Beatrice Cenci

Beatrice Cenci (1969) : le test complet du Blu-ray

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Lucio Fulci
Avec Tomás Milián, Adrienne Larussa et Georges Wilson

Édité par Artus Films

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Le 30/06/2020
Critique

La tragique histoire de Beatrice Cenci, décapitée à 22 ans, racontée par Lucio Fulci avant qu’il ne devienne un des maîtres de l’horreur à l’italienne.

Beatrice Cenci

À Rome, le 11 septembre 1599, jugés coupables de l’assassinat du comte Francesco Cenci, ses enfants Beatrice et Giacomo et sa seconde épouse Lucrezia furent conduits à l’aube jusqu’au lieu de leur exécution, au pont Sant’Angelo. Le plus jeune des enfants, Bernardo, 13 ans, dut monter sur l’échafaud pour assister au supplice avant d’être emprisonné. Giacomo mourut la tête écrasée à la masse, Beatrice et Lucrezia la tête tranchée par la mannaia, une des nombreuses machines préfigurant la guillotine. Francesco Cenci, un riche débauché, perpétuellement en délicatesse avec la justice du Vatican, condamné à la prison pour de multiples violences et la tentative de viol de Beatrice, très vite relâché, avait continué de tyranniser sa famille.

Beatrice Cenci, réalisé en 1969, distribué en France sous un titre inattendu, Liens d’amour et de sang, inspiré par des faits historiques, est hors du répertoire fantastique, macabre et sanglant, épicé de sexe, qui allait faire la réputation internationale de Lucio Fulci avec L’Emmurée vivante (Sette note in nero, 1977), L’Enfer des zombies (Zombi 2, 1979), Frayeurs (Paura nella città dei morti viventi, 1980), L’Au-delà (L’Aldilà, 1981)… Ici, rien de fantastique dans une évocation de la violence avec laquelle le bras de la justice s’abattit sur une famille et sur une jeune femme de 22 ans, Beatrice Cenci, « la belle parricide ».

Le souvenir de Beatrice Cenci, devenue une icône de la résistance des femmes à l’oppression masculine, allait perdurer pendant quatre siècles et inspirer des écrivains, dont Shelley, Stendhal, Alexandre Dumas père, Stefan Zweig, des dramaturges, dont Alberto Moravia et Antonin Artaud, et trois opéras. Le personnage est apparu très tôt sur les écrans, la première fois en 1908, à l’initiative de notre compatriote Albert Capellani, et a séduit plusieurs cinéastes, dont Ricardo Fredda pour Le Château des amants maudits (Beatrice Cenci, 1956), avec Micheline Presle dans le rôle de Lucrezia et Gino Cervi dans celui de Francesco.

Le Beatrice Cenci de Lucio Fulci n’est respectueux de la vérité historique que dans les grandes lignes. Il prend quelques libertés, surtout avec le personnage d’Olimpio Calvetti, intendant du domaine et amant de Beatrice, qu’il fait succomber sous la torture en assurant être l’unique responsable de la mort de Francesco Cenci, alors qu’il a été assassiné sur ordre des Cenci pour l’empêcher de les dénoncer. Et l’on ne s’étonnera pas que le réalisateur donne la part belle à l’horreur en accordant une large place à la violence graphique : un homme est livré par Francesco aux crocs de quatre dogues féroces et l’efficacité de la torture est démontrée en gros plan sous plusieurs variantes, dislocation des épaules par étirement des membres, application répétée de fers chauffés au rouge, crane serré au tourniquet… Lucio Fulci n’a pas cherché à renier ses intentions en avouant, en 1994 : « Pour faire le film, nous avons écrit deux scénarios, un pour le producteur, avec des sérénades, et un autre qui est devenu le film, plus cruel, mauvais, atroce. »

Beatrice Cenci profite de la belle photographie d’Erico Menczer qui a collaboré avec des cinéastes éminents tels Mario Monicelli, Michelangelo Antonioni, Dario Argento, avec de beaux clairs obscurs et des cadrages composés comme des tableaux. Un plan dans les cuisines rappelle les peintures de Pieter Brueghel l’Ancien.

Beatrice Cenci bénéficie aussi d’une bonne distribution avec, dans le rôle d’Olimpio Calvetti, Tomás Milián qui avait fui la dictature cubaine pour s’inscrire à l’Actor’s Studio et se lancer dans une carrière d’acteur en Italie. Le rôle-titre est tenu par la jeune Adrienne Larussa, venue spécialement de New York offrir sa beauté, plus que son talent, au service de l’héroïne.

Georges Wilson campe un Francesco impressionnant de froide méchanceté, mais grossièrement doublé, sans le moindre souci de synchronisation des dialogues avec le mouvement des lèvres. Le décalage, moins évident dans le doublage, peut laisser supposer qu’il disait ses dialogues en français.

Beatrice Cenci

Présentation - 4,5 / 5

Beatrice Cenci (93 minutes) et ses compléments (51 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et un DVD-9 logés dans l’épaisse couverture d’un Mediabook. C’est le quatrième titre de la belle Collection Lucio Fulci lancée par Artus Films en 2018.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio non compressé LPCM 2.0 mono.

