Le Monstre des abîmes (1958) : le test complet du Blu-ray

Monster on the Campus

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Jack Arnold
Avec Arthur Franz, Joanna Moore et Judson Pratt

Édité par Elephant Films

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Le 02/12/2020
Critique

Un film fantastique mineur mais attachant de Jack Arnold.

Le Monstre des abîmes

USA 1958. Le brillant paléontologue Donald Blake, fiancé à la charmante fille du recteur de l’université dans laquelle il enseigne, réceptionne un poisson-fossile Coelacanthe capturé à Madagascar mais parfaitement conservé car irradié. Il ignore que cette irradiation a contaminé son plasma. Blessé par une coupure provoquée par le contact de sa main avec la mâchoire du poisson, il régresse momentanément mais d’une manière avérée au stade préhistorique. Inconscient du processus, il sème involontairement la terreur et la mort sur le campus universitaire, tout en collaborant du mieux qu’il peut à l’enquête policière. Lorsqu’il se rend compte de son état réel, il est déjà trop tard.

Le Monstre des abîmes (Monster on the Campus, USA 1958) de Jack Arnold (1916-1992) est son dernier film fantastique prenant pour sujet la mutation, le thème majeur de science-fiction qu’il illustra de 1953 à 1958. Cette série B parfois limite série C (dont Arnold n’était pas satisfait car il jugeait que la Universal ne lui avait pas accordé les moyens financiers nécessaires) flirte occasionnellement, en raison de la situation de son intrigue sur le campus d’une université, avec la série des films fantastiques produits en 1957 par Herman Cohen (*) dont l’intrigue se déroulait également sur un campus : voir le gag (mi-comique, mi-inquiétant) impliquant deux couples d’étudiants en train de flirter sous un arbre.

Le scénario reprend une fois encore le danger atomique (le poisson-fossile vivant Coelacanthe est conservé par une sorte de procédé chimique utilisant un élément radioactif) mais il l’utilise intelligemment pour esquisser la possibilité d’une régression de l’homme contemporain au stade préhistorique. Le scénariste David Duncan avait en outre probablement médité non seulement sur les études anthropologiques classiques parues en son temps mais encore, très certainement, sur la classique nouvelle fantastique L’Etrange cas du docteur Jekyll et de Mr. Hyde de Robert Louis Stevenson, sans oublier quelques films fantastiques tels que L’Homme de Néanderthal (USA 1953) d’Ewald André Dupont dont la dynamique dramaturgique est assez similaire. Et il y a même une amusante référence cinéphilique puisque le paléontologue joué par Arthur Franz (excellent comme d’habitude) téléphone à Madagascar à un certain docteur Moreau, savoureux clin d’oeil homonyme au savant imaginé par Herbert G. Wells et joué par Charles Laughton dans le classique fantastique de 1932 réalisé par Erle C. Kenton. Une seule erreur scientifique : l’un des moulages de visages préhistoriques visibles dans le bureau de Blake, est censé représenter L’Homme de Piltdown alors qu’on savait depuis 1953 qu’il s’agissait d’une supercherie. Un des autres moulages ressemble, pour sa part, un peu trop à L’Étrange créature du Lac Noir (USA 1954) de Jack Arnold.

En dépit d’un budget très étriqué, d’un maquillage en partie raté pourtant signé par le grand Bud Westmore (1918-1973) et d’effets spéciaux semblant plutôt dater des années 1930 que de 1958 (la primitive libellule géante et les métamorphoses image par image en plan fixe d’Arthur), Le Monstre des abîmes réussit pourtant à faire passer une inquiétude fondamentale l’espace de plusieurs séquences : pas celles où des monstres apparaissent mais plutôt celles où l’idée de leur existence plane sur des dialogues menés dans des salles de classe, des laboratoires, des bureaux, des salons qu’on devine promis à la peur ou à la destruction physique. Il est aidé par une photo (souvent belle lors des scènes nocturnes mais par ailleurs sans grand relief durant les scènes diurnes) de Russell Metty.

Il faut noter, sur les plans zoologique et paléontologique, que la reproduction du Coelacanthe est dotée de dimensions correctes (le véritable poisson mesure entre un mètre trente centimètres et deux mètres, selon les individus retrouvés depuis 1938 au Sud Est de l’Afrique) mais que sa tête ainsi que ses nageoires et son épine dorsale sont grossièrement modifiées afin de leur conférer un aspect plus inquiétant que celles du poisson réel. C’est, bien sûr, à ce Coelacanthe pouvant nager à 800 mètres de profondeur, que fait allusion le titre français d’exploitation. Assez curieusement, Le Monstre des abîmes fut peut-être le film de Arnold le plus souvent projeté par la Cinémathèque française et par le Centre Pompidou durant le dernier tiers du vingtième siècle mais il est, en tout cas, indispensable au cinéphile qui souhaite posséder l’intégralité de sa filmographie fantastique sélective.

