L'Horrible invasion (1977) : le test complet du Blu-ray

Un des meilleurs films fantastiques de la période 1970-1980, au scénario cauchemardesque.

USA, Arizona, 1977 : à la suite d’un déséquilibre écologique peut-être induit par un usage excessif d’insecticide DDT, des tarentules dont le venin a subi une mutation le rendant capable de tuer un taureau, attaquent les autres animaux puis s’en prennent aux hommes, à leurs maisons, à leurs villes. Un petit groupe de survivants tente de résister jusqu’au bout dans un chalet isolé. Il est témoin de l’installation d’un nouveau royaume sur la Terre : celui des araignées.

L’Horrible invasion (Kingdom of the Spiders, USA 1977) de John « Bud » Cardos est des meilleurs films fantastiques américains de la période 1970-1980, catégorie science-fiction écologique.

La critique française avait noté, au moment de sa sortie, que le scénario empruntait certains éléments à Les Oiseaux (USA 1963) d’Alfred Hitchcock : un personnage féminin principal découvrant une nouvelle communauté, une impressionnante direction animale, une structure identique de la fin ici transposée d’une manière remarquable. C’est exact et on peut même ajouter qu’il emprunte aussi (comme le concède aisément son producteur) certaines idées à La Nuit des morts vivants (USA 1968) de George A. Romero (scènes finales du chalet) et à Les Dents de la mer (Jaws, USA 1975) de Steven Spielberg (scène du maire voulant cacher la menace puis lutter contre elle d’une manière absurde). Cela dit, cette série B (dont le budget était de 500 000 US$) fait pourtant preuve d’une rigueur et d’une inspiration qui lui permettent de flirter, à plus d’une reprise, avec la série A, et cela autant sur le plan plastique que dramatique.

L’Horrible invasion a l’intelligence de tirer partie de la géographie (nombreux extérieurs naturels bien filmés), de son écologie, de sa sociologie d’une manière permettant au suspense de naître sans que l’intrigue paraisse plaquée le moins du monde. On croit par exemple au personnage du vétérinaire rural joué par Shatner, veillant sur la veuve et la petite fille de son frère tué pendant la guerre du Viêt-Nam. Bien sûr, la biologiste entomologiste urbaine, jouée par la mignonne Tiffany Bolling, provient, pour sa part, en ligne directe des personnages de jeunes femmes scientifiques du cinéma de science-fiction américaine des années 1950 mais il est bien adapté à la réalité de 1977. Le scénario de L’Horrible invasion ménage en outre une impressionnante progression dramatique en dosant savamment le temps du suspense : d’abord mesurées, les attaques augmentent bientôt à un rythme cauchemardesque ne laissant plus le temps au spectateur de respirer.

Excellente interprétation des acteurs principaux (William Shatner, Tiffany Bolling, Woody Strode) et secondaires, musique et direction photo soignées, montage d’une grande rigueur, mise en scène souvent inspirée, notamment de très beaux travellings directs comme latéraux : cette série B est logiquement devenue, à l’égal du Tarantula (USA 1955) de Jack Arnold en son temps, un film-culte.

NB Attention, d’ailleurs, à ne pas confondre ces deux titres car Kingdom of the Spiders avait été baptisé par son distributeur espagnol Tarantula. Les photos couleurs d’exploitation espagnole empruntaient cependant le dessin de la tarentule des affiches américaines de 1977, permettant à l’observateur de les identifier immédiatement. Les photos américaines d’exploitation monochromes (dominante orange) de 1977 sont plus rares sur internet : dommage car elles sont encore plus impressionnantes, leur esthétique à la rude sécheresse augmentant l’impact de l’image. Les arguments de leurs scénarios, à partir d’une racine zoologique évidemment commune, demeurent inverses l’un de l’autre : mutation gigantesque de la taille d’un unique individu en 1955 / multiplication des individus d’une taille similaire en 1977. Et le film de 1955 est N&B alors que celui de 1977 est couleurs.

1 Blu-ray BD50 région B édité par Sidonis le 03 novembre 2020. Image couleurs au format nominal 1.85 compatible 16/9, norme AVC 1080p. Son DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo VOSTF + mono VF d’époque. Durée du film 95 min. environ sur Blu-ray. Suppléments  : commentaire audio de Tiffany Bolling & Igo Kantor + entretiens avec Tiffany Bolling et William Shatner + documentaire 2015 sur le film et sur les araignées dans le cinéma fantastique + bande-annonce originale.

