Les Femmes naissent deux fois (1961) : le test complet du Blu-ray

Onna wa nido umareru

Édition Limitée

Réalisé par Yûzô Kawashima
Avec Ayako Wakao, Sô Yamamura et Jun Fujimaki

Édité par Badlands

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Le 07/07/2023
Critique

Toute première invitation en vidéo à découvrir Yūzō Kawashima, un cinéaste majeur de la nouvelle vague japonaise, encore ignoré en France.

Les Femmes naissent deux fois

Modeste geisha des bas quartiers de Tokyo, sans aucune autre compétence particulière que celle de satisfaire les désirs des hommes, la jeune et belle Koen n’est pas épanouie. Curieuse et libre d’esprit, elle va naturellement s’émanciper de sa condition de favorite pour devenir une femme indépendante. Pourtant, Koen croise différents hommes prêts à lui offrir une vie rêvée. Mais que souhaite-t-elle réellement ?

Les Femmes naissent deux fois (Onna wa nido umareru) est le quarantième de la cinquantaine de longs métrages réalisés par Yūzō Kawashima en moins de vingt ans, de 1944 à sa mort prématurée en 1963, à l’âge de 45 ans.

D’origine modeste et de santé fragile, rappé par la poliomyélite à 18 ans, il étudia la littérature à Tokyo auprès d’écrivains célèbres, il confirma son intérêt pour le cinéma par la critique de films et son admiration de Yasujirō Ozu. Il réussit le très sélectif concours d’entrée aux studios Shōchiku en 1940 où il fut l’assistant d’Ozu pour Les Frères et les soeurs Toda (Toda-ke no kyôdai, 1941) avant d’intégrer Nikkatsu en 1955 il connaîtra son premier grand succès avec Le Paradis de Suzaki (Suzaki paradaisu akashingo, 1956).

Les Femmes naissent deux fois est le premier des trois films produits en exécution du contrat qu’il avait signé avec les studios Daiei. Ces trois films sont, grâce à l’éditeur Badlands, les seuls films disponibles en vidéo en France d’un des réalisateurs qui a suscité, au Japon, le plus d’ouvrages sur son oeuvre.

Les Femmes naissent deux fois, comme Le Temple des oies sauvages (Gan no tera, 1962), est centré sur une prostituée dans sa quête d’indépendance, interprétée par une star du cinéma nippon imposée par Diaei, Ayako Wakao. Née en 1933, elle tint 160 rôles de 1952 à 2015, notamment avec Kenji Mizoguchi dans Les Musiciens de Gion (Gion bayashi, 1953) et La Rue de la honte (Akasen chitain, 1956), avec Yasujirō Ozu dans Herbes flottantes (Ukigusa, 1959), avec Kon Ichikawa dans La Vengeance d’un acteur (Yukinojo henge, 1963), dans Tatouage (Irezumi, 1966), un des dix films tournés avec Yasuzō Masumura.

Les Femmes naissent deux fois, comme Le Temple des oies sauvages, est l’occasion créée par Yasujirō Ozu d’esquisser le portrait caustique de plusieurs hommes d’origines et d’états différents, sa manière d’offrir une vision impressionniste du Japon, tiraillé entre les traditions et le modernisme au lendemain de la deuxième guerre mondiale, sur l’émancipation de la femme, qui imprégnera le cinéma de la nouvelle vague, celui de Mikio Naruse, de Shōhei Imamura…

Les Femmes naissent deux fois doit beaucoup à l’intérêt de son scénario, adapté d’un roman de l’écrivain et scénariste Tsuneo Tomita (1904-1967) qui contribua à une quarantaine de films, parmi lesquels le diptyque d’Akira Kurosawa, La Légende du grand judo + La nouvelle légende du grand judo (Sugata Sanshirō, 1943, et Zoku Sugata Sanshirō, 1945). Mais le film étonne aussi pour son inventivité formelle, notamment pour la composition de ses cadres et son utilisation inspirée du CinemaScope.

Badlands nous fait une belle offre avec la première édition vidéo en France de trois films parfaitement restaurés et enrichis de remarquables compléments, Les Femmes naissent deux fois, Le Temple des oies sauvages et La Bête élégante (Shitoyakana kedamono, 1962), trois oeuvres majeures d’un cinéaste important de la nouvelle vague, reconnu au Japon, largement ignoré, voir totalement inconnu hors de l’archipel.

