La Passagère (1963) : le test complet du DVD

Pasazerka

Édition Collector

Réalisé par Andrzej Munk
Avec Aleksandra Slaska, Anna Ciepielewska et Jan Kreczmar

Édité par Malavida Films

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Le 28/02/2024
Critique

Un des films de fiction les plus réussis sur les camps de concentration que le destin empêchera Andrzej Munk d’achever…

La Passagère

Au cours d’une croisière vers l’Europe en compagnie de son mari Walter, Liza subit un choc. Elle croit reconnaître parmi les passagers une jeune femme, Marta, ex-détenue du camp d’Auschwitz où elle était surveillante SS (SS Aufseherin). Liza, dont le mari ignore cette partie de sa vie, se souvient de son passé terrifiant. Ce sont d’abord des fragments qu’elle arrange dans le but de se justifier, mais peu à peu la véritable histoire se reconstitue.

La Passagère (Pasażerka), sorti en Pologne en septembre 1963, en France en octobre 1964, récemment ressorti dans nos salles par Malavida Films en janvier 2023, est le dernier des cinq longs métrages qu’Andrzej Munk eut le temps de réaliser dans une courte carrière, brutalement interrompue à moins de 40 ans par un accident de la route en 1961, en plein tournage du film qui sera achevé et monté par son assistant, Witold Lesiewicz.

Le scénario, coécrit par Andrzej Munk et Zofia Posmysz (1923-2022) est l’adaptation du roman autobiographique publié en 1962 par cette dernière, survivante des camps de concentration d’Auschwitz et de Ravensbrück où elle fut détenue de 1942 jusqu’à sa libération par l’armée américaine, le 2 mai 1945. Ce roman a également inspiré le livret de l’opéra La Passagère, composé par Mieczysław Weinberg en 1968, qui sera trois fois capté en vidéo, par Felix Breisach en 2010 (Blu-ray édité par Arthaus), par Oliver von Dohnany en 2018 (Blu-ray Dux) et en 2022 par Nadja Loschky et Axel Stummer sous le titre Die Passagierin (Blu-ray Naxos).

La Passagère

La Passagère, sélectionné pour la Palme d’or (alors renommée Grand Prix du Festival, décerné en 1964 à Jacques Demy pour Les Parapluies de Cherbourg), a été distingué à Cannes par le Prix FIPRESCI et par une Mention spéciale attribuée à Andrzej Munk pour le film et l’ensemble de son oeuvre.

Diplômé en 1950 de l’institut du cinéma de Łódź, après une dizaine de documentaires, Andrzej Munk réalise en 1956 son premier film de fiction, Un homme sur la voie (Człowiek na torze) et devint, avec Andrzej Wajda, Wojciech Has, Kazimierz Kutz, Jerzy Kawalerowicz… un porte-drapeau d’un renouveau du cinéma polonais quand prit fin l’oppression stalinienne.

Tourné en longs plans-séquences à Auschwitz-Birkenau, La Passagère fut « le film le plus terrifiant sur Auschwitz » pour Andrzej Wajda qui voyait en Andrzej Munk « le metteur en scène le plus conscient d’entre nous ». En arrière-plan de la relation entre Liza et Marta, des scènes glaçantes. Celle de fillettes descendant tranquillement les marches conduisant à une casemate souterraine avant qu’un soldat allemand ne vide une boîte de Zyklon B dans l’une des ouvertures pratiquées sur la terrasse de l’édifice, alors qu’un peu plus loin, une cheminée vomit une épaisse fumée noire. Puis celle où, d’une des poussettes remisées dans un entrepôt, sortent les pleurs d’un bébé. Une représentation aussi marquante de l’horreur d’Auschwitz-Birkenau que celle que fera László Nemes en 2015 avec Le Fils de Saul (Saul fia).

Je n’ai fait de mal à personne… Et si Marta vit, c’est grâce à moi

Le scénario est centré sur la relation complexe, bourreau-victime, entre Liza et Marta, prisonnière politique (Zofia Posmysz, la créatrice du personnage avait été arrêtée et déportée en 1942 après être entrée dans la résistance armée contre les Allemands). L’affrontement de deux volontés, celle de Marta luttant farouchement contre l’emprise de Liza qui veut la soumettre pour lui faire admettre la justesse de sa cause.

