Meurtre par procuration (1964) : le test complet du Blu-ray

Nightmare

Édition Collector Blu-ray + DVD

Réalisé par Freddie Francis
Avec David Knight, Moira Redmond et Jennie Linden

Édité par Elephant Films

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Le 19/02/2018
Critique

Meurtre par procuration

Angleterre, hiver 1963 : Janet est hantée par des cauchemars qui la remettent en présence de sa mère, une meurtrière internée dans un asile pour avoir poignardé son mari, scène dont la petite Janet fut la témoin. Le pensionnat de jeune filles dont ses crises troublent la luxueuse quiétude, préfère la renvoyer au manoir familial sous la garde de son tuteur Henry et de Grace, une infirmière engagée pour l’occasion, sans oublier une gouvernante et un chauffeur attachés de longue date à la demeure. Les cauchemars de Janet redoublent au point qu’elle craint de devenir folle à son tour. Mais le nouveau fantôme féminin au visage balafré qui la terrifie à présent, est-il vraiment le seul produit de son imagination ?

Meurtre par procuration (Nightmare) (GB 1963) de Frederick (« Freddie ») Francis, fait partie de la série Hammer des thrillers psychologiques produits et écrits par Jimmy Sangster pour la Hammer films. C’est d’ailleurs parce que, à partir du succès de Hurler de peur (Scream of Fear / Taste of Fear) (GB 1961) de Seth Holt, Sangster avait décidé d’abandonner sa première veine fantastique victorienne (notamment les scénarios des Hammer films réalisés par Terence Fisher entre 1957 et 1960) pour se consacrer entièrement à sa nouvelle veine psychopathologique que le producteur Anthony Hinds (alias « John Elder ») écrivit lui-même (avec un talent équivalent à celui de Sangster voire même, parfois, encore supérieur au sien, sans oublier Peter Bryan, le troisième grand scénariste de la firme) certains des scénarios suivants de cette veine victorienne, le premier à son actif étant celui, admirable, de La Nuit du loup-garou (The Curse of the Werewolf) (GB 1961) de Terence Fisher.

Distribué en France (assorti d’une interdiction aux - 18 ans alors que Paranoïaque n’était interdit qu’aux -13 ans) sous un titre plus policier que fantastique mais doté d’un beau slogan (« La réalité dépasse le cauchemar ! ») qui faisait habilement allusion à son titre anglais original, Meurtre par procuration s’ouvre par un générique d’ouverture qui est aussi une des plus belles séquences jamais filmées par Francis, constituée d’une succession de travellings mi-objectifs mi-subjectifs explorant de sombres profondeurs de champ. L’ensemble du film baigne, du début à la fin, dans une esthétique réaliste hallucinée, traversée parfois d’éclairs expressionnistes et / ou baroques comme le sont ici les décors de Bernard Robinson souvent admirablement filmés en clairs-obscurs savamment composés. Le montage est aussi sophistiqué que la direction de la photographie, jouant par exemple à plusieurs reprises très brillamment du passage de la nuit au jour ou inversement, dans plusieurs raccords de séquences à la précision chirurgicale. Performance remarquable de l’actrice Moira Redmond en bourreau devenant victime de sa propre machination, entourée par un casting homogène maintenant constamment l’ambivalence et l’inquiétude, très bien dirigé. Un des joyaux noirs de la « terreur psychologique » qui fut une des catégories du genre fantastique qu’illustra la Hammer entre 1961 et 1971.

Meurtre par procuration

Présentation - 4,0 / 5

Edition spéciale « combo » Blu-ray « region free » + DVD édités le 5 décembre 2017 par Elephant film. Durée du film en Blu-ray 82 minutes, en DVD 78 minutes environ. Image au format respecté HammerScope N&B 2.35 compatible 16/9, en Full HD 1920x1080p sur Blu-ray, en SD sur DVD. Son DTS HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital 2.0 (sur DVD) en VOSTF et VF d’époque. Suppléments : livret collector 20 pages, la petite boutique des horreurs de la Hammer (10 min. environ), le film par Nicholas Stanzick (10 min. environ), jaquette réversible (affiche contemporaine par le graphiste Melchior Ascaride / affiche d’époque), bandes-annonces, galerie d’images. Seul le Blu-ray a été reçu par la rédaction.

Le livret illustré de 20 pages, signé Nicolas Stanzick, est une introduction à la Hammer films, sa genèse, son histoire, sa réception en France. On sait que ce dernier point, pas seulement sociologique mais aussi historique et esthétique, était l’objet principal du livre de Nicolas Stanzick, Dans les griffes de la Hammer, éditions BDL (revue, corrigée et augmentée), Paris 2010. Il n’est évidemment pas oublié ici et le chapitre sur la naissance de la revue Midi-Minuit Fantastique est; sans surprise, l’un des meilleurs du livret. Je signale que Nicolas est le maître d’oeuvre d’une nouvelle édition, revue et augmentée, de cette célèbre revue dont les tomes reliés I et II sont déjà sortis chez l’éditeur Rouge profond, dont le tome III devrait sortir cette année 2018. Voici quelques observations concernant certains points intéressants, dans l’ordre de leur apparition :

