King Hu - All the King's Men + Raining in the Mountain (1979) : le test complet du Blu-ray

Tian xia di yi + Kong shan ling yu

Réalisé par King Hu
Avec Tien Feng, Cheng Pei-Pei et Lee Kwan

Édité par Spectrum Films

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Le 21/02/2022
Critique

Deux films majeurs de King Hu enfin disponibles, nouvellement restaurés, dans une édition définitive, avec plus de 3 heures de bonus.

King Hu - All the King's Men + Raining in the Mountain

Raining in the Mountain : Au XVème siècle en Chine sous la dynastie Ming, le monastère bouddhiste des Trois Trésors est l’un des plus renommés. Le bonze supérieur, très âgé, songe à se trouver un successeur. Pour l’aider dans son choix, il invite trois hôtes de marque à venir lui prodiguer leurs conseils : un riche marchand, fidèle soutien du monastère, le général Wang, et maître Wu Wai, un sage bouddhiste. Sans oublier les accompagnants, Renarde Blanche, Serrure d’or et le commandant Zhang Cheng, tous attirés par un fameux manuscrit à la valeur inestimable.

All the King’s Men : L’empereur de la dynastie Zhou, affaibli et malade est sous l’influence d’un charlatan, le taoïste Li, qui lui administre des pilules stimulantes qui l’usent plus qu’elles ne le soignent. Le premier ministre, redoutant une catastrophe à la frontière avec les dangereux Kitans, envoie chercher en secret Tchang Po-kin, considéré comme le meilleur des médecins, seul capable de guérir l’empereur.

King Hu - All the King's Men + Raining in the Mountain

King Hu (1931-1997), Hu Jinquan pour l’état-civil, né à Beijing, était à Hong Kong en 1949 à la fermeture de la frontière avec la Chine continentale après la révolution communiste. Il a été découvert en France grâce à Pierre Rissient (dont une interview de 2004 a été recueillie en complément à All the King’s Men). Il s’est engagé dans une carrière d’acteur, à partir de 1956, dans deux films de Li Han Hsiang dont il devint l’assistant en 1960 et 1963 et qu’il voyait comme son maître. Il réalisa 17 longs métrages, de 1964 à 1992, dont A Touch of Zen, en 1970, son chef-d’oeuvre, fruit de quatre années de travail, que Pierre Rissient jugeait « éclairé par le génie ». Il fut, avec L’Hirondelle d’or (Da zui xia, 1966), un des cinéastes qui ont contribué à la renaissance d’un genre tombé en désuétude, le wuxia pian (film de sabre).

Raining in the Mountain (Kong shan ling yu) sorti en 1979, tourné en Corée du Sud, en décors naturels (en même temps que La Légende de la montagne / Shan zhong zhuan qi, une histoire de fantômes) est centré sur la convoitise d’un manuscrit d’une inestimable valeur (un MacGuffin à la Hitchcock) et sur la conquête du pouvoir à la tête du monastère, deux intrigues faisant s’affronter plusieurs personnages dans l’enclos d’un temple bouddhiste. Écrit, réalisé et monté par King Hu, également directeur artistique et producteur, Raining in the Mountain déploie une suite de combats minutieusement chorégraphiés et sublimés par un montage qui, soudain, vient éclater en plans très brefs un long plan-séquence. Magistralement réalisé, éclairé par la présence de l’actrice Hsu Fen, muse de King Hu (il l’emploiera dans six films), il s’impose comme une oeuvre majeure, en dépit de l’aspect répétitif de scènes d’action dans le dernier tiers du métrage.

All the King’s Men (Tian xia di yi), sorti en 1983), encore inédit en vidéo en France, s’ouvre sur le récit par un moine bouddhiste de la fin de la dynastie Tang et l’avènement de la dynastie Song. D’une grande beauté, il sera le dernier grand succès commercial du réalisateur auquel colle l’étiquette du wuxia, un genre qui n’attire plus les foules. Le film, respectueux de l’esthétique et des codes du genre bousculés par les jeunes cinéastes, laisse le souvenir de l’inspiration de ses cadrages, de l’exubérante richesse de ses costumes provoquant des explosions de couleurs, de ses chorégraphies influencées par l’opéra de Pékin…

King Hu - All the King's Men + Raining in the Mountain

Présentation - 5,0 / 5

Raining in the Mountain (121 minutes), All the King’s Men (102 minutes) et leurs généreux suppléments (186 minutes, sans compter le commentaire audio) tiennent sur deux Blu-ray BD-50 logés dans un boîtier noir de 11 mm glissé dans un étui avec un livre de 288 pages.

