Les Sorcières d'Akelarre (2020) : le test complet du Blu-ray

Une reconstitution inspirée de la chasse aux sorcières lancée au Pays basque au début du XVIIème siècle. Envoûtant !

Pays basque espagnol, 1609. Six jeunes femmes sont arrêtées et accusées d’avoir participé à une cérémonie diabolique, le sabbat. Quoi qu’elles disent, quoi qu’elles fassent, elles seront considérées comme des sorcières. Il ne leur reste plus qu’à le devenir…

Les Sorcières d’Akelarre (Akelarre<), le cinquième long métrage de l’Argentin Pablo Agüero, réalisé en 2020, sorti dans nos salles en août 2021, est inspiré de Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons (publié en 1612, réédité en 1982), un des écrits traitant de la sorcellerie de Pierre de Rosteguy de Lancre, un magistrat français, né à Bordeaux en 1553, missionné par Henri IV pour épurer de ses sorcières le Labourd, une des trois provinces du Pays basque français.

Akelarre, composé du basque aker (bouc) et larre (lande), désignait le lieu où les sorcières étaient supposées se réunir pendant les nuits des vendredis aux samedis pour célébrer leur sabbat. Le mythe a inspiré à Goya une de ses toiles.

On ne comptait aujourd’hui que deux des films de Pablo Agüero édités sur disque optique, en 2016, dans un coffret de deux DVD, 2 films de Pablo Agüero : Eva ne dort pas + Salamandra, enfant de Patagonie.

Il faudra rédiger le jugement. Deux jours pour trouver les preuves !

Sérieusement documenté, le scénario souligne que les personnes suspectées de pratiquer la sorcellerie après avoir conclu un pacte avec le Diable, presque exclusivement des femmes, dénoncées par leur entourage, n’avaient pratiquement aucune chance d’échapper à la peine la plus fréquemment administrée : être brûlées vives sur le bûcher. Il met aussi l’accent, comme l’avait fait Jules Michelet dans La Sorcière, son roman publié en 1862, sur l’oppression patriarcale et religieuse contre laquelle, dans un effort désespéré, se révoltent les jeunes femmes, interprétées par des débutantes très bien dirigées.

Le mythe de la sorcellerie a très tôt intéressé les cinéastes, inspiré quelques chefs-d’oeuvre et encore plus de films à voir, parmi lesquels HÄXAN (Benjamin Christensen, 1922), ressorti en juin 2021 dans une édition exceptionnelle, Faust (F.W. Murnau, 1926), Jour de colère (Dies irae, Carl Theodor Dreyer, 1943), Les Sorcières de Salem (Raymond Rouleau, 1954), Le Masque du démon (La Maschera del demonio, Mario Bava, 1960), Kwaidan (Masaki Kobayashi, 1964), Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1968), Les Diables (The Devils, Ken Russell, 1971), The Wicker Man (Robin Hardy, 1973), La Chasse aux sorcières (The Crucible, Nicholas Hytner, 1996), The VVitch (The VVitch: A New-England Folktale, Robert Eggers, 2015)…

Les Sorcières d’Akelarre a été généreusement récompensé à Malaga, en 2021, par cinq Goyas : pour la Meilleure musique originale, la Meilleure direction artistique, les Meilleurs costumes, les Meilleurs maquillages et les Meilleurs effets spéciaux. Ces qualités artistiques, auxquelles on peut ajouter la beauté de la photographie de nombreuses scènes filmées en clair-obscur, sous un éclairage rouge rappelant les tableaux de Georges de La Tour, lui permettent de se hisser presque au niveau de certains des films cités.

Les Sorcières d’Akelarre (91 minutes) et ses généreux suppléments (110’) tiennent sur un Blu-ray-50 logé dans le traditionnel boîtier bleu, glissé dans un fourreau.

Un menu fixe et musical propose le film en version originale, en castillan et en basque, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 5.1, avec une alternative 2.0 stéréo.

Piste d’audiodescription DTS-HD Master Audio 2.0.

Sous-titres pour malentendants.

Une édition DVD est sortie, sans le documentaire Mère des dieux dans ses suppléments.