Le cinéma fantastique muet (notamment celui de l’expressionnisme allemand de 1915-1930) puis le cinéma fantastique parlant américain, donc celui de la Universal historique de 1931-1945 et celui des majors concurrentes qui lui emboîtèrent immédiatement le pas (notamment Warner, Paramount, MGM, RKO), avaient déjà produit sur le public de 1931-1945 l’effet sociologique que produisit la Hammer sur celui de 1955-1975. Penser que la Hammer a introduit un frisson nouveau me semble donc une erreur rétrospective, y compris concernant l’érotisme et l’aspect social. qui ne sont absents ni l’un ni l’autre de l’histoire du cinéma fantastique des origines à 1955.

Le terme « gothique » pour définir les films fantastiques de la Hammer films, est historiquement comme esthétiquement peu approprié en dépit de la mode actuelle, pour plusieurs raisons.

L’interprétation athée de La Revanche de Frankenstein (GB 1958) de Terence Fisher, a été soutenue par Jean-Pierre Bouyxou et je crois comprendre qu’elle est reprise par Nicolas mais elle fut vigoureusement refusée par son scénariste Jimmy Sangster au cours de leur entretien (publié in Bouyxou & Lethem, La Science-fiction au cinéma, éditions U.G.E., collection 10/18, Paris 1971).

Christopher Lee et Fisher ont soigneusement maintenu l’ambivalence humaine / inhumaine du personnage de Dracula, monstre rendu plus dangereux par sa beauté apparente mais néanmoins monstre. Aspect démoniaque (au sens à la fois théologique et kierkegaardien du terme) revendiqué par Lee dans son entretien avec Caen paru dans un Midi-Minuit Fantastique n°4-5 de janvier 1963. Lee le maintiendra dans ses interprétations suivantes, y compris dans les dernières grandes versions Hammer des années 1970 qu’il interprète, celles de Roy Ward Baker et de Peter Sasdy.

Le Cauchemar de Dracula (Dracula / Horror of Dracula) (GB 1958) de Terence Fisher n’est pas le premier film montrant les canines du vampire. Si ma mémoire est bonne, on les voyait déjà en 1943 chez Siodmak et en 1944 et 1945 chez Erle C. Kenton. On les voyait assurément dans El Vampiro (Les Proies du vampire) (Mex. 1957) de Fernando Mendez avec German Robles. En couleurs et sanglantes, en revanche, possible mais… à vérifier cependant ! L’histoire du cinéma réserve tant de surprises… et il reste encore tant de films fantastiques inédits en France au cinéma à découvrir : je pense par exemple au The Return of the Vampire (USA 1943) de Lew Landers avec Bela Lugosi.

Concernant la réception politique de la Hammer films en France, une certaine ambivalence demeure: le public de gauche intellectuelle a certainement pensé ce que Nicolas écrit; le grand public apolitique n’a absolument pas pensé cela, quant au public de droite intellectuelle … je ne sais pas ! Je note, à ce sujet, que la revue Présence du cinéma (Michel Mourlet, Michel Marmin et les « mac-mahoniens ») défendait un cinéaste-bis (devenu d’ailleurs, non moins que Fisher, un cinéaste classique incontournable) tel que Vittorio Cottafavi alors que Jean Douchet crachait sur Fisher certaines des lignes les plus méprisantes jamais lues dans l’histoire critique française de ce cinéaste (lignes reproduites dans M.-M. F. n°1).

Le paragraphe sur l’année 1968 et ses paradoxes culturels et sociologiques est très bon.

Sur les vedettes féminines de la Hammer, analyse assez complète mais l’espace manquait évidemment pour cerner totalement la richesse du sujet et il est, de toute manière, préférable de réserver une telle analyse à une critique titre par titre.

Le chapitre sur les Hammer « para-victoriens » (donc sur ceux relevant des genres de la sciences-fiction, de la terreur psychologique, de l’aventure historique et préhistorique) compense, en dépit de son inévitable brièveté, un peu leur absence du livre de référence.

Michael Carreras était déjà aux commandes et déjà actif dès les années 60, bien avant le passage de pouvoir « officiel » de James à Michael. D’autre part, les contemporains rendent responsables Aïda Young plutôt que Carreras de l’accentuation de la violence et de l’érotisme graphique. Un point d’histoire de la Hammer à creuser un jour (peut-être déjà résolu par les livres consacrés à l’histoire du studio, notamment les livres anglais et leurs témoignages de première main ?) mais Michael en fut aussi responsable, de toute évidence.

Intéressant paragraphe synthétique sur l’évolution fishérienne de la conception du baron Frankenstein mais il me semble que le passage « de l’autre côté du miroir » est déjà effectué à la fin de La Revanche de Frankenstein.

