La Vérité (2019) : le test complet du Blu-ray

Une délicate comédie douce-amère sur le thème de la famille, cher à Hirokazu Kore-Eda, pour le premier film qu’il a tourné hors du Japon.

Lumir, scénariste, est venue de New York à Paris, avec son mari Hank et sa fille Charlotte, pour célébrer la sortie du livre Fabienne d’Angeville : La Vérité, les mémoires de sa mère, une star du cinéma français. Fabienne s’y décrit en mère aimante, alors que Lumir ne lui a jamais pardonné de l’avoir délaissée. Les retrouvailles sont difficiles. Lumir accompagne cependant sa mère sur les plateaux du studio d’Épinay pour le tournage d’un film de science-fiction où elle incarne la fille âgée d’une mère éternellement jeune…

La Vérité, film d’ouverture de La Mostra de Venise 2019, coproduit par Le Pacte et Wild Bunch, est le quatorzième long métrage de fiction de Hirokazu Kore-Eda et le premier qu’il réalise hors du Japon. Il est, comme pour ses autres films, l’auteur du scénario, l’adaptation d’une pièce de théâtre qu’il avait commencé d’écrire en 2003. L’idée de réaliser un film en France, avec des acteurs et une équipe dont il ne parle pas la langue, lui a été soufflée par Juliette Binoche en 2010.

Très largement distribué sur la planète, notamment au Japon, La Vérité exploite un thème récurrent du cinéma de Hirokazu Kore-Eda, celui du noyau familial, dans le sillage de Nobody Knows (Dare mo shiranai, 2004), Tel père, tel fils (Soshite chichi ni naru, 2013), Notre petite soeur (Umimachi diary, 2015), Après la tempête (Umi yori mo mada fukaku, 2019 et Une affaire de famille (Manbiki kazoku), salué en 2018 par la Palme d’or. La Vérité se distingue toutefois par le choix du registre de la comédie, une comédie douce-amère, teintée d’émotion, surtout dans les dernières séquences.

Elle était gentille ou méchante ? Ça, c’est une bonne question !

« Il ne faut pas se fier à sa mémoire », affirme Fabienne pour justifier les nombreuses entorses faites à la vérité dans ses mémoires. Elle enfonce le clou par un « Je suis une actrice : je ne vais quand-même pas raconter la vérité ! ». Catherine Deneuve donne toute la mesure de son talent, conjugué à celui de Juliette Binoche (les deux actrices sont pour la première fois réunies), dans son interprétation de Fabienne, une femme égocentrique dont la personnalité dérisoire est illustrée par plusieurs répliques : « J’ai failli tourner avec Hitchcock le rôle principal. Malheureusement, il est parti trop tôt ! », entre autres. Mais, si l’on ne peut se fier à la mémoire, faut-il se fier aux apparences ? Pourquoi Fabienne reste-t-elle hantée par le souvenir de Sarah, une actrice morte il y a longtemps, au faîte de sa gloire ?

La Vérité, avec un film dans le film, est aussi une mise en abyme du cinéma. Il nous entraîne sur les plateaux du studio d’Épinay, nous fait assister à la lecture des dialogues autour d’une table, surprendre les potins dans les coulisses ou dans les loges, entre deux prises. Quand Fabienne dit : « Ça coûte si cher que ça, un pied de caméra, » pour stigmatiser les mouvements erratiques de l’appareil manié par certains chefs-opérateurs, faut-il y voir une pique de Hirokazu Kore-Eda ?

La caméra est, dans La Vérité, très fermement tenue par Éric Gautier, le chef-opérateur de plus de 70 films, dont Carnets de voyage (Diarios de motocicleta, Walter Salles, 2004), Into the Wild (Sean Penn, 2007) et, tout récemment, Les Eternels (Jiang hu er nü, Jia Zhang-Ke, 2018). S’ajoutent aux atouts du film, l’agréable contrepoint de la composition originale d’Alexei Aigui, le choix de l’inattendue maison en plein coeur de Paris, entourée d’un grand jardin planté d’arbres, rappelant la demeure familiale de Parasite (Gisaengchung, Bong Joon-ho, 2019).

La Vérité (107 minutes) et ses suppléments (26 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier de 11 mm glissé dans un étui.

Le menu animé et musical propose le film avec le choix entre deux formats audio, DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 stéréo. Les sous-titres des dialogues en anglais sont imposés.

Piste d’audiodescription DTS 2.0.

Sous-titres pour malentendants.

Une édition DVD est sortie simultanément, avec le même contenu. Le film a, également, été édité en vidéo au Royaume Uni en mai 2020, mais pas en Amérique du nord où il n’est proposé qu’en VOD.

Entretien avec Hirokazu Kore-Eda (10’, 1.78:1, 1080i, AVC, DTS 2.0, Le Pacte, 2020, entretien exclusif conduit par Victor Lamoussière, responsable vidéo de Le Pacte). Hirokazu Kore-Eda a voulu réaliser un film « drôle et riche en émotions ». Le point de départ remonte à une dizaine d’années quand Juliette Binoche lui a exprimé « son désir de faire un film ensemble », en France, où le public apprécie son cinéma. Il a terminé la première version du scénario en 2018, au moment du Festival de Cannes et l’a soumise à l’équipe française. Les entretiens avec Catherine Deneuve lui ont permis « de mieux la comprendre et de nourrir le scénario ». La langue n’a jamais été une barrière pendant le tournage, avec l’aide d’une traductrice. Il a, avec le chef-opérateur Éric Gautier, défini « l’identité visuelle » du film, arrêté la manière de préserver le grain de la pellicule sur la copie, en se référant au cinéma d’Éric Rohmer… Il a indiqué à Alexei Aigui ce que l’accompagnement musical devait souligner et a évoqué quelques images pour inspirer sa composition.

Rencontre d’automne : making of La Vérité (20’, 1.78:1, 1080i, AVC, DTS 2.0, 3B Production, 2019). Hirokazu Kore-Eda confie qu’il n’était jamais resté aussi longtemps loin du Japon en nous emmenant aux bureaux loués au fond d’une cour pour la préparation du film, où il termine l’écriture du scénario, dessine un storyboard, et réunit l’équipe pour une première lecture du scénario. Les méthodes qu’il utilise au Japon ont fonctionné en France : l’expérience est peut-être un « premier pas vers le futur » de son oeuvre. On le suit dans le choix des costumes, dans la visite de la maison familiale avant qu’elle ne soit décorée et meublée. Puis le tournage commence, dans la bonne humeur. Suivent le visionnage des rushes et une première esquisse du montage, le déplacement de toute l’équipe au studio d’Épinay. Arigato : coupez !

Bande-annonce.

L’image (1.85:1, 1080p, AVC) est parfaite, finement résolue, lumineuse, avec des noirs denses. Elle rend fidèlement le léger grain de la pellicule, avec une délicate palette de couleurs, aux tons automnaux dans les scènes prises dans le jardin, allant du vert au brun en passant par le jaune et l’ocre.

Le son DTS-HD Master Audio 5.1 (avec une alternative 2.0 stéréo) est également soigné, très clair, avec un bon équilibre entre dialogues, ambiance et accompagnement musical bien aéré. Une utilisation trop timide des canaux latéraux limite l’impression d’immersion dans l’ambiance, au point qu’il est difficile de différencier les deux formats proposés.

Crédits images : © Laurent Champoussin - 3B- Bunbuku - MiMovies - France 3 Cinéma