La Dernière fanfare (1958) : le test complet du Blu-ray

The Last Hurrah

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par John Ford
Avec Spencer Tracy, Jeffrey Hunter et Dianne Foster

Édité par Sidonis Calysta

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Le 23/11/2020
Critique

Encore inédit en vidéo, un grand film méconnu de John Ford à découvrir, avec Spencer Tracy dans un de ses meilleurs rôles.

La Dernière Fanfare

Frank Skeffington, maire démocrate d’une ville de Nouvelle Angleterre se représente, confiant, devant les électeurs pour un cinquième mandat. Face à lui, Kevin McCluskey, un inconnu, falot, sans expérience, mais soutenu par les industriels, les banquiers, le clergé et le patron d’un quotidien local, ennemi juré de Skeffington…

La Dernière fanfare (The Last Hurrah), adapté d’un roman publié par Edwin O’Connor en 1956, un de la centaine de longs métrages de fiction de John Ford, inaugure la dernière partie de son oeuvre, assez nostalgique, avec des personnages principaux plus complexes, composée d’une dizaine de films, dominée par Les Cavaliers (The Horse Soldiers, 1959), Le Sergent noir (Sergeant Rutledge, 1980), L’Homme qui tua Liberty Valance (The Man Who Shot Liberty Valance, 1962) et Les Cheyennes (Cheyenne Autumn, 1954), son avant-dernier film.

Après s’être lancé à Hollywood, en 1916, à 22 ans, dans la réalisation, John Ford a été quatre fois honoré par l’Oscar du meilleur réalisateur, pour Le Mouchard (The Informer), en 1936, pour Les Raisins de la colère (The Grapes of Wrath), en 1941, pour Qu’elle était verte ma vallée (How Green Was My Valley), en 1942, et pour L’Homme tranquille (The Quiet Man), en 1952.

La Dernière Fanfare

Le scénario de La Dernière fanfare, écrit par Frank S. Nugent, le scénariste de dix autres films de John Ford, dont celui de La Prisonnière du desert (The Searchers) tourné deux ans plus tôt, révèle habilement l’ambiguïté du personnage principal. Indubitablement dédié à ses administrés, il n’est pas sans travers. Bien qu’on n’ait peu de doutes sur le caractère diffamatoire des allusions au détournement d’argent public dissimulé dans des comptes à l’étranger, colportées par un quotidien local, Frank Skeffington, démagogue, paternaliste, plus enclin à faire des promesses que déterminé à les tenir, n’hésite pas à transformer une veillée mortuaire en réunion électorale, ni, pour obtenir le financement d’un projet, à faire chanter le banquier en profitant de la faiblesse d’esprit de son fils.

La Dernière fanfare, sobrement, mais savamment mis en scène, profite d’une extraordinaire distribution, en tête de laquelle brille Spencer Tracy, auquel John Ford avait donné son tout premier grand rôle en 1930 dans la comédie policière Up the River. Autour de lui, John Ford a rassemblé des célébrités d’alors qu’il avait toutes employées, au moins une fois, dans ses films : Pat O’Brien, Basil Rathbone, Donald Crisp et John Carradine, particulièrement investi dans sa composition d’Amos Force, l’odieux patron du journal.

La Dernière fanfare, en dépit de l’intérêt de son thème, de sa distribution exceptionnelle et de la photo de Charles Lawton Jr., le chef opérateur de La Dame de Shanghaï (The Lady from Shanghai, Orson Welles, 1947) n’avait jamais été édité en vidéo en France.

On accueille donc chaleureusement cette première édition par Sidonis Calysta, enrichie de généreux bonus et d’un intéressant livre de 80 pages, qui permettra enfin à de nombreux cinéphiles de découvrir ce film, dans une version parfaitement restaurée.

La Dernière Fanfare

Présentation - 5,0 / 5

La Dernière fanfare (121 minutes) et ses généreux suppléments (99 minutes) utilisent toute la capacité d’un Blu-ray BD-50 logé, dans cette édition combo, en compagnie d’un DVD-9, dans les couvertures d’un mediabook.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en anglais, et dans un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 1.0.

À l’intérieur du mediabook, un livret de 88 pages écrit par Gérard Camy, auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma, dont Sam Peckinpah, un réalisateur dans le système Hollywood (Éditions L’Harmattan, 2000) et, en collaboration avec son fils Julien Camy, Sport et cinéma (Du Bailli De Suffren, 2016), salué par le Prix du meilleur album décerné par le Syndicat Français de la Critique de Cinéma. Le livre s’ouvre sur l’adaptation du roman d’Edwin O’Connor, inspiré par James Michael Curley, le maire de Boston (il se sentira visé par le film et renoncera à assigner Columbia Pictures contre une indemnité de 40 000 $), sur les négociations avec Spencer Tracy, après le refus de James Cagney, de John Wayne et d’Orson Welles. Au retour de John Ford d’Angleterre où il était parti pour le tournage d’Inspecteur de service (Gideon’s Day), celui de La Dernière parade commence en février 1958, dans une bonne entente entre John Ford et Spencer Tracy. Malgré quelques bonnes critiques, le film ne rapporta, en cinq ans, que la moitié de son coût. Le chapitre, Une histoire américaine, résume le scénario et le chapitre Frank Skeffington/John Ford, une même vision du monde explique l’intérêt que porta le réalisateur au roman à un moment de sa carrière où un changement de ton s’opère dans ses films, brièvement passés en revue. Le livre rappelle ensuite l’intervention de John Ford devant la Screen Directors Guild pour qu’elle ne dénonce pas Joseph L. Mankiewicz au HUAC (House Un-American Activities Committee). Suivent une filmographie exhaustive de John Ford, révélant la disparition de la plupart des films muets, un article intitulé Spencer Tracy, la force tranquille, suivi de la filmographie de l’acteur, le générique détaillé de The Last Hurrah, une liste de quelques films autour des élections américaines, fictions et documentaires, avec un résumé des synopsis.

