L'Homme au pousse-pousse (1943 + 1958) (1943) : le test complet du Blu-ray

Muhomatsu no issho

Réalisé par Hiroshi Inagaki
Avec Tsumasaburo Bando, Keiko Sonoi et Yasushi Nagata

Édité par Carlotta Films

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Le 05/08/2022
Critique

Deux versions inédites, filmées par Hiroshi Inagaki, de l’impossible relation entre un conducteur de pousse-pousse et la veuve d’un officier.

L'Homme au pousse-pousse

Matsugoro est conducteur de pousse-pousse. Sa vivacité d’esprit et son tempérament optimiste en font une personne appréciée des habitants de sa ville. Un jour, Matsu se porte au secours d’un garçon blessé, Toshio. Les parents, Kotaro et Yoshioko, louent ses services pour transporter le garçon chez le médecin et le ramener. Matsu se prend d’affection pour cette famille. Quand le père de Toshio meurt, Matsu devient comme un père de remplacement pour le garçon, qu’il contribue à élever. Il tombe secrètement amoureux de Yoshioko, mais est conscient qu’il y a un fossé de classe entre eux. Matsu pense qu’il ne sera jamais qu’un conducteur de pousse-pousse pour elle et son fils…

L’Homme au pousse-pousse (Muhomatsu no issho), adapté du roman de Shunsaku Iwashita (1906-1980), nous est proposé dans les deux versions réalisées par Hiroshi Inagaki, la première en 1943, en noir et blanc et au ratio 1.37:1, la seconde en 1958, en couleurs et au ratio 2.35:1.

L'Homme au pousse-pousse

L’édition vidéo de L’Homme au pousse-pousse de 1943, dont la distribution était restée cantonnée au Japon, nous permet de découvrir un film remarquable, principalement pour la photographie de Kasuo Miyagawa qui fut le chef opérateur de 18 films de Hiroshj Inagaki de 1936 à 1948 et de plusieurs chefs-d’oeuvre du cinéma nippon, tels Rashomon et L’Intendant Sansho d’Akira Kurosawa, Les Contes de la lune vague après la pluie et Les Amants sacrifiés de Kenji Mizoguchi, Herbes flottantes de Yasujirô Ozu… On est frappé par la beauté et l’inventivité des cadrages, des éclairages et par les nombreuses transitions obtenues par une superposition des roues du pousse-pousse et de leur ombre portée qui semblent conduire Matsugoro vers son inexorable destin.

Le film doit aussi beaucoup aux deux acteurs principaux, Tsumasaburô Bandô (1901-1953). Star du cinéma muet et du chambara (film de sabre), il tint 160 rôles en affrontant difficilement le parlant avec une voix au timbre trop aigu. Il donne une forte présence à Matsugoro, provocateur et grande gueule, à l’opposé de Yoshioko, taiseuse et réservée, interprétée par Keiko Sonoi dont la carrière, commencée au music-hall, fut prématurément interrompue : elle mourut à 32 ans, le 21 août 1945, quinze jours après avoir été irradiée par la bombe lâchée sur Hiroshima.

L'Homme au pousse-pousse

L’Homme au pousse-pousse fut réalisé malgré l’avis défavorable de la censure qui reprochait au scénario de braver un tabou en montrant une inclination amoureuse entre un va-nu-pieds et la veuve d’un officier de l’armée. Le film sera pourtant autorisé en raison de sa qualité, mais amputé de 10 minutes. Il connut un grand succès, avant d’être, à nouveau, confronté à la censure, celle des Américains, qui exigèrent la suppression de la scène de la fête célébrant la victoire de 1905 sur la Russie.

Hiroshj Inagaki réalisera en 1958 un remake de L’Homme au pousse-pousse, peut-être pour conjurer la privation d’une reconnaissance internationale de la premières version réalisée et sortie dans une période funeste. La nouvelle version sera, justement, saluée par le Lion d’or à Venise. Si la photographie est moins expérimentale que celle de la première version, elle affiche une certaine parenté avec elle, avec les roues du pousse-pousse servant de transition entre les scènes et la superposition surréaliste de fantômes. Une utilisation inspirée du cadre large du Cinémascope, de la couleur, l’importance de la figuration et, surtout, la présence de Toshirô Mifune, au meilleur de sa forme un an après Les Bas-fonds (Donzoko, Akira Kurosawa, 1957), donnent quelques avantages au remake, qui ne détrône cependant pas l’original.