Entretien avec le réalisateur (27’, Blaq Out, 2021). Pablo Agüero a découvert La Sorcière de Jules Michelet en 2008 pendant son séjour à Cannes, à l’occasion de la présentation de son premier long métrage, Salamandra, puis lu le livre de Pierre de Rosteguy de Lancre, juge affecté à la chasse aux sorcières au Pays basque, en réalité une chasse politique conduite de Rome « pour homogénéiser la culture européenne (…) et sauvegarder l’ordre patriarcal en réprimant la sexualité de la femme ». Cet aspect est nettement souligné par Pierre de Lancre quand il écrit : « Si on ne les arrête pas à temps, ces sorcières perverses inverseront l’ordre de l’univers ». Il lui a fallu neuf ans pour assurer le financement du film, majoritairement trouvé en Espagne, ce qui a conduit à situer l’action au Pays basque espagnol et au choix des deux langues, le castillan et le basque, langue parlée par toutes les actrices. Il a eu l’idée « d’inverser les rôles » en imaginant que les jeunes femmes injustement accusées ensorcèlent leur juge, « cet homme qui va obliger les femmes à incarner ses propres fantasmes ». Il a tenu à « resserrer » le récit en suivant la règle des trois unités, d’action, de lieu et de temps. L’utilisation fréquente d’objectifs à longue focale dans les plans d’intérieur renforce l’impression d’enfermement. Le scénario, déposé dès 2008 au CNC, souvent remanié, est resté « un voyage entre deux fêtes, une fête d’adolescentes autour du feu (…) et un rite satanique ». L’éclairage, influencé par la peinture des Rembrandt, Goya, Velasquez, de La Tour (…) assure la cohérence du film. Les actrices, toutes débutantes ont été choisies parmi un millier de candidates bilingues. Elles ont partagé pendant plusieurs mois un appartement loué pour les répétitions. Les personnages masculins, en particulier le prêtre, sont traités sur un registre comique, voire grotesque, à l’instar du ridicule des préceptes sur lesquels s’appuyait la chasse aux sorcières.

Scènes coupées (5’).

À la lueur des bougies (1’19”). Pablo Agüero se souvient du temps où, dans le bidonville de son enfance, en Patagonie, on s’éclairait à la lueur de bougies, comme dans certaines scènes du film.

Mère des dieux (Madres de los dioses), documentaire de Pablo Agüero de 2015 (exclusivité Blu-ray, 78’, alors que le menu indique 87’, 1.78:1, 1080p, AVC, Dolby Digital 2.0). « Au commencement, la Femme créa le Ciel et la Terre (…) Elle vit que c’était bon et dit : je ferai les dieux à mon image. Elle les créa mâles et femelles. » Ce détournement de la Genèse, dit par Geraldine Chaplin, ouvre un reportage sur les conditions de vie, la spiritualité, les croyances et les rituels de femmes mapuches de Patagonie, près d’El Bolsón, racontés par Maicoñio, Maria la guérisseuse convertie au bouddhisme, Humana qui sait lire les signes des astres, Samiha, la chamane convertie à l’islam, qui s’échine à construire une mosquée…

L’image numérique (1.66:1, 1080p, AVC) parfaitement définie sur toute la profondeur du champ dans les plans de paysages, propose une riche palette de couleurs avec de beaux clairs-obscurs dans les intérieurs, et une lisibilité garantie des prises en très basse lumière, mettant en valeur la photo de Javier Agirre (Une vie secrète, La Trinchera infinita).

Le son DTS-HD Master Audio 5.1 de la version originale (avec une alternative 2.0 stéréo) restitue clairement les dialogues, dans un bon équilibre avec l’accompagnement musical et l’ambiance. On regrettera seulement un effet immersif limité par une sollicitation insuffisante des canaux latéraux.

Ce constat s’applique au doublage en français qui fait toutefois perdre les raisons et l’impact du passage du castillan au basque par les accusées.

Crédits images : © Sorgin Films, Kowalski Films, Lamia Producciones, Tita Productions, La Fidèle Production, El Campo Cine, Tita B Productions