La Passagère

Le choix de Witold Lesiewicz, un ami de Munk sans lequel film, abandonné pendant deux ans, ne serait jamais sorti, a été, plutôt que de continuer le tournage en tentant d’imiter le réalisateur, de ne représenter les scènes sur le transatlantique, le présent, que par quelques photos au ratio 1.33:1. Les trois flashbacks du camp de concentration, le passé, dont très peu de plans manquaient à la mort du réalisateur, sont au ratio 2.35:1. Le film laisse planer une incertitude : Liza, sur le transatlantique, a-t-elle vraiment croisé Marta, supposée morte, ou une inconnue qui lui ressemblait ? On ne saura jamais ce qu’aurait voulu Munk.

La Passagère, Marta, est interprétée par Anna Ciepielewska, l’inoubliable soeur Malgorzata de Mère Jeanne des Anges (Matka Joanna od aniolów, Jerzy Kawalerowicz, 1961) et Liza, par Aleksandra Śląska qu’on avait pu voir en tête de distribution de Le Noeud coulant (Petla, Wojciech J. Has).

Cette réédition de La Passagère, sortie en même temps que celle de Un jour, un chat (Az prijde kocour, Vojtech Jasný, 1963) vient s’ajouter à la longue liste de films d’Europe de l’Est du catalogue vidéo de Malavida Films.

La Passagère

Présentation - 2,5 / 5

La Passagère (59 minutes) et ses suppléments (49 minutes) tiennent sur un DVD-9, logé dans un fin Digipack.

Le film est proposé dans sa langue originale, le polonais, avec sous-titres incrustés dans l’image, au format Dolby Digital 2.0 mono.

À l’intérieur du Digipack, un livret de 12 pages en deux parties. La première, Andrzej Munk, contient des extraits de Jerzy Plazewzky, Anthologie du cinéma n° 22, publiée en 1967 : après une notice biographique, elle caractérise le style du réalisateur, notamment au travers de scènes de La Passagère. Dans la seconde partie, Pasażerka (La Passagère) ou l’univers de l’enfer concentrationnaire, (un extrait d’Études cinématographiques n° 45, 1965), Michel Estève analyse la représentation, entre documentaire et fiction, de l’univers concentrationnaire par Munk qu’il met en parallèle avec celle proposée par d’autres cinéastes, principalement par Alain Resnais dans Nuit et brouillard : « Resnais avait filmé la mort après coup (…) Munk semble ici filmer la mort sur le vif, une mort qui sourd au coeur même de ce qui reste de vie. (…) Méditation sur l’Histoire, La Passagère s’affirme aussi comme oeuvre d’art. »

Un précieux complément au film !

Bonus - 3,0 / 5

Dernières images (Ostatnie zdjęcia, documentaire d’Andrzej Brzozowski, 2000, 1.33:1, 47’). Un de ses assistants rappelle la vie de Munk, son engagement dans la résistance en 1943, sa formation à l’École du cinéma de Łódź, son exclusion en 1952 du Parti ouvrier polonais pour « comportement indigne », lit des lettres envoyées d’Auschwitz pendant le tournage de La Passagère. Le documentaire contient les vues sur le film d’Andrzej Wajda, de Roman Polanski, des anecdotes de tournage rapportées par Aleksandra Śląska, des extraits du film, des prises d’Auschwitz-Birkenau en 2000… (repris de l’édition Malavida Films de 2008).

Bande-annonce (1’57”).

La Passagère

Image - 4,5 / 5

L’image, au ratio origine de 2.35:1, après une restauration qui a effacé toute trace de dégradation de la pellicule, agréablement contrastée entre des blancs lumineux et des noirs denses, affiche une bonne résolution dans le respect du grain du 35 mm.

Son - 5,0 / 5

Le son Dolby Digital 2.0 mono, très propre lui aussi, sans souffle, assure la clarté des dialogues et une restitution réaliste de l’ambiance et des passages musicaux, sans saturations.

Crédits images : © Malavida

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 28 février 2024
Effrayante évocation de l’univers concentrationnaire inspirée par les souvenirs d’une survivante d’Auschwitz. C’est l’histoire qu’avait choisie pour son dernier film par Andrzej Munk, fauché par un accident de la route avant la fin du tournage. Un des chefs-d’œuvre du cinéma polonais !

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La Passagère
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