Vivre (2022) : le test complet du Blu-ray

Transposition réussie, de Tokyo à Londres, 70 ans plus tard, d’un des grands films d’Akira Kurosawa, avec Bill Nighy, émouvant.

Londres, 1953. Mr. Williams, veuf, vers la fin d’une longue carrière de chef d’un bureau à la mairie de Londres, apprend qu’il ne lui reste plus que six à neuf mois à vivre. Sans informer son fils ni ses collègues, il se rend à Bournemouth où il rencontre dans un café un écrivain bohème, Mr. Sutherland, auquel il confie n’avoir pas pu mettre fin à ses jours. Il lui remet quatre flacons de somnifère et lui demande de lui faire découvrir, avec la moitié de ses économies, tout ce qu’il ignore des distractions nocturnes. À son retour à Londres, il ne regagne pas son poste mais révèle son état à Margaret Harris, une de ses jeunes collègues, démissionnaire, en qui il se revoit au début de sa carrière, et l’invite à déjeuner dans un restaurant chic. Il retourne finalement au bureau pour satisfaire une pétition pour la création, sur les ruines laissées par les bombardements, d’une aire de jeux pour enfants, que se renvoient depuis des mois tous les services de la mairie.

Vivre (Living), sorti en 2022, est le cinquième long métrage du cinéaste sud-africain Oliver Hermanus, dont deux autres films figurent dans nos catalogues vidéo, Beauty (Skoonheid, 2011) et Moffie (2019), deux drames de l’homosexualité.

Vivre met en images un scénario de Kazuo Ishiguro, romancier et scénariste d’origine japonaise, installé au Royaume Uni depuis 1960, à l’âge de 6 ans, universellement connu pour le roman, publié en 1989, qui inspira à James Ivory Les Vestiges du jour ( The Remains of the Day).

Le scénario de Vivre, écrit par Kazuo Ishiguro, sélectionné à l’Oscar et au BAFTA Award de la meilleure adaptation de scénario, est une transposition fidèle de la fin de vie de M. Watanabe, un fonctionnaire de Tokyo, imaginé par les deux scénaristes Shinobu Hashimoto et Hideo Oguni et Akira Kurosawa pour sons film Vivre (Ikiru), sorti rn 1952, un des dix-sept films qu’il réalisa entre 1944 à 1970, édités par Wild Side dans la prestigieuse suite de quinze mediabooks de la Collection Akira Kurosawa - Les années Tōhō.

Le questionnement du sens de toute une longue existence par une personne au seuil de la mort, chargé d’émotion mais raconté sans pathos, garde la même portée universelle, qu’il se déroule à Tokyo, ou à Londres, dans les années d’après-guerre ou de nos jours. Le personnage principal fut interprété en 1952 par Takashi Shimura, un des plus populaires acteurs japonais, avec plus de 300 rôles dont une vingtaine sous la direction d’Akira Kurosawa. Sa reprise, 70 ans plus tard, vaudra à Bill Nighy une nomination au BAFTA Award d’interprétation masculine, une énième marque de considération pour une carrière remplie de plus de 150 interprétations à ce jour, surtout de personnages secondaires, dans laquelle on distingue, notamment, deux films de Richard Curtis, Good Morning England (The Boat That Rocked, 2009) et Love Actually (2003) ou encore l’excellente minisérie State of Play (Jeux de pouvoir) créée par Paul Abbott en 2003.

Vivre ressuscite avec un humour tendre, épicé d’une pincée de dérision, le British way of life des années 50, quand la réserve traditionnelle, observée avec amusement par Peter Wakeling, nouvelle recrue du service, commençait à être bousculée par la jeune génération, quelques années avant que des signes plus visibles du changement n’apparaissent, au tournant des années 60, avec les Beatles ou la minijupe. Le remake, comme l’original, épingle aussi, avec une élégance caustique, la bureaucratie et ses effets paralysants.

On apprécie la photographie de Jamie Ramsay, chef opérateur attitré d’Oliver Hermanus et le soin traditionnellement apporté aux costumes par les productions britanniques. La reconstitution du Londres des années 50, en plans serrés imposés par la modestie du budget, n’est mise en défaut que par la blancheur des façades, alors noircies par les effets de la pollution et du redoutable smog.

Vivre, bien accueilli par la critique, au-delà des 125 000 spectateurs qu’il attira en France, vaut largement d’être découvert par les cinéphiles qui ont raté sa sortie en salles fin décembre 2022.

Vivre (102 minutes) et ses suppléments (18 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier non fourni pour le test.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’anglais, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 5.1.

Questions et réponses (16’). Les membres de l’équipe répondent à des questions. Le scénariste Kazuo Ishiguro dit qu’il avait depuis longtemps l’idée d’une version britannique du film d’Akira Kurosawa, lui aussi situé au lendemain de la seconde guerre mondiale, démontrant que chacun peut ressentir une impression de réussite en achevant un projet personnel qui ne fera pas nécessairement la une des journaux. Le producteur Stephen Whoolly indique que les ayants-droits d’Akira Kurosawa, en dépit de la petite taille de la société de production, ont accepté le remake quand ils ont su que le scénario serait écrit par Kazuo Ishiguro. Bill Nighy rappelle que Stephen Whoolly, avec sa petite société, a produit cinq ou six films majeurs. Vivre illustre la façon d’appréhender la mortalité en s’efforçant d’apprécier le temps qui nous est donné. Oliver Hermanus évoque l’adaptation faite des personnages du scénario original. Aimee Lou Wood parle de Margaret, qu’elle incarne, audacieuse pour son temps et dit le plaisir qu’elle a eu de jouer avec Bill Njghy, attentif aux autres. La décoratrice Helen Scott aime la période de l’après-guerre en Angleterre. Sandy Powell, créatrice des costumes, souligne que Mr. Williams porte toujours le même complet. Oliver Hermanus confie que Kazuo Ishiguro lui a donné une liste de films à voir pour définir le style de Vivre.

Bandes-annonces de Vivre et de Nos âmes d’enfants (C’mon C’mon, Mike Mills, 2021) et de Vivre pour vivre (Claude Lelouch, 1967), récemment réédité par Metropolitan Films dans le coffret de 50 Blu-ray ou DVD, Claude Lelouch - 60 ans de cinéma, une anthologie incontournable pour les fans du réalisateur.

L’image numérique (1080p, AVC), capturée par une caméra Arri Alexa Mini, au ratio original inhabituel de 1.48:1 (mentionné à 1.37:1 sur la jaquette), un format compact cohérent avec l’époque choisie par le scénario, offre une excellente résolution. Le choix d’une fermeté des contrastes et d’une palette avec des couleurs primaires peu saturées donne une patine pouvant rappeler la texture argentique.

Le son DTS-HD Master Audio 5.1 restitue avec la clarté attendue les dialogues, composante essentielle du film. Un cantonnement sur le plan frontal limite l’impression d’immersion dans l’ambiance par une sollicitation restreinte des canaux latéraux qui donnent toutefois de l’ampleur à l’accompagnement musical.

Ces observations valent pour le doublage en français, au même format, avec des dialogues peu naturels et monotones.

Crédits images : © Ross Ferguson