Belphégor (1927) : le test complet du Blu-ray

Édition Limitée

Réalisé par Henri Desfontaines
Avec René Navarre, Élmire Vautier et Lucien Dalsace

Édité par Pathé

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Le 20/04/2022
Critique

La sortie de Belphégor, le dernier des cinéromans, magnifiquement restauré, restera un des événements marquants de l’édition vidéo en 2022.

Belphégor

Alors que circule la rumeur d’un fantôme qui hanterait le Louvre, un gardien est retrouvé mourant dans la salle des Dieux Barbares. La nuit suivante, le chef des gardes est tué et un journaliste est agressé… L’inspecteur Ménardier est chargé de l’enquête. Mais le jeune journaliste à succès Jacques Bellegarde et le célèbre détective privé Chantecoq se sont aussi mis en tête d’élucider le mystère…

Belphégor, « Grand cinéroman en 4 chapitres » (I. Le Mystère du Louvre, II. De mystère en mystère, III. Le Fantôme-noir, IV. Les Deux polices), est l’adaptation du feuilleton d’Arthur Bernède (1871-1937), écrivain populaire français, auteur prolifique de livrets d’opéras comiques et d’opéras-bouffes, de pièces de théâtre et de près de 200 romans historiques, d’aventures ou policiers, dont certains inspirés par des criminels bien réels du début du XXe siècle, comme Guyot l’étrangleur, L’Affaire Bougrat et Landru en 1931, Le Vampire de Düsseldorf et Bonnot, Garnier et Cie en 1933, etc.

Belphégor (c’est le nom d’un démon de la mythologie chrétienne) sera le dernier film à épisodes, ou « cinéroman », tourné en France, au temps du muet. Le premier chapitre sort le vendredi 11 février 1927, une semaine après la publication du feuilleton dans Le Petit Parisien. Les trois autres chapitres sont projetés à une semaine d’intervalle, chaque vendredi. Le genre, longtemps délaissé, redeviendra populaire avec l’essor des séries télévisées à partir des années 50.

Belphégor est réalisé par Henri Desfontaines (1876-1931, Paul-Henri Lapierre, pour l’état civil), venu du théâtre, titulaire d’une quarantaine de rôles au cinéma et réalisateur d’une soixantaine de films au temps du muet, emporté par la grippe en 1931. Le titre inspirera d’autres réalisateurs de films et de séries, listés dans le supplément Belphégor, de Desfontaines à ses successeurs. Le personnage réapparaît aussi dans les trois premiers épisodes de la saison 15, la dernière de la saga Supernatural.

Belphégor reprend les ingrédients du feuilleton, exploité en France par Louis Feuillade chez Gaumont avec Les Vampires à partir de 1915, puis Judex, à partir de 1917 : malfaiteurs prêts à tuer pour s’enrichir, enlèvements, chantages, usurpation d’identité, déguisements, passages secrets, poisons… et ajoute des effets théâtraux : gestes déclamatoires des personnages avec l’appui de nombreux cartons, dames qui s’évanouissent…

Avec l’assistance de quatre chef-opérateurs, dont celle de Robert Lefebvre, au début d’une longue carrière qui l’amènera à collaborer en 1956 avec Luis Buñuel pour [PROGRAM(cela_s_appelle_l_aurore)], Henri Desfontaines offre une photographie stylée, marquée par l’expressionnisme allemand, avec des éclairages rasants accentuant la méchanceté des nervis au service des malfaiteurs : le bossu et l’homme à la salopette. Avec des prises par une caméra fixe, la réalisation, plus académique que celle de Louis Feuillade, est rachetée par de nombreuses scènes tournées en extérieurs dans un Paris aux façades noircies, et par l’attention apportée à la composition des cadres, notamment dans la résidence art déco de Simone Desroches.

Belphégor s’appuie sur une solide distribution, en tête de laquelle on retrouve, dans le rôle de Chantecoq « le roi des détectives », René Navarre, le Fantômas de Louis Feuillade, et son épouse Elmire Vautier dans celui de Simone Desroches, une riche héritière avec laquelle Jacques Bellegarde eut une liaison. Georges Paulais (qui tiendra près de 200 rôles, souvent modestes) campe l’inspecteur Ménardier et Lucien Dalsace, pensionnaire de la Comédie Française, interprète Jacques Bellegarde.

La restauration entreprise par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé a été effectuée par L’Image Retrouvée Paris-Bologne après numérisation 4K d’un internégatif et d’un négatif original nitrate. Le résultat, malgré quelques petits sauts d’image, est à la hauteur de la valeur d’un des jalons de l’histoire du cinéma, comme celui obtenu pour les oeuvres majeures de Louis Feuillade, Les Vampires, puis Judex et Tih-Minh, récemment édités en haute définition par Gaumont.

Le film est accompagné par une musique originale composée et orchestrée par Benjamin Moussay pour un ensemble de douze instruments et par une chanson interprétée par Bertrand Belin à la fin de chaque chapitre, pendant les crédits.

Belphégor

Présentation - 3,0 / 5

Belphégor (274 minutes) tient sur deux Blu-ray BD-50 et ses généreux suppléments (103 minutes) sur un DVD-9, logés dans un digipack, non fourni pour le test, effectué sur check discs.

Le menu animé et musical propose le choix, pour l’accompagnement musical, entre deux formats audio, DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo.

Piste d’audiodescription DTS-HD MA 5.1.

Le film est aussi disponible dans une édition DVD, avec le même contenu.

