L'Échiquier du vent (1976) : le test complet du Blu-ray

Shatranj-e baad

Réalisé par Mohammad Reza Aslani
Avec Fakhri Khorvash, Mohamad Ali Keshavarz et Akbar Zanjanpour

Édité par Carlotta Films

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Le 31/05/2022
Critique

Longtemps donné pour perdu, ce magnifique film iranien peut être découvert après une restauration exemplaire, avec d’utiles suppléments.

L'Échiquier du vent

Après la mort de son épouse, Haji Amou, un commerçant traditionaliste, patriarcal et corrompu, projette de se débarrasser de sa belle-fille, héritière en titre de la fortune et de la belle maison luxueuse dans laquelle ils vivent. Cette femme émancipée et moderne, appelée « Petite Dame » par les domestiques, paraplégique, ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant. Pour faire face au complot fomenté par son beau-père qui veut la forcer à épouser son neveu, elle se fait aider par sa servante, ignorant que celle-ci joue sur les deux tableaux…

L’Échiquier du vent (Shatranj-e baad), le premier film de fiction réalisé par le documentariste, scénariste et poète Mohammad Reza Aslani, est sorti en 1976 à Téhéran où il ne fut projeté qu’une seule fois, au festival du cinéma, dans des conditions délibérément désastreuses, avec une inversion des bobines et un objectif réglé pour assombrir l’image ! Il fut retiré de la compétition et marginalisé, avant d’être interdit en 1979 par la dictature islamique qui dit au réalisateur l’avoir détruit. Seules circulaient encore entre collectionneurs quelques cassettes VHS. Retrouvé en 2015 chez un antiquaire, le négatif original fut mis en lieu sûr par le réalisateur et put, après restauration, être distribué et apprécié à l’étranger.

L'Échiquier du vent

L’Échiquier du vent, sur un scénario original, est une illustration de la mise en garde contre l’appât des richesses de la sourate 102. Inspiré à Mohammad Reza Aslani par l’histoire de sa mère, ce sombre huis-clos dans le cadre fastueux de la maison Pirnia, un palais construit à la fin du XIXe siècle, conte la lutte sans merci d’une femme pour conserver son indépendance, échapper à la condition que veut lui imposer le second mari de sa mère, avide d’accaparer sa fortune. Mise en scène et montage maintiennent de la tension dramatique jusqu’à la dernière scène.

L’Échiquier du vent montre l’importance accordée par Mohammad Reza Aslani à la composition des plans, aux éclairages, aux couleurs, aux angles de prise de vues et aux mouvements de caméra. Il dit, dans le document exclusif offert en supplément, avoir préparé pendant quatre jours le plan-séquence de la descente de l’escalier par « Petite Dame ». Le film étonne également par l’originalité de la bande-son, en décalage fréquent avec l’image et l’accompagnement musical associant instruments anciens et composition atonale.

L’Échiquier du vent, c’est aussi l’incroyable histoire de la résurrection d’un film mythique qu’on croyait à jamais perdu. Il fut restauré, après scan 4K du négatif original, par l’Image Retrouvée à Paris pour le Film Foundation’s World Cinema Project et la Fondazione Cineteca di Bologna, sous l’étroite supervision de Mohammad Reza Aslani et de sa fille Gita Aslani Shahrestani, en collaboration avec le chef-opérateur Houshang Baharlou. La difficulté essentielle fut de restaurer les couleurs originelles qui avaient viré au bleu.

