Les Patriotes (1994) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Eric Rochant
Avec Yvan Attal, Sandrine Kiberlain et Jean-François Stévenin

Édité par Gaumont

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Le 18/02/2020
Critique

Production d’espionnage âpre et réaliste, au budget luxueux, à l’écriture tendue, à la mise en scène d’une ampleur concertée.

Les Patriotes

Paris + Tel-Aviv, 1983 : le jeune Ariel, juif sioniste convaincu, quitte sa famille parisienne et devient espion israélien. Il organise le vol des secrets d’une centrale atomique française. Il craint que Marie-Claude, prostituée parisienne dont il est tombé amoureux, ait été assassinée afin d’assurer le secret de l’opération. Tel-Aviv + Washington, 1987 : Ariel est contacté par Jeremy, fonctionnaire juif travaillant pour la NSA américaine, désireux d’aider Israël par tous les moyens, y compris l’espionnage des USA. Jeremy est finalement sacrifié sur l’autel de la raison d’État. Paris, 1990 : Ariel, lassé en profondeur, est sur le point de renoncer à son métier mais ses supérieurs le surveillent et l’en dissuadent.

Les Patriotes (France 1993) de Eric Rochant est un des meilleurs films français de la période 1990-2000 et un des meilleurs films d’espionnage, toutes nationalités confondues, de l’histoire du cinéma mondial.

On lui a absurdement reproché sa construction dédoublée alors qu’elle est tripartite : 1983, 1987 et 1990. On lui a reproché non moins absurdement l’absence de référence à la question palestinienne mais on en trouvait dans une scène coupée au montage (mais tournée et aujourd’hui visible dans les suppléments ici offerts) et, très brièvement et allusivement, dans une ou deux scènes conservées. Le sujet est celui des relations internationales, fondées sur le rapport de force et sur la guerre secrète. La structure du roman d’apprentissage, alliée à celle d’une vision documentaire de l’espionnage moderne, s’applique à l’itinéraire d’Ariel qui aurait pu aussi bien être un espion d’un autre pays qu’Israël, si paradoxale que cette assertion puisse paraître. Le choix d’Israël avait été motivé, du reste, par la contingence historique de deux faits réels d’actualité (destruction par Israël d’une centrale française vendue à l’Irak, arrestation d’un espion américain manipulé par Israël). Il y a donc un aspect documentaire en dépit de l’avertissement ironique du générique d’ouverture et il y a aussi un suspense constant, servant parfaitement le genre.

Les Patriotes

Sur le plan matériel, production luxueuse tournée en format Scope, dotée d’un casting international de haut vol réservant des surprises parfois très étonnantes, d’une musique symphonique discrète mais admirable lorsqu’elle est convoquée, d’un montage très soigné. Une seule référence d’histoire du cinéma est filmée : Barry Lyndon (USA 1975) de Stanley Kubrick, à l’affiche d’un cinéma parisien. Le cinéaste revendique par ailleurs l’esthétique du cinéma des années 1970 en général, celle de Sergio Leone en particulier : emploi de la longue focale, signification accordée aux amorces de plan, autant de signes d’un héritage formel. La génération de Rochant est celle de Christophe Gans : les cinéastes français de cette époque sont d’abord des cinéphiles cultivés en histoire et en esthétique du cinéma, nourris autant que fascinés par le cinéma de genre et l’évolution de ses formes.

Sur le plan thématique, le propos de Rochant est, en apparence, très classique : l’individu broyé par la raison d’État en dépit d’une compensation in extremis, accordée à l’anti-héros par le hasard, le destin, Dieu ou plus prosaïquement par ses supérieurs hiérarchiques (ce qui, dans ce dernier cas, signerait sa perte irrémédiable de liberté). Un tel propos était déjà clairement à l’oeuvre chez Fritz Lang et chez Alfred Hitchcock lorsqu’ils abordaient le genre pendant la Seconde guerre mondiale puis pendant la « Guerre froide » entre monde libre et bloc communiste. Il est ici, cependant, sous-tendu par un propos plus ambitieux : le personnage d’Ariel symbolise l’impossibilité d’accéder à l’identité, qu’elle soit personnelle, amoureuse, citoyenne, politique voire même ontologique. La clé de voûte du film étant fournie par ce dialogue théologique, entre Ariel et son supérieur hiérarchique, sur l’inquiétude de Dieu concernant la création de l’homme. En arrière-plan du sujet manifeste classique d’espionnage, le sujet latent de l’histoire pourrait bien être celui-là, d’essence métaphysique. Le personnage symbolique de cette identité quêtée mais introuvable, serait alors, dans une telle perspective, non plus Ariel mais son collègue le jeune faussaire, prouvant son existence en marquant d’un signe (pratiquement invisible à moins de le connaître) les passeports qu’il falsifie artisanalement.

