Le Trône de feu (1970) : le test complet du Blu-ray

Film d’aventures historiques sur l’inquisition anglaise, à la violence graphique élevée.

Angleterre, 1685. A la mort du roi Charles II, Jacques II monte sur le trône mais une partie de la population est fidèle à Guillaume d’Orange, en exil. Afin de contrôler les conspirateurs, le juge Jeffreys relance les procès pour sorcellerie, s’arrogeant les pouvoirs d’un inquisiteur. La famille de Lord Wessex, dont le fils est amoureux d’une des accusées, s’oppose bientôt à ce juge sanguinaire.

Le Trône de feu (El Processo de las brujas, RFA-Ital.-GB 1970) de Jesus Franco est un de ses films les plus célèbres consacrés à l’inquisition, ici anglaise.

Produit par Harry Alan Towers, tourné en CinemaScope-couleurs, il peut être considéré comme une variation du Le Grand inquisiteur (The Witchfinder General / The Conqueror Worm, GB 1968) de Michael Reeves. Christopher Lee tient un rôle similaire à celui que tenait Vincent Price en 1968 mais le scénario lui confère un aspect davantage administratif, moins aventurier : la critique devient franchement historique et politique. Excellente interprétation féminine, à commencer par Maria Rohm (épouse du producteur Towers et qui tourne dans presque tous les films de Franco produit à cette époque par son époux). Maria Schell tient un curieux rôle de sorcière aveugle ; Diana Lorys et Margareth Lee complètent très agréablement la donne.

La mise en scène de Franco est dynamique en dépit des attendus sans grande surprise du sujet, pour qui a déjà vu les productions contemporaines signées par Michael Reeves (1968), Adrian Hoven et Michael Armstrong (1970), Gordon Hessler (1970). Surtout en France où son titre est distribué avec pratiquement trois ans de retard. Le format de l’image, le nombre de figurants assez élevé, la beauté de la direction artistique confèrent un certain luxe à cette série B. Quelques instants davantage personnels, parfois presque fantasmatiques : Maria Rohm embrassant longuement et tendrement le corps suppliciée d’une co-détenue. Howard Vernon compose un bourreau mi-expressionniste, mi-comique auquel on ne croit pas un instant mais le valet défiguré devenu dénonciateur et pourvoyeur impressionne davantage.

Le Trône de feu est un jalon intéressant de la catégorie du cinéma fantastique consacrée aux chasseurs de sorcières mais le scénario est conventionnel : seule Maria Schell incarne un personnage pouvant évoquer une influence réellement surnaturelle mais elle est mal exploitée. Quelques rares instants témoignent cependant d’une inspiration plastique parfois baroque : par exemple ce plan magnifique (d’une scène curieusement coupée mais présentée en supplément) où Maria Rohm s’avance dans l’eau perfide d’un immense lac marécageux, sa robe d’une couleur vive tranchant sur l’immensité noire et verte.

1 BRD Full HD 1080p région B + 1 DVD zone 2 PAL édité par Artus Films le 17 mai 2022, digipack 2 volets illustrés sous étui. Image couleurs au format original 2.35 respecté compatible 16/9. Son Linear PCM 2.0 Mono VF + VASTF. Durée du film sur Blu-ray : 102 min 37 sec., sur DVD : 98 min. 25 sec. Suppléments : une scène coupée (durée 5 min. 39 sec., VF d’époque, format 2.35 respecté) + diaporama (galerie photos et affiches) + présentation du film par Stéphane du Mesnildot (environ 17 min) + films-annonces. Le menu général s’ouvre par la vision des différentes jaquettes des éditions de films de Jesus Franco disponibles chez Artus mais il est impossible de faire un arrêt sur image afin de les examiner. Belle affiche italienne d’époque reproduite sur le boîtier : elle est bien supérieure à l’illustration retenue pour l’étui.

Séquence coupée (durée : 5 min. 39 sec., format 2.35 respecté, VF d’époque) : elle vaut en raison d’une magnifique composition photographique des couleurs, notamment le plan déjà signalé où Maria Rohm s’apprête à se suicider en se noyant dans un immense lac ombragé de grands arbres, à l’eau marécageuse noire et verte. La piste son VF s’interrompt durant quelques secondes mais le son du restant est correct et l’image est belle.

Bandes-Annonces : celle de Justine ou les infortunes de la vertu à l’époque titré De Sade - Les Infortunes de la vertu est en bon état argentique, au format large respecté. Elle est très bien montée et donne une excellente idée du film et de son esprit. Elle mentionne en outre à la fin l’interdiction administrative officielle (interdit aux moins de 18 ans) depuis ramenée à une interdiction aux moins de 16 ans. Suivent les bande-annonce américaines de 99 femmes et de Le Trône de feu sous un de ses nombreux et souvent absurdes titres d’exploitation américain. États argentiques médiocres (et format recadré pour la seconde) mais savoureux documents.

Diaporama : environ 25 documents bien reproduits, parmi lesquels les affiches italiennes, américaines, des photos d’exploitation couleurs américaines (lobby cards) et allemandes, quelques photos de plateau N&B. L’exemple de ce qu’il faut faire.

Présentation du film par Stéphane du Mesnildot (durée environ 17 min.,16/9) : elle situe précisément le film dans l’histoire de la catégorie « chasseurs de sorcières » du cinéma fantastique, mentionne les classiques du genre de 1928 à 1970 : La Chambre des tortures (Pit and the Pendulum, USA 1961) de Roger Corman est cependant injustement oublié. Mesnildot s’intéresse à la bonne actrice autrichienne Maria Rohm (une des favorites de Franco à cette époque et qui était l’épouse de son producteur), à la mise en scène sur le plan esthétique (bonne remarque sur la séquence lesbienne de Maria Rohm), à un examen historique et critique du scénario. Bonne remarque sur le nom de la société de production de Towers, son rapport possible au film (assez décevant, soit dit en passant : son « remake » de 1962 signé par Corman est meilleur) signé par Rowland V. Lee en 1939 et le fait que Franco et Howard Vernon aient pu s’inspirer du rôle de bourreau qu’y tenait Boris Karloff. Pas un mot sur le rôle curieux que tient Maria Schell ni sur les présences intéressantes de Diana Lorys et de Margareth Lee mais en 17 minutes, Mesnildot délivre d’autres informations et ne peut pas tout dire non plus.

Au total, honorable édition spéciale.

Format original 2.35 CinemaScope respecté, en couleurs et compatible 16/9, master 2K restauré en Full HD 1080p sur le Blu-ray, en définition standard sur le DVD. Image très bien restaurée sur le plan argentique, couleurs fraîches et vives. Définition numérique aux profondeurs de champ bien nettes. Elle privilégie le lissage sur le grain.

VF d’époque et VASTF en LPCM 2.0. mono. La piste anglaise est en meilleur état technique que la piste française qui souffre de quelques défauts occasionnels (modification intempestive de la vitesse de défilement, chuitement, voire absence de quelques secondes dans le cas de la scène coupée). STF lisibles, pas trop gros. Elle mérite néanmoins d’être écoutée car dramaturgiquement assez soignée. Musique standard, sans génie particulier - surtout si on la compare à l’admirable partition que Nicolai avait signée pour Franco en 1968 - mais elle aussi soignée, signée Bruno Nicolai.

Crédits images : © Fénix Cooperativa Cinematográfica, Prodimex Film, Terra-Filmkunst, Towers of London Productions