Cette sacrée vérité (1937) : le test complet du Blu-ray

The Awful Truth

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Leo McCarey
Avec Irene Dunne, Cary Grant et Ralph Bellamy

Édité par Wild Side Video

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Le 28/09/2023
Critique

Un des chefs-d’oeuvre de la screwball comedy reçoit enfin les honneurs d’une édition à la hauteur de son intérêt. Un bel objet de collection.

Cette sacré vérité

Lorsque Jerry Warriner est obligé d’inventer un week-end en Floride pour pouvoir jouer aux cartes avec ses amis, sa femme, Lucy, passe du temps avec Armand Duvalle, son séduisant professeur de chant… D’un commun accord, les époux décident de mettre un terme à leur vie de couple. Seul l’avenir de Mr. Smith, leur fox-terrier, les oppose et les déchire. Le divorce, prononcé par le juge, ne sera effectif qu’après un délai de trois mois. En attendant, Lucy aura la garde de Mr. Smith et Jerry un droit de visite. Chacun s’efforce de refaire sa vie. Jerry s’affiche avec Dixie Belle Lee, une chanteuse de cabaret, et Lucy tente de se persuader qu’elle est amoureuse de Daniel Leeson, un nouveau riche, propriétaire d’un ranch dans le lointain Oklahoma…

Cette sacrée vérité (The Awful Truth), l’adaptation d’une pièce d’Arthur Richman, a été réalisé en I937 par Leo McCarey, un des grands noms de la screwball comedy, injustement laissé dans l’ombre de Frank Capra et d’Ernst Lubitsch, pour plus d’un cinéphile, en raison de la subtile discrétion de son style. Jean Renoir l’appréciait : « McCarey comprit les gens mieux qu’aucun autre à Hollywood. »

Leo McCarey (1898-1969) a tenté sa chance sur les rings de boxe et comme musicien (il composera et écrira une centaine de chansons), des expériences qui laisseront des traces dans ses longs métrages. Mais sa voie, c’était le cinéma. Entré à Universal Studios, il devient l’assistant de Tod Browning et, à partir de 1921, écrit des scénarios, invente des gags, réalise, en une dizaine d’années, souvent sous la casquette de « supervisor », plus de quatre-vingts courts métrages burlesques dans l’équipe de Hal Roach qu’il intègre en 1923 et dans laquelle il forme et dirige le duo Stan Laurel et Oliver Hardy. Ses succès commerciaux lui permettent, dès l’arrivée du parlant, de se lancer dans les longs métrages, le premier réalisé en 1929, The Sophomore. Il dirigera en 1933, pour Paramount Pictures, Soupe au canard (Duck Soup), un des meilleurs films avec les Marx Brothers, puis d’autres comiques, W.C. Fields, Mae West, Harold Lloyd… En 1935, L’Extravagant M. Ruggles (Ruggles of Red Gap), avec Charles Laughton, lui vaut une célébrité égale à celle de Frank Capra et délie les cordons de la bourse de Harry Cohn, fondateur et patron de Columbia Pictures. Ce fut le début d’une série de succès, critiques et publics, qui se poursuivra avec Place aux jeunes (Make Way for Tomorrow, 1937) et Cette sacrée vérité.

Cette sacré vérité

L’excellent accueil de Cette sacrée vérité est en partie dû, au temps du star system, à sa prestigieuse affiche, Cary Grant et Irene Dunne en tête, secondés par Ralph Bellamy et Alexander D’Arcy, mais aussi à leur direction par Leo McCarey. Fort de son expérience de gagman et de réalisateur de films burlesques, il a rendu plus naturelle l’élégance jusque-là un peu guindée de Cary Grant et affûté son jeu par un contrôle de sa gestuelle. Leo McCarey est reconnu comme un des maîtres du rythme, un des facteurs essentiels de la qualité de la comédie. Et, aussi, par les touches réalistes apportées au scénario, tirées de sa propre vie en couple.

I hope you will be happy where the West begins

Cette sacrée vérité exploite, avec un humour caustique, l’opposition de la sophistication de la gentry de New York à la rusticité de Daniel Leeson, le redneck nouveau riche de l’Oklahoma. Elle servira de ressort comique pendant une bonne partie du film et entretiendra la complicité entre Jerry et Lucy, citadins raffinés.

La chanson, une marotte de Leo McCarey, tient aussi son rôle dans le film en interférant dans la relation entre les deux divorcés. L’une d’elles, Gone with the Wind, pourrait bien avoir inspiré à Billy Wilder en 1955 la scène où le souffle d’une aération du métro soulève la robe de Marilyn Monroe dans Sept ans de réflexion (The Seven Year Itch).

Cette sacrée vérité, dont le tournage fut un tel enfer que Harry Cohn pensait passer le coût de sa production par pertes et profits, fut pourtant un franc succès commercial et valut à Leo McCarey l’Oscar du meilleur réalisateur ! Le cocasse des situations, le sel des dialogues et, par-dessus tout, un sens du rythme qui amène les gags à l’instant précis où ils font mouche dans ce modèle de comédie loufoque, un des meilleurs longs métrages de Leo McCarey avec ceux déjà cités, Ruggles of Red Gap et Make Way for Tomorrow, et ceux qui suivront, Elle et lui (Love Affair, 1939), Lune de miel mouvementée (Once Upon a Honeymoon, 1942) et Elle et lui (An Affair to Remember, 1957), un remake de Love Affair. Sans oublier un de ses films au message catholique, Les Cloches de Ste Marie (The Bells of St. Mary’s, 1945), avec Bing Crosby et Ingrid Bergman.

Le négatif original perdu, la restauration opérée par Sony a été effectuée après scan 4K d’une copie négative faite en 1943.

