La Belle et la Bête (1978) : le test complet du Blu-ray

Panna a netvor

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret

Réalisé par Juraj Herz
Avec Zdena Studenková, Vlastimil Harapes et Václav Voska

Édité par ESC Editions

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Le 05/06/2019
Critique

La meilleure adaptation du conte de La Belle et la bête après celle de Jean Cocteau, une référence probablement indétrônable…

La Belle et la Bête

Un marchand ruiné se résout à vendre le portrait de sa défunte épouse pour payer la dot de ses trois filles en âge de se marier. Il fait étape dans un château envahi par la végétation au milieu d’une forêt qu’on dit enchantée. Là, comme par magie, l’attend un dîner. Le lendemain matin, à la place du tableau, des bijoux de grande valeur. En quittant le château, il cueille une rose pour sa fille benjamine, ce qui déclenche la colère du maître des lieux, un monstre effrayant. Il dit au marchand qu’il le tuera à moins qu’une de ses filles ne le rejoigne au château.

La Belle et la bête (Panna a netvor, « la vierge et le monstre »), a été réalisé en 1978 par le cinéaste tchèque Juraj Herz. Il a tourné pour la France, mais à Prague, deux des épisodes de la série Maigret avec Bruno Cremer, Maigret et la tête d’un homme, en 1995, et Maigret tend un piège, en 1996. Mais sa réputation internationale tient à L’Incinérateur de cadavres (Spalovac mrtvol, 1969), une comédie cauchemardesque où Karl Kopfrkingl met tout son zèle à aider les nazis dans leur entreprise de purification raciale, en commençant par sa femme et ses enfants qu’il soupçonne d’avoir du sang juif. Juraj Herz, disparu en avril 2018, était un des survivants du camp de Sachsenhausen où il fut détenu encore enfant.

La Belle et la bête est l’une des innombrables adaptations d’un des contes du recueil intitulé La Jeune Américaine et les contes marins, écrit et publié anonymement par Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, en 1740. En 1756, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont en inséra une version édulcorée dans son manuel d’éducation Le Magasin des enfants.

La Belle et la Bête

Ce conte est une variation des relations entre l’homme et l’animal, un thème remontant à la nuit des temps, qui ne tarda pas à inspirer le cinéma : les frères Pathé projetèrent, dès 1899, le premier court métrage sur le sujet.

Dans le genre sucré, on trouve la version animée des Studios Walt Disney de 1991 et son remake de 2017, façon comédie musicale pour acteurs en chair et en os, avec Emma Watson dans le rôle de la belle.

D’autres s’y sont essayés, avec plus ou moins de bonheur, dont Christophe Gans, en 2014, avec l’appui de Vincent Cassel et Léa Seydoux. Une adaptation à grands moyens, peut-être pas inoubliable, qui vaut pour sa fidélité à l’esprit ambigu du conte et pour son esthétique.

La télévision s’est aussi emparée du mythe, avec des fortunes diverses. On retiendra, dans le lot, La Belle et la bête (Beauty and the Beast, 1987-1990, 55 épisodes), avec Ron Perlman et Linda Hamilton en tête de générique, une création de Ron Koslow surpassant l’honnête accommodement à la sauce policière qu’il mitonna dans la foulée, Beauty & the Beast (2012-2016, 70 épisodes), avec Kristin Kreuk.

Mais la plus belle adaptation pour le grand écran reste à ce jour, et probablement pour très longtemps encore, La Belle et la Bête que réalisa Jean Cocteau en 1946 avec l’assistance de René Clément, la photographie d’Henri Alekan, la musique de Georges Auric dirigée par Roger Desormière et le maquillage d’Arakelian pour Jean Marais, une impressionnante combinaison de talents pour un chef-d’oeuvre impérissable.

La Belle et la Bête

La Belle et la bête de Juraj Herz, bien que largement méconnue, vient, de l’avis de beaucoup, se placer derrière cette magnifique adaptation. Pour la subtilité du scénario, d’abord : il attise la tension dramatique en ne dévoilant le visage de la bête qu’une quarantaine de minutes après le générique, celui d’une créature d’autant plus dangereuse qu’elle ne peut contrôler l’instinct qui la pousse à tuer, révélé dans une magnifique scène où on la voit, à cheval, chasser une biche. On est aussi frappé par la beauté désolée des décors, une forêt pétrifiée et, derrière des grilles monumentales, un château en ruines, sans couleurs, englouti par la végétation.

Le film de Juraj Herz se distingue aussi par l’apparence envoûtante de la bête au corps d’homme et à tête de rapace, armée de serres noires et acérées. Une créature tout autant terrifiante qu’attirante. Et, comme dans le film de Cocteau, la magie du lieu opère : il suffit d’ouvrir une porte, pour accéder à un autre monde, celui du manoir de Julie, étincelant de couleurs au moment des réjouissances pour les épousailles de ses deux soeurs… Un enchantement qui fera passer Julie, le long d’un chemin périlleux, de l’enfant encore amoureuse de son père, à la femme qui s’ouvre à l’amour.