Les Patriotes

Présentation - 3,0 / 5

1 Blu-ray BD50 multi-régions ABC, édité par Gaumont, le 20 novembre 2019. Image Full HD 1080p, restaurée 2K au format 2.35 original respecté en couleurs et compatible 16/9. Son VOSTF + VF en DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 au choix pour les deux versions. VFSTanglais et VFST sourds et malentendants. Durée du film : 145 min. environ. Suppléments : les illusions perdues (2018, 16/9, 50 min.) + « director’s cut » (16/9, 55 min.).

Bonus - 4,5 / 5

Les Illusions perdues (2018, 16/9, 50 min. environ) : sous ce titre éminemment balzacien, excellent documentaire d’histoire du cinéma. C’est un retour sur la genèse du film, sa production, son tournage et sa réception critique et publique avec le cinéaste Eric Rochant, le producteur Alain Rocca, le chef opérateur Pierre Novion, l’actrice Sandrine Kiberlain, les acteurs Yvan Attal, Bernard Le Coq et Jean-François Stévenin. Itinéraire filmographique du réalisateur, références littéraires du scénario, références cinématographiques de la mise en scène, aventures du financement (environ 70 millions de FF donc environ 25 millions d’€ : un des plus gros budgets de la décennie à laquelle il appartient), souvenirs sur le casting, remarques sur le plan de travail, souvenirs de tournage, de la projection triomphale à Cannes, de la démolition ultérieure du film à sa sortie par les critiques du Monde, de Libération et des Cahiers du cinéma. Nombreuses photos de tournage N&B, ce qui commence à leur conférer un beau cachet. Bref… vous en saurez vraiment beaucoup sur le film après avoir visionné ce documentaire.

Director’s cut (16/9, 55 min. environ) : titre un peu trompeur car l ne s’agit pas d’une director’s cut au sens habituel. Le cinéaste Eric Rochant et la monteuse Pascale Fenouillet commentent, dans une salle de projection, les séquences coupées, ici projetées dans l’ordre numéroté de leur montage virtuel. Ils justifient, séquence par séquence, les raisons principales de leur tournage puis de leur retrait du montage final. Très intéressant mais à ne visionner, évidemment, qu’après le métrage monté exploité. Les scène où l’oncle montre à son neveu un pistolet semi-automatique et où Jeremy en montre un autre à Ariel sont assez bonnes et auraient pu, à mon avis, être conservées : elles ne nuisaient pas au rythme et enrichissaient l’ensemble. On a eu raison de couper les autres, en revanche.

Au total, excellente édition spéciale permettant d’appréhender correctement ce titre. Il lui manque juste une galerie affiches et photos d’exploitation françaises originales couleurs non détourées ainsi qu’une galerie de critiques d’époque pour devenir une authentique édition collector, sur le plan des bonus.

Les Patriotes

Image - 5,0 / 5

Format original Panavision Scope 2.35 respecté en couleurs, compatible 16/9 Full HD 1080p. Dominante bleue (drapeau israélien oblige : il ouvre le premier plan d’une manière intelligente, intégrée immédiatement à l’action par un mignon mouvement de grue) mais aussi très belles scènes nocturnes, qu’il s’agisse d’intérieurs ou d’extérieurs. Copie argentique parfaitement restaurée 2K par le laboratoire Éclair en 2018. Transfert numérique préservant un équilibre impeccable entre grain et lissage. Dorénavant l’édition de référence en Full HD.

Son - 5,0 / 5

VOSTF et VF en DTS-HD Master Audio 5.0 ou 2.0 au choix pour les deux versions (ce qui donne 4 possibilités sonores) + VFST anglais + VFST pour sourds et malentendants. Le film était Dolby Stéréo d’origine (dans certaines salles seulement, d’ailleurs, à sa sortie) : les versions 5.1. sont donc évidemment remastérisées et seules les versions 2.0 correspondent vraiment à ce qu’on entendait au cinéma à la sortie. La VOSTF internationale faisait parler les acteurs hébreux en hébreux et les acteurs américains en anglais alors que la VF double (très bien) tout le monde en français, d’autant mieux que certains acteurs hébreux se sont parfois doublés eux-mêmes en français (et vice-versa, me semble-t-il, dans certains cas, en écoutant la VOSTF internationale ?) donc les voix originales et leur dramaturgie sont préservées dans cette VF qui peut largement suffire à la découverte du titre pour le cinéphile francophone. Les STF pour sourd et malentendants sont très soigneusement réalisés et intuitifs, comme toujours chez Gaumont. Somptueuse musique symphonique, commentant intelligemment l’action car savamment distillée afin de procurer un effet maximum.

Crédits images : © Gaumont

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 19 février 2020
Production d’espionnage âpre et réaliste, au budget luxueux, à l’écriture tendue, à la mise en scène d’une ampleur concertée.

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