Cette sacré vérité

Présentation - 4,0 / 5

Cette sacrée vérité (91 minutes) et ses suppléments (54 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et sur un DVD-9 clipsés à l’intérieur des couvertures d’un Mediabook à l’élégant graphisme.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’anglais, avec sous-titres imposés comme dans presque toutes les éditions Wild Side, et dans un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Un livret de 50 pages, abondamment illustré, écrit par Frédéric Albert Lévy, intitulé Je te quitte… moi non plus, précise la définition de la screwball comedy, faite de situations à la fois « inéluctables et imprévisibles », rappelle la rencontre fortuite dans les studios de Columbia Pictures de Leo McCarey (moins connu que les personnages qu’il a créés, tout comme Victor Frankenstein) et de Cary Grant, le premier viré de la Paramount, l’autre démissionnaire, lassé de rester dans l’ombre de Gary Cooper. Une première relation orageuse : Cary Grant, déstabilisé par les encouragements du réalisateur à improviser, s’était plaint de l’atmosphère hellzapoppinesque des plateaux. L’histoire du couple se déroule entre deux plans d’une horloge, celle du Gotham Athletic Club de New York, sur laquelle s’ouvre le film, et celle du coucou tyrolien de la cabine du Connecticut, sur laquelle il se clôt…

En annexe, un Portrait de Leo McCarey par le scénariste Sidney Buchman, extrait des Amis américains, le livre de Bertrand Tavernier publié en 1993. Le scénariste de The Awful Truth et de Mr. Smith au Sénat (Mr. Smith Goes to Washington, Frank Capra, 1939) rappelle l’originalité de sa direction d’acteurs qui dérouta Cary Grant et Irene Dunne, déclencha les foudres de Harry Cohn, directeur de Columbia et « fit du tournage un enfer ». Ses incessantes retouches des scénarios en ont fait « l’auteur complet de ses films ». Ensuite, Quand Gary rencontre Leo jette un furtif coup de projecteur sur les deux autres films de leur collaboration, Once Upon a Honeymoon en 1942, avec Ginger Rogers, et An Affair to Remember, réalisé en 1939 avec Deborah Kerr.

Cette sacré vérité

Bonus - 4,0 / 5

Leo McCarey ou le timing parfait par Charlotte Garson, rédactrice en chef adjointe des Cahiers du Cinéma (22’). Leo McCarey est moins reconnu que Frank Capra ou Ernst Lubitsch, peut-être en raison d’une mise en scène sans effets, bien qu’il soit l’auteur de plusieurs films majeurs. La boxe lui a enseigné l’importance de la position du corps et il exprime son sens du rythme, acquis dans l’équipe de Hal Roach, à trois étapes de la création d’un film : à la réécriture du scénario, à la direction des acteurs et au montage. De son expérience de musicien viennent les « moments chantés » dans la plupart de ses films. Derrière une mise en scène fine et sophistiquée, transparaîtra dans presque tous ses films une dimension burlesque.

Qui gardera le chien ? une analyse du film par Charlotte Garson (32’). Le couple est « au centre de tout le cinéma de Leo McCarey depuis son travail avec Stan Laurel et Oliver Hardy à l’époque du muet ». Dans un genre que le philosophe Stanley Cavell a analysé dans son ouvrage Pursuits of Happiness: The Hollywood Comedy of Remarriage, paru en 1981, Cette sacrée vérité est un compte à rebours de 90 jours pendant lequel le couple va « apprendre une forme d’égalité entre l’homme et la femme ». Leo McCarey exploite les talents de chanteuse d’Irene Dunne pour insérer deux chansons, des « moments-clés du film » qui aideront Jerry et Lucy à « retrouver une forme de complicité (…) une connivence qui passe par des regards ». C’est en partie grâce à Leo McCarey que « Cary Grant devient Cary Grant » : on retrouvera dans deux films de Howard Hawks, Bringing Up Baby (1938) et His Girl Friday (1940) « des citations directes de The Awful Truth », un film dans lequel les acteurs sont aussi « les spectateurs amusés de leur situation ». L’entretien se termine sur une fine analyse de la belle scène finale.

Deux utiles entretiens exclusifs conduits par Giordano Guillem, responsable des sorties de patrimoine chez Wild Side Vidéo.

Cette sacré vérité

Image - 4,0 / 5

L’image, au ratio originel de 1.37:1, assez bien débarrassée des marques d’altération de la pellicule, à l’exception de quelques menues taches blanches, propose un dégradé de gris fermement contrasté entre des blancs lumineux et des noirs denses, soulignant l’étincelante richesse des robes créées par Robert Kalloch, créateur des costumes de plus de 150 films, l’un des plus inspirés des années 30 et des screwball comedies. La source utilisée, une copie du négatif original aujourd’hui perdu, dévoile un grain d’une densité variable, occasionnellement assez grossier. Ces réserves faites, l’impression d’ensemble reste agréable.

Cette sacré vérité

Son - 4,5 / 5

Le son mono d’origine, propre lui aussi, presque sans souffle, avec une assez bonne dynamique et une bande passante nécessairement étroite, restitue clairement les dialogues au timbre occasionnellement caverneux et donne une réelle présence à l’ambiance et aux trois passages musicaux.

Le doublage en français, enregistré en 2006, donne un spectre plus ouvert aux dialogues qui manquent dramatiquement de naturel.

Crédits images : © Columbia Pictures

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 30 septembre 2023
Ce marivaudage avec le thème du contraste entre la sophistication new-yorkaise et la rusticité du Far West est une belle démonstration du sens du rythme, essentiel à la comédie, que partageait Leo McCarey avec Ernst Lubitsch, Frank Capra et Billy Wilder. Une belle réédition, la première en haute définition, enrichie d’utiles compléments inédits.

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