Shock Corridor (1963) : le test complet du Blu-ray

Exclusivité FNAC

Réalisé par Samuel Fuller
Avec Peter Breck, Constance Towers et Gene Evans

Édité par Wild Side Video

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Le 04/03/2019
Critique

Shock Corridor

USA 1963 : Johnny Barrett, un journaliste ambitieux visant le Prix Pulitzer, désire éclaircir un meurtre survenu dans un asile d’aliénés dont trois malades furent témoins. Avec l’aide du directeur de son journal, du Dr. Fong et celle de sa petite amie Cathy, il simule être un fétichiste violent et incestueux si bien qu’il s’y fait interner à son tour. Son enquête commence alors dans cet environnement redoutable où Johnny court non seulement le risque constant d’être démasqué ou repéré par le criminel mais encore le risque bien pire que le masque finisse par lui coller à la peau.

Shock Corridor (USA 1963) produit et réalisé par Samuel Fuller est son plus célèbre film noir policier adapté par lui-même de son propre roman homonyme, paru en traduction française aux éditions Gallimard, collection « série noire » n°1028 en 1966, illustrant sa couverture d’une image N&B du film qui était sorti en France en 1965. Le sujet est original (en dépit du fait qu’il soit placé sous l’inspiration d’un fragment antique grec d’Euripide) et son traitement cru. D’une certaine manière, c’est le film central de sa filmographie en raison de son thème (la folie) qui se retrouve disséminé dans certaines séquences de tous ses autres grands titres. On y parle sans fard d’inceste, de fétichisme à la manière technique de Freud et de Jung dont les portraits sont accrochés au mur du bureau du Dr. Fong. Il vire parfois un peu facilement à l’allégorie symbolique : dénonciation du racisme, de la guerre atomique, de la guerre de sécession, de la presse à sensation. La source première de l’angoisse constante qu’il provoque profondément (illustrée par une photographie mi-réaliste mi-expressionniste très efficace signée Stanley Cortez) est l’idée de perte d’identité à laquelle se surajoute un sujet au second degré, celui du rapport réel-représentation. Raison pour laquelle on a pu considérer que c’était non seulement un film policier mais aussi un film fantastique. Séquences plastiquement somptueuses : les divers rêves de Cathy par Johnny; l’orage foudroyant Johnny dans le couloir. Le reste est syntaxiquement plus classique, voire parfois un peu théâtral mais régulièrement inspiré. Peu de violence graphique, au total, montrée à l’écran mais la mise en scène est elle-même constamment violente. A noter la présence de l’actrice hammerienne Marie Devereux (Les Étrangleurs de Bombay) dans la section des dangereuses nymphomanes.

Shock Corridor

On en sait à présent un peu plus sur la production de Shock Corridor que ce qu’en savaient les critiques français d’époque ou que ce qu’en disent les intervenants du supplément inséré dans ce disque :il n’est pas inutile de le résumer ici. Fuller le tourna en une semaine ou 10 jours environ non pas dans un décor unique (comme on le lit parfois à tort) mais sur un plateau unique (qui avait aussi été celui du Le Mouchard de John Ford) à partir duquel il reconstitua plusieurs décors : bureau du psychiatre, club du strip-tease avec sa scène et ses loges, asile d’aliénés avec son dortoir, sa cantine, son parloir et son fameux couloir sans oublier la section des nymphomanes. Un psychiatre précise que Johnny a débuté dans le journalisme à 14 ans comme « copyboy » (sorte de coursier amenant l’article original papier tapé à la machine et les copies carbones aux différentes sections ou aux différents étages des différents bureau d’un même journal). C’était le cas de Fuller lui-même qui s’adresse d’ailleurs un autre clin d’oeil (hitchcockien) durant un plan assez bref mais permettant à l’observateur de repérer sa photo (cigare au bec) encadrée au mur de la loge des strip-teaseuses. Les plans d’hallucinations en couleurs, insérés brusquement dans un film N&B (amplifiant une idée qu’avait déjà eue le cinéaste Albert Lewin en 1945 et en 1946) est constituée de fragments tournés au Brésil (au Mato Grosso) pour son inachevé Tigrero (1954) et de plans (anamorphosés ou non, plans ou plans de tournage montrant par exemple la construction provisoire ayant permis à Fuller d’accéder au sommet du Bouddha japonais pour y tourner ce fameux plan en plongée que le comédien Robert Stack estimait inutile, des années plus tard dans son entretien à la revue française Ecran, mais bien à tort selon moi) tournés au Japon pendant la réalisation de son autre film noir policier La Maison de bambou (1955). La scène non moins hallucinatoire de l’averse orageuse foudroyant le héros, encore aujourd’hui si spectaculaire et inattendue, fut tournée en dernier par commodité technique.