L'Échiquier du vent

Présentation - 2,0 / 5

L’Échiquier du vent (100 minutes) et ses suppléments (102 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans boîtier glissé dans un fourreau.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en persan, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Bonus - 5,0 / 5

Le Majnoun et le vent, documentaire de Gita Aslani Shahrestani (51’, Carlotta Films 2022), Un documentaire réalisé par la fille de Mohammad Reza Aslani sur la redécouverte de L’Échiquier du vent. Il lui avait dit, alors qu’elle avait 10 ans, être le « majnoun » (le « fou amoureux ») de l’image et du son, une étiquette symbolisant une indépendance à l’origine d’une hostilité du régime islamique qui annonça la destruction du film. Il ne put, pendant trente ans, que réaliser des documentaires de commande. Le cinéaste avoue le soin inhabituel qu’il porte aux détails, son goût pour dissocier l’image et le son qui l’ont fait traiter de fou. Le documentaire de Gita Aslani Shahrestani recueille les souvenirs de ceux qui ont collaboré à la réalisation de L’Échiquier du vent, membres de l’équipe technique, acteurs. La romancière Soudabeh Fazaeli se souvient de l’impression que lui laissa le film qu’elle avait vu à Paris en 1977 dans une projection privée où elle rencontra Mohammad Reza Aslani dont elle allait devenir l’épouse. L’esthétique du film a été inspirée par un tableau de 1890 du peintre iranien Mahmoud Khan Malek-ol-Shoara : tout devait rappeler cette époque : la maison Pirnia, les costumes et les accessoires. Mohammad Reza Aslani souligne la place importante que le film donne aux personnages féminins, conformément à la réalité sociale de l’époque. Intéressante intervention en français de Sheyda Gharachedaghi, compositrice de l’étonnante partition atonale pour instruments traditionnels. Mohammad Reza Aslani rappelle le sabotage de la première projection du film, sa marginalisation, puis son interdiction parce qu’il ne répondait pas aux canons éthiques du pouvoir et la perte du négatif. Suivent d’utiles informations sur la redécouverte du film dans un souk, en 2015, et sur sa restauration, contrôlée par le réalisateur. Un dénouement heureux pour effacer la douleur que les censeurs firent endurer à Mohammad Reza Aslani.

Un précieux complément au film !

Deux courts métrages de Mohammad Reza Aslani (HD) :

La Coupe Hassanlou et l’histoire de celui qui demande (Jaam-e Hasanlou, 1964, N&B, 1080p, 1.33:1, 21’), sur une coupe datant du IIe millénaire avant JC, découverte en 1957. Une suite de très gros plans de l’objet et de parties de visages, accompagnée d’un commentaire mystique et, en décalage avec l’image, de bruits familiers contemporains.

La Coupe Hassanlou : J’ai dit de contempler cette coupe divinatoire (Jaam-e Hasanlou: panjah saal ba, 2016, numérique, couleurs et N&B, 1080p, 1.78:1, 28’). Le Musée National d’Iran demanda la projection du court métrage de 1964. Dans l’impossibilité de retrouver le négatif qu’on lui dit perdu, Mohammad Reza Aslani réalisa une deuxième version qui reprend la malédiction d’Iblis évoquée dans la première.

Bande-annonce 2021 1’32”).

L'Échiquier du vent

Image - 4,5 / 5

L’image (1.85:1, 1080p, AVC), très propre, précise, déploie une chaude palette de délicates couleurs. La fermeté des contrastes, le soin apporté aux éclairages et à l’étalonnage garantissent la lisibilité des nombreuses prises en basse lumière.

La comparaison avec l’échantillon montré à la fin du premier supplément, démontre, une fois encore, les progrès faits dans la restauration des films de patrimoine et l’expertise de L’Immagine Ritrovata et de sa filiale parisienne L’Image Retrouvée.

Son - 3,5 / 5

La qualité du son DTS-HD Master Audio 1.0, appréciée dès les percussions résonnant sur écran noir avant le générique, se confirme tout au long du métrage, avec une claire et présente restitution des dialogues. Pratiquement sans souffle, grâce à une large ouverture de la bande-passante et à une forte dynamique, il souligne le rôle important assigné à la bande-son et à l’insolite partition originale.

Crédits images : © 1976 GITA ASLANI SHAHRESTANI. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 2 juin 2022
Ce premier long métrage, censuré en 1977, puis banni en 1979 par les religieux gouvernant l’Iran, considéré comme perdu, miraculeusement retrouvé cinquante ans plus tard, révèle, après une exemplaire restauration, son insoupçonnable beauté. À découvrir !

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