le chef-opérateur Alain Levent tira le meilleur parti) à restituer la profondeur de champ afin d’allier réalisme social et fantastique, peinture de la solitude et peinture de la société. Et il réussit admirablement cet alliage. Bien sûr les références sont évidentes : il y a quelque chose aussi de sternbergien dans le personnage interprété par Marie-France Piser : L’Eldorado où elle se produit est un hommage direct à L’Ange bleu, la boîte louche où se produisait la Lola-Lola jouée par Marlène Dietrich. De toutes ces références, Hossein offre une vision toute personnelle.

D’abord en raison de l’interprétation de Robert Hossein acteur, dirigé par Robert Hossein cinéaste : sa composition du personnage de Peter Kurten est inédite, très originale. Sa mise en scène fait revivre une atmosphère intermédiaire entre drame psychologique d’une part, horreur et d’épouvante d’autre part. Hossein refuse aujourd’hui qu’on réduise son film à ce dernier aspect : il revendique une démarche d’auteur. Mais ici encore, comme souvent, le film achevé dépasse les aspirations de son créateur : Le vampire de Dusseldorf est bien un des très rares, des très grands films français d’horreur et d’épouvante, des très grands films fantastiques français du vingtième siècle. Son thème du meurtrier psychopathe terrifiant l’y rattache directement. Son aspect «  Nouvelle vague  », certes sensible dans certaines séquences (la scène du maquillage préfigure un peu ce que fera Visconti en 1969 dans Les Damnés et en 1971 dans Mort à Venise : lier le travestissement du visage à l’annonce de la mort, par une suggestion purement sémantique), sensible aussi dans certains tics de direction d’acteur, voire de non-direction (c’est la voix atonale, la liberté de jeu de Marie-France Pisier qui en sont les signes les plus tangibles, avec la direction de la photo signée Alain Levent) semble aujourd’hui comme avalé, digéré. L’ensemble s’est cristallisé, unifiant synthétiquement cette dualité initiale.

Film d’horreur et d’épouvante donc mais aussi film d’auteur influencé autant par Fritz Lang que par la «  Nouvelle vague  », Le vampire de Dusseldorf est tout sauf un film sanglant. Il maintient un niveau constant de suspense et d’angoisse, parsemé de touches de folies effrayantes : les meurtres sont brefs, traités elliptiquement et on ne voit, bien entendu, aucun des actes nécrosadiques par lesquels le véritable Kurten défraya la chronique. Si on en croit Marcel Schneider, le film est d’ailleurs, mis à part son contexte historique et social scrupuleusement reconstitué (certains faits sont inspirés des archives du procès) assez éloigné de la vérité biographique. Hossein a fait de Kuerten un solitaire intégral - doté d’un romantisme slave, lucide et désespéré - alors que le véritable Kurten était marié (Schneider nous explique que sa femme travaillait comme serveuse la nuit et ne rentrait qu’à deux heures du matin). Il en fait un ouvrier exploité et méprisé, puis un chômeur alors que le véritable Kurten état camionneur. Ces modifications accentuent cette étrange ambivalence sociale du personnage, résumée d’une manière saisissante par ce plan dans lequel Kurten aide une vieille dame à remonter un escalier. L’amour fou de Kurten pour la chanteuse est une invention du scénario : il est le symbole du grand thème surréaliste du monstre amoureux, thème central du cinéma fantastique depuis son âge d’or américain de 1931-1945. Mais Hossein fait aussi périr la femme aimée, pas seulement le monstre : c’est une touche de modernité notable. En revanche, certains aspects biographiques sont conservés et utilisés d’une manière remarquable : la conversion mystique du véritable meurtrier au catholicisme de son enfance est déjà très bien annoncée par son dialogue muet avec le Christ dans une église.

Très curieux mélange de premier et de second degré, de cinéma sincère et référentiel, de tradition et d’innovation, Le vampire de Dusseldorf est un film qui ne laisse pas d’être fascinant pour bien des raisons, près de cinquante ans après sa réalisation. Intemporel bien qu’il soit ancré dans la réalité historique la plus brûlante, procédant d’une vision romantique et analytique à la fois. l’actrice principale a raison de le noter dans son entretien : ce film est un film de détails tous plus surprenants les uns que les autres par la justesse de leur imbrication aboutissant au même effet d’étrangeté globale, de malaise insigne. Suprême alliage du film d’auteur - Hossein eut l’impression de faire partie un instant, grâce à lui, de la Nouvelle vague, confie-t-il dans l’entretien - et du cinéma de genre le plus méprisé, Le vampire de Dusseldorf demeure un film fantastique unique dans l’histoire du cinéma français.

Le vampire de Dusseldorf

Présentation - 4,0 / 5

Le film de Robert Hossein a été édité par Opening/Filmedia dans un DVD actuellement épuisé. Menu 16/9 très beau, clair, graphiquement original et bien présenté.