Bonus - 4,5 / 5

Belphégor, du feuilleton au cinéroman (42’, 2022, Pathé Films) est fait d’entretiens autour du film avec Matthieu Letourneux, professeur de littérature spécialiste des cultures sérielles, Christophe Trebuil, historien du cinéma, et François-Marie Pons, petit-fils de René Navarre. Figure de la démonologie chrétienne, Belphégor, est un des criminels de la littérature populaire « très enracinée dans l’imaginaire du XIXe siècle » dont un des témoins est Les Mystères de Paris d’Eugène Sue (1842-1843). Le genre est revigoré en France par la distribution des enquêtes de Sherlock Holmes, du détective américain Nick Carter et par les aventures d’Arsène Lupin et de Fantômas. Belphégor, « rejeton » de Zigomar, créé par Léon Sazie, et du Fantômas de Pierre Souvestre et Marcel Allain, emprunte à Fantômas et au Fantôme de l’Opéra, tous deux adaptés au cinéma. Le roman-feuilleton, décliné sous la forme de roman, engendrera le cinéroman, le lointain ancêtre des séries télévisées. Après la distribution en 1913 par Gaumont de plusieurs films de Fantômas réalisés par Louis Feuillade, Pathé distribue en France en 1915 le serial américain Les Mystères de New York (The Exploits of Elaine). René Navarre entre dans sa carrière d’acteur en rencontrant aux studios Gaumont Louis Feuillade qui l’embauche pour incarner Fantômas, puis il crée Les Films René Navarre qui produisent en 1919 La Nouvelle aurore, un cinéroman à succès. Puis, en s’associant à Gaston Leroux et Arthur Bernède, il fonde La Société des Cinéromans. Arthur Bernède, obligé de renoncer à une vocation de chanteur lyrique, devient librettiste, puis journaliste et feuilletonniste pour Le Petit Parisien et s’associe à Louis Feuillade en 1917 pour l’écriture du scénario de Judex.

Belphégor, autour de la musique (34’, 2022, Pathé Films), avec Benjamin Moussay, compositeur et interprète, Léon Rousseau, ingénieur du son L.E. Diapason, Bertrand Belin, chanteur, Michel Godard, tuba et serpent, et Joce Mienniel, flûte. Après avoir composé pour Pathé l’accompagnement musical du film Le Coupable (André Antoine, 1917), Benjamin Moussay a été appelé pour composer l’accompagnement de Belphégor. La durée de 4h30 imposait une assez grande variété d’instruments à côté du piano et du violon. Chaque personnage a son thème et son instrument. Le travail s’est divisé en quatre phases : la composition au piano d’une vingtaine de thèmes, le découpage de la musique selon les plans du film, l’orchestration, puis la planification des enregistrements. Il n’a pas tenu compte d’une « liste de musique » retrouvée avec le film, mais a opté pour une composition mélodique et une orchestration classique avec instruments acoustiques. La musique, une importante contribution au cinéma muet, peut avoir pour autre rôle d’amener le public à découvrir ses beautés.

Belphégor, de Desfontaines à ses successeurs (18’), entretien avec Didier Griselain, spécialiste du cinéma français 1930-1960. Henri Desfontaines (1876-1931), entre à 15 ans au conservatoire d’art dramatique avant d’intégrer la troupe du Théâtre Libre d’André Antoine. Après deux rôles au cinéma, il réalise en 1909 son premier film, La Main verte, puis fait débuter sur les écrans Françoise Rosay en 1911 dans Falstaff et Louis Jouvet en 1913 dans Shylock. Le Film du poilu sera sa dernière réalisation. Belphégor sera le dernier cinéroman. Mais les personnages renaîtront, grâce à Georges Franju avec son Judex, à André Hunebelle avec sa trilogie des Fantomas, à Claude Barma avec sa série Belphégor en 1964 qui attira chaque semaine 10 millions de téléspectateurs. En 1967, sort La Malédiction de Belphégor, réalisé par Georges Combret, une utilisation opportuniste du nom du personnage pour un film qui n’a rien à voir avec le roman de Bernède. En 2000, le personnage revient dans Belphégor, une série créée par Gérald Dupeyrot, puis en 2001 dans Belphégor - le fantôme du Louvre, avec Sophie Marceau dans le rôle-titre.

Scènes supplémentaires du chapitre IV (9’). Deux scènes extraites d’une édition pour l’Allemagne : une séquence montrant la fabrication d’une bombe pour faire exploser la villa de Chantecoq, une autre évoquant l’abus de stupéfiants, censurées en France.

Belphégor

Image - 5,0 / 5

L’image (1.33:1, 1080p, AVC), débarrassée de toute trace de dégradation d’une pellicule presque centenaire, stabilisée, a bénéficié d’un soigneux réétalonnage offrant des blancs lumineux, des noirs denses, un fin dégradé de gris et une réduction du grain qui a su s’arrêter juste à temps.

Une étonnante réussite !

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 5.1, aéré, bien réparti sur les cinq canaux, met en valeur la richesse de la partition de Benjamin Moussay avec le timbre très particulier d’un instrument disparu, le serpent, ancêtre du tuba.

Crédits images : © 1927 - FONDATION JÉRÔME SEYDOUX-PATHÉ

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 21 avril 2022
Chaque semaine, ce ‘’cinéroman’’ attirait les foules pour un nouveau chapitre des méfaits de Belphégor, le fantôme du Louvre. Un bel exemple d’adaptation au cinéma du roman-feuilleton, magnifiquement restauré, avec d’utiles suppléments sur le genre qui fit florès au temps du muet.

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