Bons paragraphes sur les Hammers des années 1970 et sur la présentation de Frankenstein et le monstre de l’enfer (GB 1973) de Terence Fisher à la Convention française du cinéma fantastique, ce qui accentue la reconnaissance critique néanmoins encore marginale et pour longtemps, du genre. Sur le plan du grand public, en revanche, la Hammer n’est pas encore classique : elle demeure également marginale et pour aussi longtemps, notamment à la télévision (la télédiffusion du Cauchemar de Dracula en VF d’époque vers 1975 demeurant l’exception qui confirme la régle). Terence Fisher meurt en 1980 dans l’indifférence critique et médiatique la plus complète et la Hammer. Il faudra attendre presque trente ans pour que la Cinémathèque française lui rende hommage (2007).

Excellent chapitre sur les doubles-programmes mythologiques des cinémas parisiens Brady et Colorado et sur ma génération mais un bémol historique : au tournant des années 1980, la mort des cinémas de quartier est inexorablement enclenchée et de tels doubles-programmes disparaissent progressivement. Après 1985, le phénomène s’accentue.

Meurtre par procuration

Bonus - 4,0 / 5

2 suppléments vidéo complètent le livret : « la petite boutique des horreurs » (10 min.) est une brève introduction à l’histoire de la Hammer Films par Nicolas Stanzick, illustrée de documents de première main et la présentation de Meurtre par procuration (10 min environ) par Nicolas couvre bien sa genèse, sa situation thématique dans l’histoire du cinéma, sa production, sa réception française. Elle est bien informée, montée assez nerveusement par Erwan Le Gac et, en outre, très bien illustrée. Sur certains points de cette présentation, je renvoie à ce que j’ai écrit plus haut concernant le livret car certains éléments du livret se retrouvent dans cette présentation.

La galerie images  : une quinzaine de belles photos de plateau N&B en majorité et deux ou trois photos d’exploitation couleurs (dont une espagnole assez mignonne) remarquablement reproduites à la bonne taille et suffisamment longtemps montrées pour qu’on puisse en profiter pleinement sur grand écran TV ou vidéoprojecteur.

La section bandes-annonces (une dizaine proposées en VOSTF) est intéressante car on y trouve une BA de 1961 proposant le double-programme (en très mauvais état chimique et recadrée : des avertissements signalent que le master Elephant est évidemment d’une qualité bien supérieure) de La Nuit du loup-garou et de Le Spectre du chat. Notons que cette BA est intégralement N&B alors que le premier film est en couleurs. On y trouve également une belle bande-annonce au format HammerScope 2.35 N&B de Paranoïaque L’état chimique comme vidéo de l’ensemble de ces BA varie du bon au médiocre, y compris concernant les cadrages des formats. Cette section contient également une publicité filmée pour l’édition revue et augmentée de la mythique revue Midi-Minuit Fantastique.

L’ensemble est sympathique et très honorable. mais on aurait pu ajouter le « making of » et les souvenirs de l’actrice Jennie Linden audibles (en VO sans STF) sur le bluray anglais édité par Final Cut en 2016, pour faire bonne mesure.

Image - 5,0 / 5

Format original HammerScope 2.35 respecté N&B compatible 16/9 sur le Blu-ray 1080p Full HD Elephant. Copie chimique parfaitement restaurée et définition vidéo remarquable. Un mot sur le HammerScope : certains sites anglo-saxons affirment que le HammerScope était du 2.55. Lorsque je visionnais l’ancien DVD NTSC zone 1 Universal en 2005, je me posais la question (bien qu’il fût lui aussi estampillé 2.35 au verso du boîtier) qui reste mal étudiée car les mêmes sites anglo-saxons affirment, sans craindre de se contredire, que [PROGRAM([PROGRAM(paranoiaque)])] est au format correct en 2.35 alors que Meurtre par procuration (Nightmare) et [PROGRAM([PROGRAM(paranoiaque)])] ont été tous les deux tournés en HammerScope. Après brèves recherches sur les sites spécialisés dans l’histoire des formats Scope, je n’ai trouvé aucune preuve que le HammerScope ait été du 2.55 : tous les sites consultés le confirment 2.35. En revanche, le TechniScope utilisé par Fisher pour Dracula, prince des ténèbres était, pour sa part, bel et bien du 2.70.

Son - 5,0 / 5

Son DTS HD Master audio Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital 2.0 (sur DVD) en VOSTF et VF d’époque bien conservée et restituée : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Le niveau sonore de la VF d’époque est variable et un peu moins homogène ou puissant, sur certains segments, que celui de la VO : phénomène habituel. Possibilité de changer à la volée de piste sonore en maintenant la continuité de la vision, comme sur toute cette collection Hammer de Elephant. Les dialogues français d’époque modifient parfois légèrement ce qui est dit en VOSTF. Sous-titres bien lisibles sans être trop gros, amovibles en option si on veut écouter la VO pure, comme c’est le cas de toute cette série Hammer éditée fin 2017 chez Elephant. Excellente partition musicale signée Don Banks supervisée par John Hollingsworth, plus classique que celles de James Bernard pour la Hammer, mais néanmoins très efficace.

Meurtre par procuration

Crédits images : © Éléphant Films

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic FullHD
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Sony
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p
Note du disque
Avis
Multimédia
Meurtre par procuration
Bande-annonce VOST

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