Un menu animé et musical propose les films dans leur version originale, en mandarin, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Les deux films ont été restaurés. D’après un carton, en 2018 par le Taiwan Film Institute pour Raining on the Mountain, à partir d’un négatif original 35 mm, d’un interpositif et d’une copie d’exploitation.

Le livre de 288 pages, intitulé King Hu, la traduction de l’ouvrage King Hu in His Own Words, publié en 2013 pour la 15ème édition de l’Udine Far East Film Festival, s’ouvre sur une préface de Giorgio Placereani, directeur du festival. Dans son introduction, Roger Garcia (directeur exécutif du Hong Kong International Film Festival Society depuis 2010), après un rapide panorama de la vie et de l’oeuvre de King Hu, présente le contenu du livre. Comme l’indique son titre original, il rassemble des écrits et des interviews du réalisateur, collectés par Roger Garcia et regroupés en sept chapitres : Une vie de cinéma, avec la première partie d’un remarquable entretien avec la Télévision publique de Taiwan en 1993, Déambulations, Histoire, Faire des films, avec la deuxième partie de l’entretien de 1993, Artisanat, avec les vues du réalisateur sur l’écriture filmique et la direction, Les montagnes et L’Amérique, où il s’installa en 1984. Sa mort à 65 ans mit fin à son projet de réaliser The Battle of Ono, une ambitieuse fresque sur les Chinois employés à la construction du chemin de fer aux USA. Le livre se referme sur la filmographie de King Hu.

Un ouvrage très complet, publié par Spectrum Films, illustré de photos de tournage, de neuf pages annotées d’une ébauche du scénario de The Battle of Ono, de manuscrits et de dessins de King Hu.

Cette édition, saluée par le Prix curiosité décerné par le jury DVD/Blu-ray du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des Films de Télévision, vient s’ajouter au catalogue de Spectrum Films, spécialisé dans le cinéma asiatique, créé en 2011 par Antoine Guérin.

King Hu - All the King's Men + Raining in the Mountain

Bonus - 4,0 / 5

Sur le Blu-ray de Raining in the Mountain :

Commentaire audio de Tony Rains (en anglais, sous-titré). Auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma asiatique, Tony Rains commente en détail le film, situe l’action dans l’histoire de la Chine, souligne les contributions des membres de l’équipe et des acteurs, présente les personnages, évoque le bouddhisme, la production des films à Hong Kong…

Beaucoup d’informations intéressantes, des commentaires de l’action qui le sont moins, mais rien sur la mise en scène, les cadrages, les éclairages, le montage. Les sous-titres auraient été plus lisibles s’ils avaient été placés sur la bande noire sous l’image, une observation s’appliquant aux autres interviews.

Essai vidéo de David Cairns (20’). Il rappelle les origines de King Hu, les premiers pas du parcours qui l’a conduit au cinéma, ses grands films, A Touch of Zen, Raining on the Mountain, sur lequel se concentre la suite des commentaires, avec quelques intéressantes analyses de la mise en scène. King Hu réalisera en 1992, dans sa Chine natale, son dernier film, The Painted Skin (Hua pi zhi: Yin yang fa wang).

Module de restauration (4’). La projection, l’un au-dessus de l’autre, des mêmes plans permet de mesurer les résultats obtenus, étonnants surtout pour la luminosité, les contrastes, la profondeur des noirs et le ravivage de couleurs passées.

Interview de Ng Ming-Choi (46’, par Arnaud Lanuque, Spectrum Films, 2020), alias Ming-Tsai Wu, formé à l’opéra de Pékin, l’interprète de Gold Lock, un des voleurs de Raining in the Mountain. Il a joué dans cinq films de King Hu qu’il regarde comme un de ses maîtres et se souvient de sa première rencontre avec lui, d’anecdotes du tournage, d’Ann Huui, chargée de copier le scénario en plusieurs exemplaires… Il espère que les films de King Hu seront conservés « comme des manuels de cinéma ».

Interview du compositeur John Zorn (7’, enregistré à New York le 12 novembre 2020, Spectrum Films). Inspiré, dès son enfance, par la musique et le cinéma, il est le compositeur de l’accompagnement musical des deux films de Michael Haneke, Funny Games (1977) et Funny Games U.S. (2007). Sa découverte de King Hu au Film Forum, une salle de New York, fut la révélation d’une vision originale d’un cinéma d’action empreint de philosophie.