Shock Corridor et Naked Kiss - Police spéciale (Police spéciale) (USA 1964) furent repris aux USA comme double-programme d’exploitation par le distributeur Allied Artists à partir de 1965, ce qui n’était pas absurde car, outre leur communauté de genre et de budget (deux films noirs policiers de série B), leur vedette féminine est la même actrice Constance Towers. Sans oublier Marie Devereux crédités aussi dans ces deux titres.

Shock Corridor

Présentation - 3,0 / 5

1 Blu-ray 50 1080 24p zone B édité le 12 décembre 2018 par Wild Side Vidéo. Format image 1.78 en N&B + couleurs, son DTS HD mono 2.0. VF + LPCM 1.0 VOSTF, durée du film : 92 min environ. Supplément : documentaire (25 min. env.)

Bonus - 1,0 / 5

Elle consiste en un documentaire (Play it around Sam, durée 25 min. environ, N&B + couleurs ) avec la participation des historiens, critiques et cinéastes Jacques Bral, François Guérif, Jean Narboni et Noël Simsolo et des extraits d’entretien TV avec Fuller. Des quatre, c’est surtout Guérif qui fournit des (maigres) éléments d’information sur Shock Corridor. Guérif se méprend cependant sur un point qu’il faut relever : le fait que l’argent soit avancé par le distributeur du film ne signifie pas que Fuller ne soit pas son producteur. Que Leon Fromkess ait financé le film comme « executive producer » est une chose; que Fuller l’ait produit comme « producer » en est une autre. Guérif ne fournit aucune information (j’en attendais pourtant de sa part puisqu’il est historien autant du roman noir que du film noir) sur la curieuse première couverture de la traduction parue chez Gallimard, collection Série noire n°1028 mentionnant : « version romancée par Michael Avallone ». Les autres intervenants évoquent le cinéma de Fuller en général ou des souvenirs de rencontre ou de travail. Ils esquissent une histoire critique de la réception de Fuller en France. Elle n’est pas toujours d’une précision idoine : Simsolo parle de Pick up on South Street (USA 1952) de Samuel Fuller comme d’un « film policier » alors que c’est au contraire un film d’espionnage anticommuniste, aux dialogues modifiés en France par la Fox qui le sortit sous le titre Le Port de la drogue pour faire croire à un film policier afin de ne pas effaroucher ni dissuader les spectateurs communistes français qui pullulaient après-guerre du fait de la propagande stalinienne de L’Humanité et de L’Ecran français. Fuller, contrairement à ce que dit Simsolo à un autre moment, fut absolument anticommuniste, ne se renia jamais sur ce plan et plusieurs titres de sa filmographie en témoignent clairement, y compris Shock Corridor : les suppléments de l’ancienne édition Carlotta DVD de Le Port de la drogue en 2004 l’ont établi une fois pour toutes.

