L'Ultime razzia (1956) : le test complet du Blu-ray

The Killing

Réalisé par Stanley Kubrick
Avec Sterling Hayden, Coleen Gray et Vince Edwards

Édité par BQHL Éditions

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Le 07/07/2023
Critique

Second film noir policier de Kubrick, au ton âpre et brutal, à la mise en scène sophistiquée.

L'Ultime razzia

USA, San Francisco 1956. Après 5 ans passés en prison, Johnny organise le vol des recettes d’un champ de courses avec la complicité d’un comptable, d’un caissier et d’un barman de l’hippodrome, d’un policier endetté, d’un joueur d’échecs et d’un tireur d’élite. Ce dernier doit abattre un des coursiers favoris afin de provoquer une diversion. Cette razzia pourrait rapporter 2 millions de US$ (environ 20 millions en $ américains de 2023) mais Sherry, l’épouse insatisfaite du caissier, révèle le projet à son amant : un voyou convaincu que l’affaire est sérieuse. Ils décident de s’approprier l’argent : leur avidité provoque un carnage. Johnny en réchappe de justesse avec l’argent mais le destin ruine son plan : cette razzia s’avère son ultime.

L’Ultime razzia (The Killing, USA 1956) de Stanley Kubrick, réalisé en 21 ou 24 jours, est son second grand film noir policier. C’était techniquement le plus abouti des deux : il fut d’ailleurs distribué en France presque en temps réel alors que le premier film noir policier tourné l’année précédente par Kubrick ne le fut qu’en 1962. L’Ultime razzia fut produit par James B. Harris à partir d’un scénario de Kubrick adapté du roman Clean Break de Lionel White (1905-1985) - traduit chez nous sous le titre ridicule de En mangeant de l’herbe (sic, éditions Gallimard, collection Série noire n°282, Paris 1955) - et muni de dialogues additionnels écrits par Jim Thompson (1906-1977). Harris et Kubrick avaient été enthousiasmés par le travail temporel opéré par White sur le récit. Ils n’étaient pas les seuls puisque l’acteur Frank Sinatra voulait acheter les droits du livre mais Harris le prit de vitesse avec l’accord du distributeur Artistes Associés.

Cette fois-ci, Kubrick dispose d’un budget certes léger dans l’absolu pour une série B hollywoodienne (200 000 US$ d’Artistes Associés et 130 000 US$ du producteur James B. Harris) mais tout de même bien supérieur à celui dont il disposait l’année précédente sur Le Baiser du tueur (USA 1955) qui n’avait coûté que 75 000 US$. Le tournage eut lieu entre New York (le club de joueurs d’échecs), San Francisco et quelques autres lieux en Californie. Le casting s’avère remarquable, depuis les vedettes jusqu’aux seconds rôles : tous sont inoubliables, à commencer par Mary Windsor dans le rôle d’une garce fatale à elle-même comme aux autres - elle avait été remarquée par Kubrick trois ans plus tôt dans L’Enigme du Chicago Express (The Narrow Margin, USA 1952) de Richard Fleischer - et Sterling Hayden dont la présence au générique était considérée comme une garantie financière par le distributeur. Notez cependant que c’est la non moins mignonne Coleen Gray qui est considérée comme la vedette féminine par la publicité d’époque sur les affiches et photos d’exploitation originales.

L'Ultime razzia

Le scénario découpe le temps de l’action d’une manière audacieuse et sophistiquée : la même séquence est filmée de plusieurs points de vue, à des moments distincts de son évolution, ce qui lui confère un éclairage dramatique renouvelé. L’idée n’est certes pas tout à fait neuve (les cinéastes Orson Welles en 1941, Akira Kurosawa en 1950 avaient déjà employé un tel procédé narratif) mais elle est ici soigneusement mise en scène au moyen d’un montage d’une remarquable rigueur, minuté au plan près. Elle fut ensuite assez régulièrement reprise dans l’histoire du film noir policier américain : qu’on songe, en guise d’exemples plus proches de nous, à des titres signés par les cinéastes Quentin Tarantino (USA 1992), Bryan Singer (USA 1995), Steven Soderbergh (USA 2000). Le distributeur américain United Artists (en France le film fut initialement distribué par RKO) s’inquiéta néanmoins de cette expérimentation temporelle et exigea un remontage qui rendit le montage initial encore plus complexe qu’il ne l’était déjà : le montage initial fut donc conservé mais le même distributeur exigea alors, toujours afin de se prémunir contre une éventuelle incompréhension des spectateurs, qu’une voix-off, commentant les étapes de l’action, fût ajoutée. Kubrick détestait l’idée mais il s’inclina.