Les Femmes naissent deux fois

Présentation - 2,5 / 5

Les Femmes naissent deux fois (99 minutes) et ses suppléments (48 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-25 et sur un DVD-9 logés dans un digipack à trois volets, glissé dans un étui.

Le menu propose le film dans sa langue originale, le japonais, au format audio mono d’origine, réencodé DTS-HD Master Audio 1.0 (Dolby Digital 2.0 sur le DVD), avec sous-titres imposés qui auraient pu être placés plus bas, sur la bande noire.

Bonus - 4,5 / 5

Des entretiens exclusifs avec trois spécialistes du cinéma japonais, rigoureusement conduits par Guillaume Perrin, le fondateur de Badlands :

Présentation du film par Stéphane Du Mesnildot (24’). Le film suit la destinée d’une geisha, une « figure populaire » de la littérature et des arts graphiques de l’ère Edo (1603-1868). Formées dès leur jeunesse à la musique et à la danse pour distraire les hommes fortunés, elles étaient des figures intégrées à la société qui ont inspiré l’écrivain Hagai Kafu (1879-1959) et le cinéma de Kenji Mizoguchi, qu’on peut comparer aux demi-mondaines du Paris du XIXème siècle. Koen cherche à assurer son indépendance quand le charme de sa jeunesse se flétrira, la quête d’une « deuxième naissance ». Stéphane Du Mesnildot rappelle la carrière de l’actrice principale, Ayako Wakao, dont Yasuzō Masumura fera « une femme qui détruit les hommes », notamment dans L’Ange rouge (Akai tenshi, 1966), son rôle mythique.

Kawashima, l’insaisissable : les débuts (22’). Clément Rauger résume la vie d’un cinéaste assurant « la jonction entre l’âge d’or et la nouvelle vague du cinéma japonais (…) entre le classicisme et la modernité ». Pour Christophe Gans, « amoureux » de Le Paradis de Suzaki (Suzaki paradaisu akashingo, 1956), Kawashima « auteur discret » de films complètement différents les uns des autres (…) « nous invite à nous asseoir au bar à côté de ses personnages ». Il est « devenu une figure romantique (…) mort à 45 ans en laissant 50 films derrière lui ». Bastian Meiresonne souligne qu’il est vu au Japon comme l’un des réalisateurs les plus importants après les grands noms de l’âge d’or et rappelle son activité de critique de cinéma, notamment son brillant essai sur Qu’est-ce que la dame a oublié ? (Shukujo wa nani o wasureta ka, Yasuirō Ozu, 1936). Le fait qu’il ait été, à Shōchiku, l’assistant de plusieurs réalisateurs, explique la diversité de son oeuvre.

Bandes-annonces de Les Femmes naissent deux fois (2’16”), de deux autres films de Yūzō Kawashima, Le Temple des oies sauvages (Gan no tera, 1962) et La Bête élégante (Shitoyakana kedamono, 1962), et des autres éditions Badlands, La Bouche de Jean-Pierre (Lucile Hadzihalilovic, 1996), Hell’s Ground (Zibahkhana, Omar Khan, 2007) et L’Anguille (Unagi, Shōhei Imamura, 1997).

Les Femmes naissent deux fois

Image - 4,5 / 5

L’image, au ratio d’origine 2.39:1, (1080p, encodage AVC), très stable, exempte de marques de dégradation de la pellicule, propose une palette de couleurs délicatement saturées et bien étalonnées et une résolution satisfaisante. Le grain du 35 mm, fin et homogène, a été préservé par une restauration irréprochable.

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 (Dolby Digital 2.0 mono sur le DVD) est d’une qualité sans failles. Très propre, sans souffle, il assure la clarté des dialogues. Une bonne dynamique et une ouverture satisfaisante de la bande passante donnent une présence réaliste à l’ambiance et délivrent finement et sans saturations l’accompagnement musical atonal de Sei Ikeno où dominent cordes pincées et percussions.

Crédits images : © Daiei Studios

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 8 juillet 2023
L’adaptation d’un roman sur la lutte pour son indépendance d’une geisha donne l’occasion de proposer sa vision impressionniste du Japon, tiraillé entre les traditions et le modernisme au lendemain de la deuxième guerre mondiale, à Yūzō Kawashima, cinéaste célèbre dans l’archipel, pratiquement inconnu en France où ses films n’avaient jusqu’ici jamais été distribués. Badlands nous propose la première édition française de trois de ses films majeurs, restaurés et complétés par des bonus exclusifs.

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