Main basse sur la ville (1963) : le test complet du Blu-ray

Le Mani sulla città

Édition Blu-ray + DVD + DVD bonus + livre - Boîtier Mediabook

Réalisé par Francesco Rosi
Avec Rod Steiger, Salvo Randone et Guido Alberti

Édité par Rimini Editions

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Le 18/03/2024
Critique

Lion d’or de 1963, ce grand film politique ressort enfin, restauré, dans une édition enrichie d’exceptionnels compléments.

Main basse sur la ville

Edoardo Nottola, entrepreneur et membre du Conseil municipal de Naples, s’est enrichi grâce à la spéculation immobilière et à la construction d’édifices à bas coût. À l’approche des élections municipales, il cherche à élargir le nombre de ses soutiens afin d’avoir une plus grande marge de manoeuvre. Mais un immeuble vétuste s’écroule et un scandale éclate devant le nombre de morts et de blessés, tous des pauvres gens.

Main basse sur la ville (Le Mani sulla città), récompensé par le Lion d’or en 1963, ressorti en salles fin 2022, une coproduction franco-italienne, est le quatrième film de Francesco Rosi (1922-2015). Né à Naples, journaliste à la radio, il monte à Rome en 1946 où il est, pendant une bonne dizaine d’années, assistant réalisateur, notamment de Luchino Visconti pour La Terre tremble (La Terra trema, 1948), Bellissima (1951) et Senso (1954), avant de réaliser en 1958 son premier film, Le Défi (La Sfida).

Le scénario de Main basse sur la ville a été coécrit par le réalisateur, deux journalistes et Raffaele La Capria, romancier napolitain qui contribua à l’écriture de quatre autres films de Francesco Rosi. Cinéaste engagé, il s’est attaché à donner au film une dimension quasi-documentaire pour dénoncer la corruption au temps du « miracle économique » dans l’Italie des années d’après-guerre. C’est un des grands films politiques de Francesco Rosi avec Lucky Luciano (1973), Cadavres exquis (Cadaveri eccellenti, 1976), Le Christ s’est arrêté à Eboli (Cristo si è fermato a Eboli, 1979) et Oublier Palerme (Dimenticare Palermo, 1990), dédiés à l’histoire contemporaine de l’Italie du Sud.

C’est de l’or : ce mètre carré de terrain pourra nous rapporter un bénéfice de 5 000% !

Main basse sur la ville

Main basse sur la ville expose, dès le pré-générique, un système qui garantit l’enrichissement des promoteurs immobiliers. Les terrains vagues ou les terres agricoles, achetés à vil prix en bordure de la ville, après avoir été viabilisés aux frais de la municipalité, acquièrent une énorme plus-value qu’encaisseront les promoteurs lors de la vente de logements construits à l’économie. Le film pointe clairement du doigt le soutien général du système, notamment par les partis de gauche et l’Église catholique, traditionnellement intouchable dans le cinéma italien de l’époque. À la fin du film, le message est clair : « Les personnages et les faits sont fictifs, alors que la réalité sociale qui les a générés est bien réelle ». Une vérité assénée par l’image emblématique du marteau-pilon qui enfonce dans le sol les pieux des fondations, dès le premier plan suivant le générique et dans le plan final.

Main basse sur la ville n’est interprété que par trois acteurs professionnels. Francesco Rosi, admirateur de Sur les quais (On the Waterfront, 1954) d’Elia Kazan, a offert le rôle d’Edoardo Nottola à Rod Steiger, suivant une pratique courante des cinéastes transalpins d’employer des acteurs étrangers, les dialogues étant alors traditionnellement doublés en postproduction, rarement captés en son direct. Les deux autres sont Salvo Randone et Guido Alberti. Le reste de la distribution est assuré par des non professionnels, des figurants, voire des habitants du quartier dans les scènes de rue, gage d’une authenticité chère au réalisateur.

Le film a été restauré en 2020 à partir du scan 4K de plusieurs sources, « des éléments négatifs disponibles en France et en Italie » selon le carton qui précède le film, à Rome par les laboratoires Luce-Cinecittà et à Boulogne-Billancourt par Hiventy.

La réédition de Main basse sur la ville était attendue depuis l’épuisement du DVD sorti en 2008 par les Éditions Montparnasse. D’autres films manquent encore aujourd’hui à l’appel dans nos catalogues, dont L’Affaire Mattei (Il Caso Mattei), Palme d’or 1972, un film majeur qui n’a jamais été édité sur disque optique en France et confidentiellement ailleurs.

Main basse sur la ville

Présentation - 5,0 / 5

Main basse sur la ville (101 minutes) et ses suppléments (72 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et, dans cette édition combo, sur un DVD-9 et un DVD-5. Les trois disques sont logés dans les couvertures d’un Mediabook.

Le film est proposé dans sa langue originale, l’italien, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono (Dolby Digital 2.0 sur le DVD).

Piste d’audiodescription DTS-HD Master Audio 2.0.

Sous-titres pour malentendants.

