Temps sans pitié (1957) : le test complet du Blu-ray

Time Without Pity

Réalisé par Joseph Losey
Avec Michael Redgrave, Ann Todd et Leo McKern

Édité par Carlotta Films

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Le 15/03/2022
Critique

Réédition attendue d’un film réalisé par Joseph Losey au début de son exil en Angleterre et qui le fit connaître en France.

Temps sans pitié

À sa sortie de cure de désintoxication au Canada, David Graham apprend la condamnation à mort de son fils Alec pour le meurtre de sa petite amie. Persuadé de son innocence, David débarque à Londres pour mener l’enquête et découvrir l’identité du meurtrier. Il ne reste plus que vingt-quatre heures avant que la sentence ne soit exécutée. Au cours de cette journée cauchemardesque, il va aussi devoir lutter contre ses propres démons.

Temps sans pitié (Time Without Pity), sorti en 1957, est l’adaptation de Someone Waiting, une pièce du dramaturge gallois Emlyn Williams, par le scénariste Ben Barzman, inscrit sur la liste noire du maccarthisme. Exilé comme Losey, il est un important contributeur à son oeuvre pour avoir signé, ou cosigné, le scénario de Le Garçon aux cheveux verts (The Boy with Green Hair, 1948) d’Un homme à détruire (Imbarco a mezzanotte, 1952) tourné en Italie, de Les Damnés (The Damned, 1962) et de L’Enquête de l’inspecteur Morgan (Blind Date, 1959).

Temps sans pitié

Temps sans pitié, dès la première séquence, révèle l’identité du meurtrier, une altération majeure du récit original par le scénario, probablement pour souligner une dénonciation de la peine de mort, mais aussi, alors qu’on sait qu’Alec est innocent, pour laisser subsister, jusqu’à la dernière scène, le doute sur l’enjeu du film : David Graham va-t-il pouvoir, dans le peu de temps qu’il lui reste souligné par de gros plans d’une horloge ou de sa montre, sauver la vie de son fils ? Une question qui tient en haleine le spectateur de la première à la dernière minute, d’autant plus taraudante que plane la menace que David replonge dans un abrutissement par l’alcool.

Temps sans pitié, sur la forme, confirme la maîtrise de l’écriture filmique acquise par Losey avec la réalisation de huit longs métrages aux USA, presque tous des films noirs, mesurable notamment à la composition des cadres, au placement des personnages dans les décors et à l’utilisation de la lumière, encore marquée par l’expressionnisme allemand.

Temps sans pitié

Le film tire aussi parti de sa distribution. Michael Redgrave, un des plus grands acteurs britanniques des années 40 à 60, interprète le personnage de David Graham avec une conviction qui lui vaudra une nomination aux BAFTA awards, après le Prix d’interprétation masculine qui lui avait été attribué à Cannes pour The Browning Version réalisé par Anthony Asquith en 1951. On lui doit aussi ― bon sang ne saurait mentir ― une belle progéniture : Vanessa Redgrave est sa fille, Natasha Richardson et Joely Richardson, ses petites-filles. Face à lui, Leo McKern, un autre grand acteur, est peut-être ici dans le meilleur de ses emplois trop rares en tête de distribution. Venu d’Australie, sans qu’il ait gardé le moindre soupçon d’accent « aussie », il communique avec une intensité toujours crédible la brutalité de Stanford, symbolisée par le cadrage, juste après le meurtre, du Taureau attaqué par des chiens, un tableau de Goya accroché dans son appartement. Dans le rôle de sa femme, Ann Todd, nommée aux BAFTA awards pour Le Mur du son (The Sound Barrier, David Lean, 1951) et, dans celui de l’avocat, Peter Cushing, juste avant sa rencontre avec Terrence Fisher qui s’apprêtait à faire de lui une des icones du cinéma fantastique avec Frankenstein s’est échappé ! (The Curse of Frankenstein, 1957) et Le Cauchemar de Dracula (Dracula, 1958).

Temps sans pitié, depuis longtemps introuvable, nous revient pour la première fois en haute définition, avec un excellent complément de Michel Ciment, grand spécialiste du cinéma de Joseph Losey.

Temps sans pitié

Présentation - 2,0 / 5

Temps sans pitié (88 minutes) et ses suppléments (22 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier noir, glissé dans un fourreau.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en anglais, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Bonus - 4,0 / 5

Une époque sans pitié (21’, Allerton Films, 2022). Michel Ciment (Positif) est l’auteur de Le Livre de Losey (Stock, 1979), un recueil de ses entretiens avec le réalisateur. Temps sans pitié qui fit connaître Joseph Losey à la critique et au public français est le premier film qu’il réalise en Angleterre après avoir refusé de témoigner devant la Commission des Activités anti-américaines (HUAC) instituée à l’initiative du sénateur McCarthy. On ressent dans le film l’énergie qui anime le réalisateur et deux problèmes qui l’affectaient, l’alcoolisme et les relations distantes avec son fils. On constate aussi l’importance du décor et du placement des personnages issue de son expérience du théâtre, l’utilisation récurrente du reflet dans les miroirs suggérant la dualité de l’individu. La remise en question de la société, de la pression qu’elle exerce « sur l’homme modeste », donne à Temps sans pitié une dimension politique, tout comme sa description cruelle du patron Stanford, « mi-bête, mi-machine » quand il fait corps avec le prototype d’une voiture qu’il teste sur un circuit. Ignoré au Royaume Uni, Temps sans pitié a été pour la première fois reconnu en France par le groupe du Mac Mahon, par la revue Présence du cinéma et par Pierre Rissient qui ont favorisé sa distribution en 1960. Le film, comme l’ensemble de l’oeuvre de Joseph Losey, porte la marque de l’esthétique de Bertolt Brecht, proscrivant tout sentimentalisme : « il faut que le spectateur, tout en étant ému, reste la tête froide ».

Bande-annonce 2020 (1’16”).

Temps sans pitié

Image - 4,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC), soigneusement débarrassée de toute marque de dégradation de la pellicule, bien stabilisée, finement résolue, agréablement étalonnée, est toutefois affectée par l’irrégularité du grain qui tend à marbrer occasionnellement les visages. Les contrastes manquent légèrement de fermeté.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, exempt des bruits parasites causés par l’usure du temps, pratiquement sans souffle, restitue les dialogues avec la clarté attendue et l’accompagnement musical avec quelques saturations dans les passages forte.

Crédits images : © 1957 HARLEQUIN PRODUCTIONS LTD / TIGON FILM DISTRIBUTORS LTD - IMPEX-FILMS. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 2 août 2022
Ce film de Joseph Losey, réalisé peu après qu’il soit chassé des USA par le maccarthysme, confirme sa maîtrise de la mise en scène. Depuis longtemps introuvable, il nous revient, pour la première fois en haute définition, avec un excellent complément de Michel Ciment, grand spécialiste du réalisateur.

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