On ne pourra rien dire des deux autres adaptations du roman, jamais distribuées hors du Japon, celle de Shinji Murayama, sortie en 1965 et, un an plus tard, celle de Kenji Misumi. Mais on saluera l’heureuse sortie, en exclusivité, de ces deux films de Hiroshi Inagaki par Carlotta Films qui avait précédemment édité les trois autres de ses oeures disponibles en France, la fameuse Trilogie Musashi.

L'Homme au pousse-pousse

Présentation - 2,0 / 5

L’Homme au pousse-pousse de 1943 (79 minutes), le remake de 1958 (104 minutes) et leur supplément (19 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier glissé dans un fourreau.

Le menu fixe et musical propose les films dans leur version originale, en japonais, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Une édition DVD est disponible avec le même contenu.

Bonus - 5,0 / 5

Les roues du destin : l’histoire de L’Homme au pousse-pousse (19’). Masahiro Miyajima, pendant trente ans l’assistant du chef-opérateur Kasuo Miyagawa, a supervisé la restauration du film de 1943, opérée à Lisbonne après numérisation du négatif original à New York en 2020. Yoshio Sirai, critique, invite ceux qui ont aimé le remake de 1958 à découvrir la première version de 1943, réalisée à une époque où l’on pouvait partir pour le front à tout moment. On continuait à tourner, surtout des films de propagande où la pellicule était rare, faite à partir de nitrocellulose servant à la fabrication de bombes, un à deux films par mois sortaient des studios. Hiroshi Inagaki dit que le personnage principal n’est pas de ceux qu’aime la majorité, en rébellion contre la société, scrutés par la censure. Ichiro Miyagawa, le fils du chef-opérateur monte le complexe tableau de montage avec le chevauchement de plusieurs plans, jusqu’à une quarantaine, « un vrai puzzle ! ». Les coupes faites pour obtenir le visa de la censure ont fait dire à l’actrice principale, Keiko Sonoi, qu’elle ne reconnaissait pas le film vu en projection privée.

Un intéressant complément, en dépit d’une lecture malaisée des sous-titres sur le fond clair des nombreuses petites animations.

L'Homme au pousse-pousse

Image - 3,5 / 5

L’image du film de 1943 (1.37:1, 1080p, AVC), restaurée en 2020 après numérisation 4K d’un négatif probablement en mauvais état, ce que laisse supposer une résolution médiocre. Elle a, toutefois, été correctement stabilisée, bien étalonnée et débarrassée de l’essentiel des marques de dégradation de la pellicule. Seules subsistent d’occasionnelles rayures, assez fines pour n’être pas vraiment gênantes. (note : 3,0/5)

L’image du film de 1958 (2.35:1, 1080p, AVC), soigneusement nettoyée sans lissage du grain argentique, déploie des couleurs, bien étalonnées, légèrement désaturées, probablement par choix esthétique. L’image, un peu douce, est occasionnellement affectée par un léger scintillement lumineux. (note : 4,0/5)

L'Homme au pousse-pousse

Son - 4,0 / 5

Le son du film de 1943 DTS-HD Master Audio 1.0 est très propre, avec une bande passante nécessairement étroite. Les dialogues sont prioritisés, dans un bon équilibre avec l’ambiance et l’accompagnement musical. Les basses de la séquence des tambours de Gion sont étonnamment fermes et sans saturations.

Le son du film de 1958 DTS-HD Master Audio 1.0 est propre, mais affecté par des saturations dans les passages forte de l’accompagnement musical, particulièrement dans la séquence des tambours.

Crédits images : © 1943 KADOKAWA CORPORATION. / 1958 TOHO CO., LTD. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 7 août 2022
Deux belles adaptations inédites d’une même histoire par Hiroshi Inagaki, l’une réalisée pendant la seconde guerre mondiale, l’autre quinze ans plus tard, sur le thème de la ségrégation sociale au Japon. Une occasion de découvrir l’étendue du talent du réalisateur de la célèbre Trilogie Musashi.

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