La Ville dorée (1942) : le test complet du Blu-ray

Die goldene Stadt

Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Veit Harlan
Avec Kristina Söderbaum, Eugen Klöpfer et Annie Rosar

Édité par Artus Films

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Le 25/07/2023
Critique

Première édition vidéo d’un film de Veit Harlan, dont la réputation fut entachée par Le Juif Süss. Voici un Heimatfilm, genre à découvrir.

La Ville dorée

Fiancée par son père, le maire du village, au fermier Thomas, la jolie Anna Jobst confie à l’ingénieur Christian Leidwein être attirée par les lumières de Prague qu’elle décide de visiter juste avant son mariage, pendant l’absence de son père et de Thomas. Se souvenant que sa mère, venant de la ville, s’était suicidée ne supportant plus de devoir passer le reste de sa vie à la campagne, elle cède aux avances de son cousin Toni, un jeune dépravé, serveur dans un restaurant.

La Ville dorée (Die goldene Stadt) fut sélectionné à Venise en 1942 pour la Coupe Mussolini du meilleur film étranger et remporta deux prix, la Coupe Volpi d’interprétation féminine attribuée à Kristina Söderbaum et le Prix de la Chambre internationale du film en couleurs.

La Ville dorée est le dix-huitième de la trentaine de films réalisés, de 1935 jusqu’à sa mort, par l’acteur Veit Harlan (1899-1964), surtout connu pour Le Juif Süss (Jud Süß, 1940), la deuxième adaptation, celle-ci notoirement antisémite, du roman de Lion Feuchtwanger publié en 1925, basé sur la véritable histoire de Joseph Süss Oppenheimer, après celle réalisée au Royaume Uni en 1934 par Lothar Mendes sous le titre Jew Süss. Le film fit 40 millions d’entrées en Europe, mais valut à Veit Harlan d’être poursuivi après la guerre pour complicité de crime contre l’humanité. Il fut acquitté en premier ressort en 1949, puis en appel en 1950.

La Ville dorée s’inscrit dans le genre Heimatfilm louant l’attachement à la terre natale, en particulier à la campagne, un genre qui restera populaire en Allemagne, en Autriche et en Suisse dans les années 60, dont un bon exemple est La Famille Trapp (Die Trapp-Familie, Wolfgang Liebeneiner, 1956) et son remake américain, La Mélodie du bonheur (The Sound of Music, Robert Wise, 1965).

La Ville dorée

Au film, d’une durée de 108 minutes, est ajoutée la fin originale que Joseph Goebbels trouvait trop positive. La piste sonore a été perdue : les dialogues ont dû être reconstitués, sous la forme de sous-titres, en lisant sur les lèvres.

La mise en scène conventionnelle de La Ville dorée est rachetée par la photographie de Bruno Mondi. Chef-opérateur de sept autres films de Veit Harlan, il avait brillamment commencé sa carrière en 1921, sous la houlette de Fritz Lang, avec Les Trois Lumières (Der müde Tod).

La Ville dorée bénéficie d’une solide distribution. Kristina Söderbaum, l’épouse du réalisateur, est entourée d’acteurs chevronnés : dans le rôle du fermier Jobst, par Eugen Köpfler, dans celui de l’ingénieur Leidwein, par Paul Klinger, et, dans celui de Toni, par Kurt Meisel qu’on avait pu voir dans C’est arrivé le 20 juillet (Es geschah am 20. Juli, Georg Wilhelm Pabst, 1955), un des douze films du précieux Coffret G.W. Pabst - Le Mystère d’une Âme.

La restauration, financée par la Fondation Friedrich-Wilhelm Murnau, après la perte des négatifs originaux, a été opérée en 2022 par Pharos à partir du scan 4K d’un interpositif Eastmancolor provenant du négatif pour la distribution nationale et, en complément, par trois négatifs. La colorimétrie a été reconstituée par comparaison avec d’autres films Agfacolor de la même époque.

L’arrivée dans nos catalogues de La Ville dorée permettra aux cinéphiles curieux de découvrir un film encore inédit en France, témoin d’un genre populaire outre-Rhin, pas éloigné des adaptations des romans de Jean Giono et de Marcel Pagnol dans les années 40 et 50.