Commentaire audio de l’actrice Tiffany Bolling et du producteur Igo Kantor (VOSTF, 2010, durée 95 min.) : il provient de l’édition américaine DVD NTSC zone 1 collector Shout Factory de 2010. Il apporte de nombreuses informations de première main, y compris techniques, sur la genèse, la production, le tournage et l’exploitation. Il s’avère cependant inférieur en intérêt au second commentaire audio du réalisateur John Bud Cardos, du directeur photo John Morrill et du dresseur d’araignées Jim Brockett qu’on trouvait sur la même édition américaine. D’une manière générale, Igo Kantor délivre la majorité des informations vraiment intéressantes durant ce premier commentaire audio. Parmi nombre de savoureuses anecdotes, mentionnons celle de l’araignée présente sur le comptoir du bar de Bel Air à Los Angeles où le coproducteur se décida à financer le film, voyant dans sa présence un signe du destin.

Entretien avec Tiffany Bolling (2017, VOSTF, durée 10 min. environ) : il provient de l’édition américaine Blu-ray Code Red de 2017. Assez peu de choses sur le film car une bonne moitié de la durée est consacrée à la carrière de l’actrice au cinéma et à la télévision. Comme tout le reste du casting, Tiffany fut engagée car elle n’avait pas peur des araignées : condition sine qua non pour un tel tournage. William Shatner la draguait (selon elle) constamment alors que l’épouse de Shatner jouait aussi (sous son nom de jeune fille Marcy Lafferty : rôle de la mignonne belle-soeur brune du vétérinaire) dans le film et était donc présente en permanence sur le plateau.

Entretien avec William Shatner (2010, VOSTF, durée 16 min. 30 sec. environ) : il provient de l’édition américaine DVD NTSC zone 1 collector Shout Factory de 2010 et comporte plusieurs fragments (à l’image floue mais suffisamment nette tout de même pour qu’on puisse en mesurer le caractère démentiel) de reportage sur le tournage. Nombreuses précisions de première main sur diverses séquences (notamment celle de la cave, si impressionnante). Intérêt zoologique et écologique de certaines remarques. Entretien nettement plus intéressant que le précédent.

Les Petites bêtes qui montent (2015, VF, durée 25 min. environ) : documentaire (filmé par Linda Tahir, narré par Christophe Champcleaux, écrit par Marc Toullec) déjà présenté sur le DVD édité par Sidonis en 2015. Il comporte deux parties distincte : une première partie résume sommairement le thème de l’araignée dans l’histoire du cinéma fantastique (avec nombreuses affiches et photos en illustration); une seconde partie est spécifiquement consacrée au tournage du film de 1977, à ses plus incroyables mais véritables anecdotes (illustrées par des d’autres fragments à l’image floue mais suffisamment nette tout de même pour qu’on puisse apercevoir ce qui se passe) sur ce démentiel tournage où environ 5000 araignées réelles furent utilisées. Les informations et les plans de reportage sur le tournage de 1977, audibles et visibles dans la seconde partie, proviennent bien évidemment de l’ancienne édition collector américaine DVD Shout Factory de 2010.

Bande-annonce originale (1.85 couleurs 16/9, VO, durée 2 min. environ) : état argentique moyen, assez efficace et bien montée, au commentaire voix-off standardisé dans sa manière de présenter le film.

Au total, très bonne édition spéciale apportant bien des informations intéressantes mais je regrette tout de même l’absence du second commentaire audio et je regrette aussi l’absence d’une galerie affiches et photos d’exploitation. Pour une véritable édition collector sur le plan des bonus, il faut donc encore (si et seulement si on est anglophone) se retourner vers l’ancienne édition DVD américaine Shout Factory de 2010 qui n’a, pour l’instant, pas encore été égalée.

Full HD 1080p au format large nominal 1.85 compatible 16/9 couleurs. Mis à part deux points de montage un peu brusques lors d’une séquence secondaire et quelques petites brûlures se comptant sur les doigts d’une main, la copie argentique utilisée est en très bon état. Excellente colorimétrie, correspondant tout à fait à ce qu’on voyait au cinéma. Le surcroît de définition fait merveille dans les vastes plans d’ensemble et dans les scènes nocturnes les plus impressionnantes (l’incendie du premier nid des mygales, la mort du taureau, la descente à la cave).

DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo en VOSTF + VF d’époque. Offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Bon équilibrage des dialogues, des effets sonores et de la musique en VOSTF. La VF d’époque est dramaturgiquement soignée mais elle est en état technique moyen : sa musique ne défile pas toujours à la bonne vitesse et elle est lacunaire. Elle permet néanmoins de profiter d’un savoureux doublage à la vulgarité roborative dont il serait dommage de se priver. Un avertissement préliminaire prévient le spectateur que certaines sections de la VF (peu nombreuses mais pas anodines : par exemple celle au début plantant la relation ambivalente entre le vétérinaire et sa belle-soeur) dont le doublage a été perdu, sont présentées en VOSTF. La VF d’époque modifiait parfois très légèrement les dialogues originaux mais les STF les traduisent correctement. Excellente musique, en partie originale (chansons « country »), en partie empruntée à la discothèque de CBS selon le producteur Igo Kantor : le thème de l’araignée est demeuré, à juste titre, célèbre.

Crédits images : © Arachnid Productions Ltd.