Les extraits provenant d’anciennes émissions de la TV française avec Fuller en VOSTF ne concernent pas Shock Corridor directement mais sa conception générale de la mise en scène et du cinéma. Ceux de Shock Corridor et de Naked Kiss - Police spéciale proviennent de masters à l’image médiocre. Les photos de plateau insérées sont mieux définies mais souvent fragmentées au montage. Une photo rarement vue : celle de la visite du cinéaste John Ford sur le plateau de tournage de Shock Corridor. Plateau qui avait été, autrefois, celui où Ford avait tourné Le Mouchard !

Le cinéphile anglophone pourra se rabattre sur l’édition Criterion qui propose un entretien d’environ 30 min. (VO sans STF) avec l’actrice vedette Constance Towers (filmée en 2007 à Beverly Hill) sur le tournage de Shock Corridor. Il ne faut d’ailleurs pas le confondre avec l’autre entretien filmé la même année 2007 par le même documentariste américain avec la même actrice mais concernant Naked Kiss - Police spéciale. Elle fut (avec Marie Devereux à un moindre degré d’importance) le trait d’union charnel entre ces deux titres.

Shock Corridor

Image - 4,0 / 5

Format 1.85 original légèrement recadré en 1.78 (et non pas 1.75 comme indiqué sur le catalogue Criterion), N&B + couleurs. C’est le master américain Full HD 1080p de l’édition Blu-ray américaine Criterion sortie en 2011 qui est ici reporté, comme l’indique le logo Janus Films en pré-générique d’ouverture. Ce 1.78 n’est certes pas le 1.85 original mais il en est nettement plus près que l’ancien format 1.37 de l’ancienne édition française DVD Pal zone 2 Wild Side Vidéo qui était recadrée plein cadre aux normes vidéo et TV américaines 4/3 du siècle dernier. Cette édition-ci remplace donc avantageusement celle-là. Pour le reste, elle met le spectateur au même niveau, avec presque 10 ans de retard (mieux vaut tard que jamais) que son homologue cinéphile américain. C’est un master qui a été fabriqué à partir d’une copie positive 35mm en bon état. Le réducteur de bruit vidéo aurait pu être appliqué d’une manière plus nette (voir le générique d’ouverture ou le léger scintillement sur les cheveux de Johnny au début) mais l’ensemble est globalement stable, bien nettoyé, doté d’un bon contraste, de beaux noirs denses. La fameuse section en couleurs est également bien reproduite. Rendez-vous pour une future édition UHD qui respectera, on l’espère, enfin le format 1.85 d’une manière impeccable.

Shock Corridor

Son - 5,0 / 5

VOSTF mono et VF mono d’époque : offre complète, nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La VOSTF (propre, dynamique, bien nettoyée) provenant en ligne droite du master Criterion doit donc être au standard technique LPCM mono 1.0 (24 bit) tandis que la VF d’époque est à la norme DTS MA mono. La VF d’époque était devenue assez rare car le film était systématiquement repris au cinéma en circuit Art et essais en VOSTF à partir des années 1970. Elle est correcte et certaines voix collent bien aux personnages mais la VOSTF est plus dense, dynamique et nette.

Shock Corridor

Crédits images : © Wild Side

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 5 août 2020
BEHIND LOCKED DOORS (USA 1948) de Budd Boetticher (signé Oscar Boetticher) peut assurément être considéré, dans l'histoire du film noir policier américain, comme un précurseur structurel oublié du SHOCK CORRIDOR (USA 1963) de Samuel Fuller.
Leur argument est identique : en 1948 un détective privé (Richard Carlson), en 1963 un journaliste (Peter Breck), se font volontairement enfermer dans un asile d'aliénés afin de démasquer "undercover" un criminel.
La similitude s'arrête là car Fuller rajoute à l'intrigue des éléments thématiques originaux (le personnage joué par Constance Towers chez Fuller est, par exemple, diamétralement opposé à celui joué par Lucille Bremer chez Boetticher) et il la traite plastiquement d'une manière plus ample et plus baroque, voire parfois même franchement expérimentale, sans même parler de la différence fondamentale du format (un écran standard académique 1.37 N&B en 1948, un écran large N&B en 1963).

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