Bonus - 4,0 / 5

Ils sont soignés et intéressants :

Filmographies : du réalisateur et acteur Robert Hossein, de l’actrice Marie-France Pisier.

Entretien accordé par Robert Hossein à Henri-Jean Servat : durée 18’10”, format 16/9. Remarquable car des aspects essentiels du film y sont évoqués : références à l’histoire du cinéma, rapport à l’actrice principal, à son père compositeur, au choix du format FranScope, circonstance du refus du producteur Jules Borkon et feu vert donné par Beauregard, etc. Mais il ne fait cependant pas double-emploi avec la lecture, nécessaire à celui qui veut aujourd’hui prendre la mesure exacte du film et de son cinéaste, de l’article publié par Robert Hossein sur «  Le film d’horreur  » dans Midi-Minuit Fantastique N°10-11, éd. Le terrain vague, Paris hiver 1964-1965, pp. 17-19 dans lequel Hossein esquissait sa propre conception historique et esthétique du genre fantastique - genre qu’il connaissait d’une manière approfondie - peu de temps avant qu’il n’entreprenne le tournage d’un film qu’il rattachait directement aux deux M, celui de Lang et son remake par Losey.

Entretien accordé par Marie-France Pisier : durée 1’35”, format 16/9. L’actrice vedette (d’une beauté que le temps n’a pas altérée) résume quelques souvenirs brefs mais pertinents et se montre, accessoirement, bonne critique.

Entretien accordé par Marcel Schneider : durée 17’30”, format 16/9. Cet écrivain fantastique est aussi auteur avec Philippe Brunet d’une étude biographique sur Le vampire de Düsseldorf, édition Pygmalion, Paris 1975, qui résume les faits authentiques qui ont inspiré le scénario du film. Il donne sa vision du personnage historique de Kurten (parfois aussi orthographié Kuerten par Roland Villeneuve, Loups-garous et vampires, § Le grand sadisme, édition revue J’ai lu, collection L’aventure mystérieuse, Paris 1970, p. 152), celle d’un psychopathe possédé brusquement à l’âge de 46 ans par le Mal. L’ensemble est très intéressant puisqu’il permet comme toujours de mesurer la distance qui sépare la réalité de l’oeuvre d’art, les points précis où elles s’accordent entre elles.

Bande-annonce : format 2.35 compatible 16/9, durée 4’03”. Étonnamment longue, en état beaucoup moins bon que le film : nombreuses poussières positives et négatives, nombreuses griffures et saletés diverses. Mais très bien faite et donnant une excellente idée du film : un document d’histoire du cinéma, de première main, par conséquent.

Image - 4,0 / 5

Beau transfert en format 2.35 compatible 16/9 d’une copie tournée en procédé FranScope N.&B. Son directeur de la photo Alain Levent fut collaborateur de certains films importants de la Nouvelle vague, y compris de certains des plus beaux films de José Benazéraf. Bon état matériel chimique de la copie utilisée à moins qu’il ne s’agisse d’un transfert directement opéré à partir d’une immersion du négatif ? Les images d’actualité d’époque, utilisées en pré-générique, sont évidemment dans un état technique nettement moins bon. Un léger fourmillement est sensible durant certains plans, à cause d’une compression vidéo un peu insuffisante : il s’agit d’un DVD standard, pas d’un Blu-ray. On peut aujourd’hui obtenir un gain d’environ 30 % d’amélioration visuelle en matière de définition et de netteté, si un tel DVD est lu dans une platine Blu-ray. Pour le reste, bonne luminosité, bonne définition, bon contraste, bonne gestion des noirs dans les scènes de nuit. Restauration d’ensemble appréciable.

Son - 4,0 / 5

Version originale française mono d’époque bien conservée, remixée en Dolby mono. Le film fut post-synchronisé en studio. Certains effets sonores sont élaborés, intéressants (l’amplitude sonore du bruit des pas sur les pavés, participant au suspense durant certains meurtres, obtenant une sonorité inquiétante dans le silence urbain de la nuit). Piste sonore originale en bon état technique et aussi bien restituée numériquement que possible. Belle musique, sourde et mélancolique, profondément triste et poignante d’André Hossein, le père du cinéaste-acteur Robert Hossein. Il faut enfin noter la voix de Robert Hossein lui-même, cette voix qui était censée le desservir selon un de ses professeurs alors qu’elle constituait, de toute évidence, un de ses atouts les plus magiques. Sans oublier de mentioner le contrepoint, non moins étonnant, offert par la sonorité si particulière de celle de Marie-France Pisier.

Le vampire de Dusseldorf

Crédits images : © Opening

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic FullHD
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Sony
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p
Note du disque
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francis moury
Le 4 février 2022
Film noir policier inspiré de faits réels dont l’inquiétante objectivité débouche sur le fantastique : le meilleur film de Hossein cinéaste.

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