Clip (6’). Des extraits de Raining on the Mountain accompagnés par la musique qu’a inspiré le film à John Zorn… sur une idée d’Antoine Guérin.

Bande-annonce (1’22”).

Sur le Blu-ray de All the King’s Men :

Interview de Pierre Rissient (22’, 2004). Il a découvert King Hu grâce à un agent de Fritz Lang, George Marton, qui lui a projeté en 1969, The Arch (Dong fu ren) de Shu Shuen Tong, ce qui lui a donné l’envie de découvrir le cinéma de Hong Kong, seulement connu en France par les films de Bruce Lee. C’est là-bas qu’il a pu, en 1973, découvrir King Hu avec The Fate of Lee Khan / Ying chun ge zhi Fengbo (qui sera distribué en France sous le titre L’Auberge du printemps) puis L’Hirondelle d’or et A Touch of Zen. Pierre Rissient a réussi à reconstituer A Touch of Zen, dont toutes les copies avaient été mutilées pour en réduire la durée, et à le présenter à Cannes en 1975 où il attira l’attention d’une « minorité active » qui assurera, avec la distribution en France de L’Hirondelle d’or et de Pirates et guerriers, la reconnaissance de King Hu. Il a tenté d’inciter le réalisateur à reprendre le montage de Raining on the Mountain qui s’essouffle dans sa seconde moitié.

Interview de Shih Chun et Miao Tian (41’, 2003), deux acteurs vus dans plusieurs films de King Hu, dont Dragon Inn (Long men kezhan, 1967) et A Touch of Zen, parlent de leur carrière et de leurs souvenirs du travail avec King Hu, donnent leurs impressions sur le cinéma de Hong Kong et de Taïwan…

Essai vidéo de Vincent Capes (20’, Anima, 2020). Sous le titre Pluie et lumière sur la montagne vide, le documentariste nîmois, passionné de cinéma, auteur d’analyses postées sur le site d’Anima, passe en revue et analyse le cinéma de King Hu, son esthétique influencée par l’opéra de Pékin, sa composition recherchée des cadres, ses « changements de rythme dans le montage ». Il souligne l’influence de A Touch of Zen sur le cinéma chinois, avec une belle analyse de Raining on the Mountain, « chant du cygne du wuxia » que, comme Sergio Leone pour le western, King Hu avait fait renaître « en poussant à leur paroxysme la puissance formelle et la beauté des images ».

King Hu par Nathalie Bettinger (17’), maître de conférences en études cinématographiques à l’université de Strasbourg et directrice du Dictionnaire des cinémas chinois, Chine, Hong Kong, Taiwan. King Hu connaît son premier grand succès en 1967 avec Dragon Inn, puis la renommée internationale à partir de 1975. « Cinéaste lettré, il s’oppose en tous points à « l’esthétique sanguinaire » de Chang Cheh, créateur de La Trilogie du Sabreur manchot. Il démontre, notamment avec Raining on the Mountain, « sa maestria du traitement de l’espace (…) dans un temple filmé comme un labyrinthe (…), comme un jiang hu (monde des fleuves et des lacs) un lieu utopique ». All the King’s Men, avec sa galerie « de personnages truculents », s’il témoigne de l’intérêt de King Hu pour l’histoire, est aussi « une critique en creux des soubresauts de la Chine du XXème siècle ». Le cinéma de King Hu est « une déclaration d’amour aux arts classiques ».

Bande-annonce (1’42”).

King Hu - All the King's Men + Raining in the Mountain

Image - 4,5 / 5

L’image (2.39:1, 1080p, AVC), bien résolue, au grain très fin, déploie des couleurs agréablement contrastées, avec des couleurs parfaitement ravivées dans une palette aux tonalités chaudes. La restauration a effacé les marques de détérioration de la pellicule. Le grain argentique a été préservé pour Raining on the Mountain, un peu trop réduit pour All the King’s Men, au prix d’un excès de lissage surtout décelable dans les gros plans de visages.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono, très propre lui aussi, donne une belle présence aux percussions de l’accompagnement musical, avec quelques stridences dans les passages forte.

Crédits images : © Central Motion Picture Corporation, Lo & Hu Company Productions

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 21 février 2022
King Hu, surtout connu pour A Touch of Zen, a réalisé 17 films. Deux d’entre eux, parmi les plus importants (l’un encore inédit), nous sont proposés, fraîchement restaurés et pour la première fois en haute définition. Ils sont complétés d’un livre de 288 pages et de 3 heures de bonus par Spectrum Films dans cette édition définitive, saluée par le Prix Curiosité du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.

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