Cette édition de La Belle et la bête, jusque-là introuvable en vidéo en France, corrige un oubli qui sera encore mieux réparé avec celle, toujours attendue, de deux autres films majeurs de Juraj Herz, Morgiana (1972), la surprenante histoire des relations délétères entre deux soeurs, et Le Neuvième coeur (Deváté srdce), un autre conte de fées diffusé sur une des chaines câblées en 2006.

La Belle et la Bête

Présentation - 4,5 / 5

La Belle et la bête (87 minutes) et son supplément (29 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et DVD-9, logés dans un digipack glissé dans un fourreau, non remis pour le test.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en tchèque, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS HD Master Audio 1.0.

À l’intérieur, un livret illustré de 24 pages intitulé Le Don de la rose, écrit par Frédéric Albert Lévy (il fut récemment l’auteur du livret accompagnant Trois femmes / 3 Women de Robert Altman dans sa récente réédition par Wild Side Vidéo et d’une pertinente analyse de L’Etrange incident / The Ox-Bow Incident, le curieux western de William Wellman de 1943, ressorti par ESC Éditions en janvier 2019). Étroitement surveillé après le printemps de Prague, L’Incinérateur de cadavres vite mis au placard, Juraj Herz amadoue les censeurs avec un conte pour enfants, qui va se révéler moins innocent qu’attendu, dès les images du générique, avec des « tableaux ou dessins représentant, telles des vanités, des animaux ou des hommes dont on distingue essentiellement les crânes et les squelettes. » L’arrivée de la belle bouleverse l’existence de la bête qui n’a désormais plus sa place chez les animaux et pas encore chez les hommes, isolée dans le décor expressionniste et sombre de son château. Suit, Hier, aujourd’hui et demain, une analyse comparée de deux genres littéraires, la fable et le conte. Peu de contes sont aussi ambigus que La Belle et la Bête « qui nous offre conjointement un retour à l’ordre, avec la métamorphose finale de la Bête, et un saut en avant, avec celle de la Belle, jeune fille qui devient femme (…), une double nature qui fait aussi que les contes s’adressent à la fois aux enfants et aux adultes. » Dans le chapitre suivant, Il était plusieurs fois…, Frédéric Albert Lévy recherche la genèse du mythe de La Belle et la Bête qu’il fait remonter à Zénon de Kition, en 312 avant J.C., avant de comparer la version de Mme Leprince de Beaumont à celle de Mme de Villeneuve. Le livret se referme sur une rapide revue de quelques adaptations pour le grand écran.

La Belle et la Bête

Bonus - 4,0 / 5

Entretien avec Christophe Gans (29’). Il a découvert le film au Festival du film fantastique de Paris au Grand Rex, en 1978, projeté avec un autre film de Juraj Herz, Le Neuvième coeur (Deváté srdce), deux films tournés simultanément. Quand Christophe Gans a lui-même réalisé son adaptation de La Belle et la bête, sortie en 2014, il a voulu en faire une forme d’hommage à Jean Cocteau et à Juraj Herz. Comme tous les contes de fées, celui-là s’ouvre sur la cruauté du monde et sur la sexualité dans une « atmosphère quasi-apocalyptique » et surréaliste annoncée par le beau générique. Le film frappe aussi par son ambiguïté : le monstre est-il un prince charmant frappé par un sortilège ou une bête que l’amour va transformer en prince charmant ? Il attire l’attention sur la magnifique scène où Julie, sous l’effet d’un narcotique, tombe en arrière sur un lit qui n’était pas là et se referme sur elle comme un cercueil, une séquence psychanalytique à la Fellini. Il n’est pas impossible que la bête n’existe que dans le seul inconscient de Julie, un des personnages féminins troubles du cinéma tchèque déjà rencontrés, par exemple, dans Les Petites marguerites (Sedmikrasky, Vera Chytilová, 1966). Un type de personnage dérangeant qui habitait déjà son film Morgiana (1972), la surprenante histoire de deux soeurs, l’une voulant tuer l’autre qui allait la quitter pour se marier.

La Belle et la Bête

Image - 3,5 / 5

L’image (1.37:1, 1080i, AVC) a visiblement bénéficié d’une restauration, mais qui a laissé subsister de nombreuses taches blanches, heureusement assez discrètes pour ne pas gâcher le plaisir de découvrir ou revoir le film. L’image, bien stabilisée, offre des couleurs lumineuses et ravivées dans la première partie, située dans le manoir de Julie, délibérément plus sombres et plus ternes dans le château de la bête. Les contrastes sont fermes, avec des noirs denses, mais ayant une tendance à se boucher dans les séquences les plus sombres.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 de la version originale, très propre, restitue les dialogues avec clarté et donne, grâce à l’ouverture de la bande passante et à une bonne dynamique, une ampleur surprenante à l’accompagnement musical avec des aigus cristallins et des basses fermes (grandes orgues à 34’).

Crédits images : © NFA

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 24 juin 2022
Sa qualité et son originalité placent cette relecture du conte de La Belle et la bête, largement méconnue, en bonne position derrière la magnifique adaptation de Jean Cocteau. Introuvable en vidéo, elle nous arrive enfin dans une édition enrichie d’intéressants suppléments.

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