Le Mediabook de 80 pages, intitulé À propos de Main basse sur la ville, illustré de photos du film et de plateau, est divisé en trois parties. Dans la première et la plus longue, Francesco Rosi, cinéaste du réel, l’historien du cinéma Jean A. Gili résume la carrière du « cinéaste le plus engagé dans son approche civique et politique de la réalité italienne, dans sa volonté de montrer l’inextricable connivence entre le pouvoir officiel et le pouvoir occulte, entre organisation officielle et structure mafieuse ». Dans son analyse de Main basse sur la ville, le chroniqueur cite des écrits du réalisateur et de son ami le coscénariste Raffaele La Capria attestant de leur détermination à dénoncer les « ravages » de la spéculation immobilière à Naples, bien analysée par l’article. Après son retour à Naples, il tournera ses derniers films, le documentaire Diario napoletano (1992) et un biopic de Primo Levi, La Trêve (La Tregua, 1997). La première partie se termine sur une conversation avec Giuseppe Tornatore en 2012 et sur Main basse sur la ville, cinquante ans après, sous le regard de Roberto Saviano, l’auteur de Gomorra dont l’adaptation au cinéma par Matteo Garrone recevra le Gand prix du jury du festival de Cannes en 2008. Vient ensuite, Dans les bas-fonds de la politique, un article d’Hacène Belmessous, paru dans le numéro 12 de la revue Gibraltar, qui met en avant le réalisme et l’actualité « d’un récit puissant dans sa critique politique du malaise dont souffre notre vie démocratique ». Enfin, Patricia Barsanti, présidente de la Société Cinématographique Lyre (créée en 1952 et installée depuis 1983… rue de Naples !), coproductrice du film, dans Revoir Main basse sur la ville en salle, applaudit la ressortie après restauration d’un « film à l’heure du monde (…) qui fait vibrer et reste dans les mémoires ».

Main basse sur la ville

Bonus - 5,0 / 5

Entretien avec Michel Ciment (29’), intitulé La contre-enquête de Francesco Rosi, conduit par Jean-Pierre Vasseur, enregistré le 19 juin 2023, cinq mois avant la disparition de Michel Ciment, notamment auteur en 1976 du livre Le Dossier Rosi (réédité par Ramsay en 1987). La rencontre de Luchino Visconti à Rome après la guerre fut déterminante pour Francesco Rosi, avant qu’il ne réalise son premier film, La Sfida, sur la Camorra. Après une rapide revue de sa filmographie, Michel Ciment relève l’attachement de Rosi à Naples, ville où se sont confrontées « raison et passion », l’influence qu’eurent sur lui les films noirs d’Elia Kazan ou de Jules Dassin et le néoréalisme, le relatif succès public du film en Italie en 1963, l’année de 8 ½, du Guépard (Il Gattopardo), de Les Monstres (I Mostri). Le film doit aussi à ses collaborateurs, à Piero Piccioni, au chef-opérateur Gianni Di Venanzo, au monteur Mario Serandrei. Rosi reconnaît l’énergie et le talent de Nottola qu’il dénonce en tant que force politique, portant sur le personnage le regard nuancé d’Orson Welles sur Citizen Kane. Réalisé il y a soixante ans, Main basse sur la ville « reste toujours d’une extraordinaire actualité ».

Conversation entre Paola Palma et Frédéric Mercier (Transfuge) (Rimini Éditions, 2023, 40’), Paola Palma, maîtresse de conférences en études cinématographiques à l’université Caen-Normandie, autrice de plusieurs écrits sur le cinéma italien et directrice de l’ouvrage collectif Mariages à l’européenne : Les coproductions cinématographiques intra-européennes depuis 1945 (Association française de recherche sur l’histoire du cinéma, 2019), de Colette et le cinéma (Quidam, 2023), rappelle que Francesco Rosi aimait présenter son film comme un « théorème » qui pose un problème, propose un développement dont on peut tirer des conclusions. C’est un authentique reflet de l’actualité sociale et politique de Naples de la fin des années 50 au milieu des années 60, d’une spéculation garantie par le soutien du pouvoir politique et de l’Église, d’un système dénoncé dans le film par l’élu communiste De Vita, interprété par Carlo Fermariello, un syndicaliste qui deviendra sénateur. Bien reçu par la critique, Main basse sur la ville n’arriva que 93ème au box-office italien et souleva des polémiques, certains partis lui reprochant son manichéisme. Son intérêt n’est plus aujourd’hui discuté, ni son influence sur le cinéma italien.

Bande-annonce (3’30”).

Main basse sur la ville

Image - 4,0 / 5

L’image, au ratio d’origine de 1.85:1, encodée à 1080p au standard AVC, est stable, soigneusement débarrassée des marques de dégradation de la pellicule, lumineuse, avec des noirs assez denses, mais avec un étalonnage fluctuant des contrastes. Le traitement du grain n’est pas plus homogène : tantôt lissé, tantôt grossier, parfois dans un seul et même plan. Malgré ces réserves, peut-être attribuables à la multiplicité des sources, l’impression d’ensemble reste satisfaisante.

Main basse sur la ville

Son - 4,0 / 5

Le son mono d’origine, réencodé au format DTS-HD Master Audio 2.0, lui aussi très propre, resserré sur une bande passante étroite, assure la clarté des dialogues, dans un bon équilibre avec l’ambiance et la partition originale, parfois saturée, de Piero Piccioni, compositeur de la musique de douze films de Francesco Rosi.

doublage en français, au même format, place trop en avant des dialogues manquant de naturel et au timbre sec, moins fondu dans l’ambiance.

Crédits images : © Galatea Film, Societé Cinématographique Lyre

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 19 mars 2024
Un des grands films politiques de Francesco Rosi, cinéaste engagé qui s’est attaché à donner une dimension quasi-documentaire à sa courageuse dénonciation de la corruption au temps du ’’miracle économique’’ dans l’Italie des années d’après-guerre. Introuvable depuis des lustres, ce film essentiel nous revient grâce à Rimini Éditions, restauré, en haute définition, avec des compléments exclusifs de qualité. Une édition de référence !

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