Le Procès de Jeanne d'Arc (1962) : le test complet du Blu-ray

Version Restaurée

Réalisé par Robert Bresson
Avec Florence Carrez, Jean-Claude Fourneau et Roger Honorat

Édité par Potemkine Films

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Le 13/05/2019
Critique

Cette oeuvre épurée, emblématique du cinéma selon Robert Bresson, longtemps indisponible, nous revient pour la première fois en HD.

Le Procès de Jeanne d'Arc

Jeanne, capturée à Compiègne par les Bourguignons, a été vendue aux Anglais. Emprisonnée à Rouen, elle va être jugée pour hérésie par un tribunal ecclésiastique.

Procès de Jeanne d’Arc, le huitième des treize longs métrages de Robert Bresson, sorti en 1962, entre Pickpocket et Au hasard Balthazar, est distingué par le Prix du jury à Cannes, ex-aequo avec L’Éclipse de Michelangelo Antonioni, l’année où la Palme d’or fut attribuée au Brésilien Anselmo Duarte pour La Parole donnée (O Pagador de promessas).

Aux antipodes des représentations hollywoodiennes, Jeanne d’Arc (Joan of Arc, Victor Fleming, 1948) avec Ingrid Bergman ou Sainte Jeanne (Saint Joan, Otto Preminger, 1957) avec Jean Seberg, Robert Bresson opte pour une représentation du drame plus épurée encore que celle proposée en 1928 par Carl Theodor Dreyer dans La Passion de Jeanne d’Arc.

Comme Dreyer, sans rien montrer de l’enfance de Jeanne, ni de ses faits d’armes, ni même de son arrestation, Bresson commence le film avec le procès, après un court résumé du passé sur les quelques lignes d’un carton.

Mais quand Dreyer propose une forme recherchée, une rapide succession de gros plans, pris sous des angles insolites, de visages, ceux, hostiles et presque monstrueux, des juges, celui, apeuré et douloureux, de Falconetti, Robert Bresson pousse le dépouillement beaucoup plus loin.

Procès de Jeanne d’Arc est essentiellement constitué d’une suite de plans fixes, cadrant Jeanne en plan américain de trois quarts-face sous son profil droit dans la salle d’audience, sous son profil gauche dans sa cellule et, en contre-champ, ses juges, de face, avec une caméra légèrement décalée à leur gauche dans la salle d’audience, à leur droite dans la cellule.

Le Procès de Jeanne d'Arc

Procès de Jeanne d’Arc nous montre les visages de Jeanne et de ses juges, mais rarement et très brièvement celui des figurants dont on ne voit souvent que les pieds, un choix d’austérité qui concentre l’attention sur les dialogues, ceux que Robert Bresson a lui-même sélectionnés dans les minutes du procès pour souligner la force de caractère et l’intelligence d’une fille inculte, confrontée à des universitaires chevronnés.

Aussi simple qu’elle soit, la photographie du film est magnifique, due à Léonce-Henri Burel, chef opérateur attitré d’Abel Gance, notamment pour J’accuse, en 1919, et Napoléon, en 1927, qui fut distingué à Venise en 1951 pour Journal d’un curé de campagne, un autre des quatre films de sa collaboration avec Robert Bresson.

Dans Procès de Jeanne d’Arc, Bresson continue d’employer des acteurs non professionnels. On ne reverra Florence Delay (Florence Carrez au générique sous le pseudonyme, le nom de sa mère) que dans un seul autre long métrage, Écoute voir… (Hugo Santiago, 1979). Elle a choisi une autre voie, l’écriture de romans et d’essais, qui l’a conduite à l’Académie française en 2000. Jean-Claude Fourneau (l’évêque Cauchon) était un peintre portraitiste, proche du surréalisme.

Ce film, si représentatif du cinéma de Robert Bresson, indisponible depuis longtemps, nous revient, coédité par Potemkine et MK2, pour la première fois proposé en haute définition, avec des bonus inédits.

Le Procès de Jeanne d'Arc

Présentation - 4,0 / 5

Procès de Jeanne d’Arc (64 minutes) et ses suppléments (88 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un Digipack non fourni pour le test.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale en français, avec sous-titrage automatique des quelques dialogues en anglais, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Sous-titres pour malentendants.