Le livret de 64 pages, abondamment illustré, après une introduction de Lionel Grenier, contient Beatrice Cenci racontée par Lucio Fulci, passe en revue les options du réalisateur, rappelle l’accueil froid de la critique et du public, suivi de La vérité du Beatrice Cenci, un passionnant résumé de l’histoire des Cenci par l’universitaire Stéphane Rolet. Vient ensuite, Sous le charme de la belle parricide, une revue par Jean Vinneuil des oeuvres qu’elle a inspirées dans les arts plastiques, la littérature, le théâtre, la musique et le cinéma, notamment en donnant à Bertrand Tavernier en 1987 l’idée de La Passion Béatrice, toujours dans l’attente d’une édition sur disque optique en France. Puis Lionel Grenier souligne quelques libertés prises par Lucio Fulci avec l’histoire et ses ennuis avec la censure italienne. Jean Vinneuil consacre ensuite quelques pages à Adrienne Larussa, venue de New York se lancer dans une carrière d’artiste en Italie, dont la photo sur une affiche de La Pecora nera (Luciano Salce, 1968) avait attiré l’oeil de Lucio Fulci. Le livret se referme sur un article de Lionel Grenier, Recréer l’Italie de 1599, soulignant l’apport du directeur artistique Umberto Turco.

Beatrice Cenci

Bonus - 3,5 / 5

Présentation du film par Lionel Grenier (3’, Lucio Fulci.fr en partenariat avec Artus Films, 2019). Lionel Grenier, coauteur de Lucio Fulci - le poète du macabre (bazaar&Co, 2009) passe rapidement en revue la carrière de réalisateur de Lucio Fulci. Après un début dans la comédie I Ladri, en 1959, avec Totò, il s’essaiera à tous les genres, en passant en 1966 par le western, Le Temps du massacre (Le colt cantarono la morte e fu… tempo di massacro), avec Franco Nero, avant d’entrer dans le genre qui fera sa spécialité, cocktail de gore et de fantastique avec Zombi 2 en 1979.

Moi Beatrice, une analyse du film par Lionel Grenier (8’, Lucio Fulci.fr en partenariat avec Artus Films, 2019). C’est le seul drame historique de Lucio Fulci. Il s’ouvre et se termine par un commentaire en voice over, procédé inhabituel dans son oeuvre, et emprunte à d’autres genres, western et giallo. Béatrice Cenci, qui dénonce les excès de la noblesse et l’hypocrisie du pouvoir, sort en novembre 1969 dans un contexte social très tendu en Italie. Une suite habile de flashbacks dévoile peu à peu l’ambiguïté de l’héroïne. Le féminisme du film dément la réputation d’un Fulci misogyne. Il est aussi une charge contre un clergé avide et corrompu.

La famille et la torture (20’, en italien, sous-titré, Freak-O-Rama, 2019), un entretien avec Mavie Bardanzellu, l’interprète de Lucrezia, venue au cinéma à l’invitation d’amis, « pour s’amuser ». Elle évoque l’implication de Lucio Fulci pendant tout le tournage et les relations qu’elle a entretenues avec les acteurs, meilleures avec Georges Wilson qu’avec Adrienne Larussa qui prenait des airs de prima donna.

Don Giacomo (16’, en italien, sous-titré, Freak-O-Rama, 2019), un entretien avec Antonio Casagrande, l’interprète de Giacomo Cenci, arrivé au cinéma par le théâtre après avoir été chanteur d’opéra. De sa première rencontre avec Lucio Fulci, il a gardé le souvenir d’un homme modeste, bizarre, pas très sympathique, mal élevé et, parfois, très gentil. Il livre ses impressions sur les acteurs.

Nue pour Lucio (1’, Artus Films, 2019). Adrienne Larussa, titulaire du rôle-titre, se souvient de sa relation « d’aversion discrète » avec Lucio Fulci qui, pour détendre l’atmosphère, lui a présenté une doublure grassouillette pour la scène du viol par son père dans laquelle elle doit apparaître nue.

Diaporama (3’) : une belle collection de photos du film, d’affiches et de lobby cards.

Dommage que les deux entretiens avec Lucio Fulci, d’une trentaine de minutes chacun, qui complétaient l’édition Neo Publishing, nettement plus intéressants que les souvenirs des acteurs, n’aient pas été repris, alors qu’un bon tiers de la capacité du disque n’a pas été utilisé.

Image - 4,5 / 5

L’image (1.85:1, 1080p, AVC), après une remastérisation 2K, présente des couleurs plus chaudes que celles de l’édition Neo Publishing de 2007 qui avait déjà bénéficié d’une soigneuse restauration. Elle est lumineuse, agréablement contrastée, avec des noirs bien denses et un contrôle du bruit respectueux de la texture argentique.

Son - 4,0 / 5

Le son LPCM 2.0 mono de la version originale, très propre, pratiquement sans souffle, bénéficie d’une assez bonne dynamique. Les dialogues sont toutefois occasionnellement affectés par un léger excès de réverbération et l’étroitesse de la bande passante, pauvre en graves, donne un timbre métallique à l’accompagnement musical.

Ces remarques valent pour le doublage en français, avec des dialogues nettement moins réverbérés.

Crédits images : © Artus Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 2 juillet 2020
Hors champ du répertoire fantastique, macabre et sanglant, épicé de sexe, qui allait faire sa réputation internationale, Lucio Fulci a voulu nous rappeler la violence avec laquelle le bras de la justice s’abattit, en l’an 1599, sur une famille et sur une jeune femme de 22 ans, Beatrice Cenci, « la belle parricide ».

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