(*) I Was a Teenage Frankenstein (USA 1957) d’Herbert-Lee Strock, I Was a Teenage Werewolf (USA 1957) de Gene Fowler Jr., I Was a Teenage Dracula / Blood of Dracula (USA 1957) d’Herbert-Lee Strock. Tous les trois furent inédits au cinéma en France (sauf éventuelles projections erratiques à la Cinémathèque française) mais les deux premiers avaient été exploités en Belgique sous les titres respectifs de Des Filles pour Frankenstein et Les Griffes du loup-garou.J’en profite pour signaler que leur producteur Herman Cohen (1925-2002) m’avait lui-même confirmé vers 1994 au téléphone que son nom était simplement Herman Cohen et non pas le plus compliqué « Herman J. Cohen » qu’écrivait Jean-Marie Sabatier en haut de la fiche qu’il lui avait consacrée aux pp.109-110 de son livre Les Classiques du cinéma fantastique (éditions Balland, Paris 1973).

NB : le copyright du Monstre des abîmes inscrit en minuscules caractères de couleur blanche, autour de l’illustration sérigraphiée du disque Blu-ray reçu, indique « 1940 Paramount Pictures » ce qui est, bien entendu, totalement erroné car s’appliquant au Docteur Cyclope édité par le même éditeur. Il faut évidemment lire, en réalité : « copyright 1958, Universal International Pictures ».

Le Monstre des abîmes

Présentation - 3,0 / 5

1 Combo Blu-ray + DVD de la collection Cinéma Master Class, série fantastique, jaquette réversible (jaquette 2020 d’un côté, affiche 1958 de l’autre), édité par Eléphant Films le 26 octobre 2020. Image N&B Full HD (sur Blu-ray) au format 1.85 compatible 16/9, 1920 x 1080p AVC (sur Blu-ray). Son VOSTF en DTS-HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) ou Dolby Digital 2.0 (sur DVD). Durée du film 76 min. 30 sec. environ (sur Blu-ray) ou 73 min. environ (sur DVD). Livret 12 pages par Alain Petit (pas reçu). Suppléments : présentation du film et du cinéaste Jack Arnold par J.-P. Dionnet, bande-annonce, bandes-annonces de la collection. Seul le Blu-ray a été reçu et testé.

Bonus - 2,0 / 5

Présentation du film par J.-P. Dionnet (2020, durée 7 min. environ) : situation chaleureuse mais sommaire du titre dans la carrière du cinéaste Jack Arnold et celle de certains des collaborateurs artistiques et techniques. Assez curieusement, pas un mot sur la starlette Joanna Moore (qui tient le rôle féminin principal) dont la carrière ne fut pourtant pas inintéressante.

Présentation du cinéaste Jack Arnold par J.-P. Dionnet (2017, durée aussi 7 min. environ) : c’est une présentation chaleureuse mais tout aussi sommaire qui se trouvait déjà sur le coffret « Jack Arnold géant de la peur » que Eléphant films avait édité en 2017 et qui contenait d’excellentes éditions de deux classiques : Tarantula (USA 1955) de Jack Arnold + L’Homme qui rétrécit (USA 1957) de Jack Arnold.

Bande-annonce (VOSTF, 1.85 compatible 16/9, durée 2 min. environ) : ce n’est, hélas, pas la bande-originale d’époque mais un montage actuel effectué à partir du master restauré.

Bandes-annonces de films fantastiques : on doit les diviser en deux sections, celles d’époque (titres de Jack Arnold édités par Eléphants : elles sont en état argentique et vidéo assez inégal mais ce sont des documents d’histoire du cinéma argentique de première main) et celle montée par Eléphant aujourd’hui (Le Peuple de l’enfer, en état technique impeccable car montée à partir du master Full HD mais dénuée de valeur historique).

Édition spéciale honnête mais tout de même assez maigre sur le plan des bonus  : celui qui souhaite une véritable édition collector pourra (si et seulement si il est anglophone) se tourner vers l’édition américaine Shout Factory sortie en juin 2019, munie de deux commentaires audio, d’une galerie affiches et photos et de la bande-annonce originale d’époque.

Le Monstre des abîmes

Image - 5,0 / 5

Format 1.85 N&B compatible 16/9, Full HD 1080p sur Blu-ray. Copie argentique en excellent état. Transfert vidéo Full HD sur le Blu-ray qui augmente considérablement la définition des scènes nocturnes et restitue au mieux la direction photo de Russell Metty. Profondeur de champs, gradations noir-gris-blanc, lumière et contraste sont augmentés mécaniquement par la passage à la Full HD mais c’est ici flagrant. Dorénavant l’édition française de référence sur le plan de l’image.

Son - 4,0 / 5

VOSTF mono DTS-HD Mono 2.0 (sur Blu-ray) : piste sonore américaine bien conservée; les dialogues, la musique et les effets sonores sont nets et occasionnellement dynamiques. Aucune VF d’époque proposée mais il n’est pas certain qu’elle ait existé : pas mal d’Universal de série B et de série C sortirent après-guerre directement en VOSTF durant les années 1950. Les STF sont corrects sauf deux ou trois incorrections parfois sévères (style : « Je quitte » à la place du correct « Je m’en vais » ou « Je suis sur le point de m’en aller »).

Crédits images : © Universal International Pictures

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 3 décembre 2020
Un film fantastique mineur mais attachant du cinéaste Jack Arnold : le dernier de son âge d'or 1953-1958 consacré au thème de la mutation.

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Le Monstre des abîmes
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