Artus Films a sorti simultanément un autre long métrage d’un genre proche du Heimatfilm, La Fille au vautour (Die Geierwally, réalisé en 1940 par Hans Steinhoff.

La Ville dorée

Présentation - 3,5 / 5

La Ville dorée (108 minutes, 120 avec la fin alternative) et ses suppléments (19 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, en compagnie d’un DVD-9 avec le même contenu, dans un digipack, glissé dans un étui.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’allemand, au format audio Linear PCM 2.0 mono, avec sous-titres optionnels.

À l’intérieur de l’étui, dans un livret de 62 pages, intitulé Le Cinéma Heimat : les origines, Christian Lucas, après une longue définition du terme Heimat, distinct de Vaterland, fait remonter à 1910 les premiers films du genre, pour la plupart perdus et cite, parmi ceux sauvés, L’Image vagabonde (Das wandernde Bild, Fritz Lang, 1920) et, dans le genre voisin du Bergfilm (film de montagne), La Fille au vautour de Hans Steinhoff, L’Enfer blanc du Piz Palu (Die weiße Hölle vom Piz Palü, G.W. Pabst, 1929), La Lumière bleue (Das blaue Licht - Eine Berglegende aus den Dolomiten, Leni Riefenstahl, Béla Balázs, 1932), La Fille des marais (Das Mädchen vom Moorhof, 1935, Detlef Sierck, alias Douglas Sirk), Le Maître de poste (Der Postmeister, Gustav Ucicky, 1940)… Suivent la genèse de La Ville dorée, le tournage avec un généreux budget, près de Prague de juillet 1941 à mars 1942, et sa bonne réception en Allemagne et à l’étranger (il est resté affiché pendant plusieurs semaines au cinéma Normandie sur les Champs-Élysées). Il fut tourné en Agfacolor, un procédé multicouches mis au point entre 1936 et 1939, en un temps où le Technicolor exigeait des prises sur trois pellicules destinées à être superposées. Les Heimatfilme déclinèrent à la fin de la guerre et connurent une renaissance dans les années 50.

La Ville dorée

Bonus - 2,5 / 5

Présentation du film par Bertrand Lamargelle (16’). Veit Harlan, poète et dramaturge, apparaît, dès l’âge de 16 ans dans un film, s’engage dans l’armée pendant la première guerre mondiale, revient à son métier d’acteur de théâtre et de cinéma, puis commence à mettre en scène pièces et films, notamment Die Kreutzer Sonate en 1937, trois films en collaboration avec Thea von Harbou, puis, en 1940, Le Juif Süss (Jud Süß) et Kolberg, « un film ambitieux (…) le pendant d’Alexandre Nevski ». La Ville dorée peut rappeler un genre exploité en France à la même époque avec La Fille du puisatier, Goupi Mains Rouges

Diaporama (1’13”). Treize reproductions d’affiches et de photos du film.

Bande-annonce (2’15”).

Image - 4,0 / 5

L’image, au ratio d’origine 1.37:1, (1080p, encodage AVC), débarrassée des marques de dégradation de la pellicule (à l’exception d’occasionnelles fines rayures), avec une bonne résolution, déploie des couleurs ravivées et fermement contrastées, avec la dominante ambrée caractéristique de l’Agfacolor. On relève une légère instabilité lumineuse. Le grain du 35 mm a été préservé.

Son - 3,5 / 5

Le son au format non compressé Linear PCM 2.0 mono (Dolby Digital 2.0 mono sur le DVD), à la bande passante nécessairement concentrée dans le medium, débarrassé des bruits parasites dus à la dégradation de la piste optique, mais pas d’un souffle assez fort et régulier, délivre clairement les dialogues et, avec quelques saturations, l’accompagnement musical fait de variations sur des thèmes de Bedřich Smetana.

Crédits images : © Universum Film

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 26 juillet 2023
Première édition d’une des productions emblématiques du genre Heimatfilm louant l’attachement à la terre natale et aux valeurs traditionnelles qui restera populaire en Allemagne, en Autriche et en Suisse dans les années 60. Ce fut aussi le premier film tourné en Agfacolor, une avancée technique permettant des prises en couleur avec un seul film quand le Technicolor en exigeait encore trois.

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