Le thème central du cinéma de Kubrick apparaît, dans L’Ultime razzia, plus nettement que dans son précédent film noir policier Le Baiser du tueur et se met ici clairement en place d’emblée : celui d’une structure en apparence rationnelle mais soumise à une sournoise logique broyant finalement d’une manière implacable les individus qui pensaient pouvoir s’y insérer ou la contrôler. Par-delà une telle description structurale (dont la mise en scène dispose les facettes spatiales et temporelles avec un méticuleux sadisme), règne en somme le destin de l’antique tragédie grecque, esthétiquement transposé dans les divers genres cinématographiques successivement servis par le cinéaste. La vigueur et la précision de la mise en scène de L’Ultime razzia enthousiasmèrent l’acteur et producteur Kirk Douglas qui sélectionna Kubrick pour réaliser ensuite Les Sentiers de la gloire (USA 1957).

L'Ultime razzia

Présentation - 1,0 / 5

1 Blu-ray BD25 édité par BQHL le 26 janvier 2023. Image au format large respecté, en 1.66 N&B compatible 16/9. Son Linear PCM VF d’époque + VOSTF 2.0 mono. Durée film : 84 min. environ. Suppléments : présentation du film par Laurent Vachaud (48 min. environ). L’illustration de jaquette et du menu principal est assez laide par rapport au matériel d’époque (y compris français) qu’il aurait simplement fallu reprendre tel quel.

Bonus - 3,0 / 5

Présentation du film par Laurent Vachaud (38’ environ) : le cinéphile apprendra des informations utiles sur la genèse, la production, le tournage et l’exploitation du titre. Laurent Vachaud confirme que le découpage temporel était déjà dans le roman de White. Il rapporte comment le scénario fut d’abord proposé à l’acteur Jack Palance et détaille avec une louable précision la manière dont Kubrick imposa à son directeur photo Lucien Ballard l’emploi d’un objectif 25mm lors du tournage des travelling intérieurs traversant les murs de l’appartement de Johnny. Intéressant rappel de l’admiration de Kubrick pour le cinéaste Max Ophüls, à propos de l’utilisation de ces mêmes travellings. Quelques remarques esthétiques (lsur es visages) et thématiques (sur le temps, le destin) situent le titre dans la filmographie de Kubrick. Quelques autres remarques (moins fournies cependant) le situent également dans l’histoire du cinéma et celle du genre. En illustrations, trop nombreux extraits du film (rallongeant considérablement et très inutilement le minutage de cette présentation) mais très peu de documents d’histoire du cinéma à part quelques très rares affiches (dont l’affiche française d’époque visible une fraction de seconde : on fera un arrêt sur image pour compenser) et photos de plateau. Dommage car le matériel publicitaire d’époque (et même celui de reprises postérieures) est beau et aurait mérité d’être montré.

L'Ultime razzia

Image - 5,0 / 5

Format large respecté 1.66 en N&B compatible 16/9, Full HD 1080p AVC. Copie argentique dotée d’une bonne définition, d’un bon contraste, d’une bonne gestion des noirs. Transfert numérique de la même qualité, voire légèrement supérieur, à celui édité en 2011 par Criterion aux USA, au même format large respecté. Deux petites brûlures relevées sur deux plans en tout et pour tout : le reste est impeccable. Excellent équilibre entre grain et lissage. Concernant la France, il existait il y a vingt ans une édition single MGM DVD zone 2 PAL en format 1.37 compatible 4/3 : cette édition francophone BQHL de 2023 la remplace donc très avantageusement puisqu’elle respecte le format large 1.66 original et constitue la meilleure actuellement disponible chez nous sur le plan technique. Je signale pour mémoire que Kino Lorber vient d’éditer en 2022 aux USA le titre en HDR 4K Dolby Vision 2160p mais l’édition est uniquement anglophone. Direction photo, alliant objectivité documentaire et éclairs baroques, signée Lucien Ballard très étroitement supervisé par Kubrick.

Son - 5,0 / 5

Linear PCM VF d’époque + VOSTF : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Pistes son bien nettoyées dans les deux cas. La VF d’époque est dramaturgiquement très soignée, les voix d’époque françaises sont bien adaptées aux personnages mais la VOSTF demeure néanmoins supérieure en raison de la belle sonorité de certaines voix originales. Une ou deux erreurs gênantes de sous-titrage : Johnny explique au tireur d’élite qu’il le paye 5000 dollars afin qu’il fasse son travail mais aussi afin qu’il ne pose aucune question sur l’opération (à laquelle il participe ponctuellement comme simple exécutant). Les STF oublient cette importante réserve et, pire, la contredisent. Musique signée par Gerald Fried, ici supérieure à tout ce qu’il avait auparavant composé pour Kubrick, et cela dès le générique d’ouverture, éblouissant de puissance.

Crédits images : © Harris-Kubrick Productions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 8 juillet 2023
Second film noir policier de Kubrick, au ton âpre et brutal, à la mise en scène sophistiquée.
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Patrick
Le 11 juin 2003
Que dire du DVD il est parfait, une image très détaillée un noir et blanc magnifique, Kubrick n'avait que 28 ans et déjà beaucoup de talent à la caméra. Le travelling le plus long du cinéma. Sur une histoire assez simple le personnage principal du film calcul tout du hold up mais voilà il y a toujuors le petit grain de sable qui vient gripper la machine.
A voir, à posséder, à revoir.

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