Bonus - 4,5 / 5

Interview de Robert Bresson (5’) par Mario Beunat pour l’ORTF, en 1962. Robert Bresson a souhaité réaliser un film sur Jeanne d’Arc, source d’inspiration de plus de 2 000 ouvrages, pour la rendre plus actuelle, loin du stéréotype de la petite paysanne devenue guerrière, dans une représentation dépouillée, en se référant uniquement à des sources historiques, les minutes du procès en hérésie et du procès en réhabilitation. Pour plus de sincérité, il a souhaité confier le rôle à une débutante de l’âge du personnage : un acteur « se cache derrière son art », affirme-t-il.

Tous les autres suppléments sont inédits.

Interview de Florence Delay (2019, 30’). C’est une amie du TNP qui l’a présentée à Robert Bresson. Il avait choisi une autre candidate quand, quelques jours avant le tournage, il lui a envoyé un pneumatique pour lui dire qu’elle serait Jeanne. Il restait peu de temps pour les costumes : les godillots de la guerre 14-18 furent trouvés aux puces. Les nombreux figurants recrutés pour la scène du bûcher, en dépit d’un budget serré, n’apparaissent pas au montage final : on ne voit que les pieds de quelques-uns. Elle regarde comme un privilège d’avoir pu s’approcher de Jeanne en reprenant, après un court temps d’écoute et les yeux baissés, les paroles exactes qu’elle avait prononcées, dictées par ses voix. Des paroles étonnantes dans la bouche d’une jeune analphabète. Les plans furent tournés dans l’ordre du montage avec de nombreuses prises, parfois jusqu’à une quarantaine, dans un climat de tension. (Entretien préparé par Natacha Missoffe, riche en informations sur les méthodes de travail de Robert Bresson).

Le Procès de Jeanne d'Arc

Interview d’Hervé Dumont (34’), historien du cinéma, ancien directeur de la Cinémathèque Suisse. Après un clair résumé de la vie de Jeanne, de sa naissance en Lorraine, en 1412, à sa mort sur le bûcher, à Rouen, le 30 mai 1431, Hervé Dumont passe en revue les principaux films qu’elle a inspirés, La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Theodor Dreyer, en 1928, La Merveilleuse vie de Jeanne d’Arc de Marco de Gastyne, en 1929, Jeanne d’Arc de Victor Fleming, en 1948, et Sainte Jeanne d’Otto Preminger, en 1957. Il compare ensuite la vision de Dreyer à celle de Robert Bresson qui disait de son film qu’il était « une partition sonore ». La relégation des images en arrière-plan, visait à mettre en avant la défense de Jeanne, son « jeu d’échecs » contre ses juges. (Entretien préparé par Natacha Missoffe et Anaïs Girard).

Interview d’Olivier Assayas (2019, 17’). Il lui a fallu du temps pour réaliser que le film, le plus court de ceux de Robert Bresson, occupait une place majeure dans son oeuvre. Il y voit « une tentative de dépassement du cinéma » avec une extraordinaire économie de moyens, « à l’opposé du théâtre (…) du cinéma à l’état pur », pour valoriser un texte magnifique. Il souligne l’inventivité de la scène finale : lorsque la fumée se dissipe, le corps de Jeanne a disparu. « La leçon de Bresson, c’est de suivre son chemin. » (Entretien préparé par Natacha Missoffe et Clarisse Cazenave).

Restauration du film, avant et après (2’). Ce module permet de vérifier que la restauration opérée par le Laboratoire Éclair respecte le dégradé de gris de la source et qu’une très légère réduction du bruit n’a pas dénaturé la texture originelle. Les taches et griffures ont été totalement effacées et on remarque particulièrement la stabilisation physique et lumineuse de l’image.

Le Procès de Jeanne d'Arc

Image - 5,0 / 5

L’image (1.66:1, 1080p, AVC), soigneusement nettoyée, parfaitement stable, propose un dégradé de gris délicatement équilibré, avec une parfaite gestion du grain qui ne dénature pas la texture argentique.

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, très propre, avec un souffle pratiquement inaudible, bénéficie d’une dynamique qui surprend dès le premier plan avec le son d’une cloche, puis avec le chant du clairon et les roulements de tambour du générique. Les dialogues sont restitués avec une grande clarté.

Crédits images : © MK2 / Potemkine Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 13 mai 2019
Ce film, si représentatif du cinéma de Robert Bresson, indisponible depuis longtemps, nous revient, coédité par Potemkine et MK2, pour la première fois proposé en haute définition, avec des bonus inédits.

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