Un excellent complément au film, illustré de nombreuses photos et d’une impressionnante collection d’affiches.

La Dernière Fanfare

Bonus - 3,0 / 5

Présentation du film par Jean-Baptiste Thoret (13’, Sidonis Calysta, 2020), réalisateur, historien et critique. La séquence du générique, une habitude chez John Ford, est « un petit programme du film à venir (…) un plan matriciel » avec une parade révélant « les prémisses de la politique-spectacle ». Les premières scènes établissent la perplexité, voire l’inquiétude causée dans le camp du maire par la candidature d’un inconnu. Mais le scénario trompe habilement le spectateur en présentant la victoire de Skeffington comme acquise. Un des films de la riche période tardive de John Ford avec des oeuvres « sur la fin d’un monde (…) sur des hommes déjà disparus. »

Présentation du film par Jean-François Rauger (24’), directeur de la programmation à la Cinémathèque française. La Dernière fanfare, un des « films testamentaires » de John Ford, insiste sur les clivages de la société américaine, entre pauvres et riches, entre ceux établis depuis des générations et les immigrants. Un film avec de nombreuses scènes comiques en opposition avec l’amertume d’un personnage « emblématique des contradictions du cinéma de Ford (…) qui n’a pas vu le peuple avait changé. »

Présentation du film par Patrick Brion (19’), auteur et critique. La Dernière parade, un film joyeux, nostalgique et tragique, est, pour lui, « l’un des plus beaux de John Ford ». Le roman, inspiré par la maire démocrate de Boston, avait séduit John Ford au point qu’il était prêt à le réaliser gratuitement. Il annonce L’Homme qui tua Liberty Valance, un film « sur l’ambivalence (…) où les hommes qui vieillissent (…) vont chercher la vérité derrière les apparences. »

La Dernière Fanfare

Quelques redites qui auraient pu être coupées : tous les trois nous disent que l’interview télévisée de Kevin McCluskey avec son épouse et un chien est une claire allusion à celle donnée par Richard Nixon pendant sa campagne pour la vice-présidence en 1952.

Bande-annonce originale.

Et, sur le seul Blu-ray :

Ford par Lindsay Anderson (40’, 1.33:1, BBC, 1993), la première partie, s’arrêtant à la seconde guerre mondiale, d’un documentaire de 90 minutes d’Andrew Eaton, présenté par le réalisateur anglais de If. « Dur, un arnaqueur-né, mais un artiste, un poète », John Ford était issu d’une famille d’immigrants irlandais de 13 enfants. Il parlait ainsi de son art : « C’est mon métier, le moyen de nourrir ma famille (…) je ne suis pas un réalisateur intello ». Le document montre des extraits de ses premiers films pour Universal Studios, puis pour la Fox. The Iron Horse, en 1924, est son premier succès commercial, avant qu’il ne crée, peu à peu, son propre style, influencé par l’expressionnisme allemand. Devenu un des grands réalisateurs de Hollywood à l’arrivée du parlant, il fait, en 1935, une rencontre fructueuse avec le scénariste Dudley Nichols pour Le Mouchard (The Informer), qui connut un succès aussi complet qu’inattendu. Sa collaboration avec Darryl F. Zanuck, le patron de 20th Century Fox, lance l’enchaînement de grands films, La Chevauchée fantastique (Stagecoach, 1939), dans lequel John Wayne tient son premier grand rôle, Vers sa destinée (Young Mr. Lincoln, 1939) et Les Raisins de la colère (The Grapes of Wrath, 1940), adapté de John Steinbeck, avec Henry Fonda, Qu’elle était verte ma vallée (How Green Was My Valley), adapté de Richard Llewellyn, avec Walter Pidgeon et Maureen O’Hara… S’ouvre une parenthèse dans sa carrière quand il s’engage dans la Navy pour filmer 6 000 km de pellicule, dont la bataille de Midway. Parlant des acteurs, John Ford recommandait de « ne jamais les laisser parler, à moins qu’ils n’aient quelque chose à dire. »

La Dernière Fanfare

Image - 5,0 / 5

L’image (1.85:1, 1080p, AVC) a bénéficié, après remasterisation 2K, probablement à partir d’un négatif, d’une restauration exemplaire : stable, avec des blancs lumineux, des noirs denses et un dégradé de gris soigneusement étalonné, finement résolue, sans le moindre saut d’image, elle a été débarrassée de toute marque de dégradation de la pellicule (il faut un oeil exercé pour déceler quelques furtives taches blanches). La réduction du bruit a respecté, dans tous les plans, la texture du 35 mm.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 de la version originale, lui aussi exempt de bruits parasites dus à une détérioration de la piste, restitue les dialogues avec une parfaite clarté, sans saturations, dans un bon équilibre avec l’accompagnement musical, finement délivré dans une bande passante nécessairement concentrée dans le medium. Un léger souffle se fait entendre très occasionnellement, notamment dans la scène où Frank Skeffington fait visiter à son neveu le quartier de son enfance.

Le doublage en français, lui aussi remasterisé, acceptable si on s’habitue au timbre de voix de la doublure de Spencer Tracy, attire les mêmes remarques.

Crédits images : © Sidonis Calysta

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 23 novembre 2020
Ce film méconnu de John Ford, encore inédit en vidéo, peut enfin être découvert dans des conditions optimales, parfaitement restauré, en compagnie d’un passionnant livre de 88 pages et d’intéressants bonus. Il offre aussi une belle occasion de revoir Spencer Tracy dans un de ses meilleurs rôles.

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