Le Temple des oies sauvages (1962) : le test complet du Blu-ray

Gan No Tera

Édition Limitée

Réalisé par Yûzô Kawashima
Avec Ayako Wakao, Masao Mishima et Isao Kimura

Édité par Badlands

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Le 07/07/2023
Critique

Toute première invitation en vidéo à découvrir Yūzō Kawashima, un cinéaste majeur de la nouvelle vague japonaise, encore ignoré en France.

Le Temple des oies sauvages

Satoko, maîtresse d’un célèbre peintre vieillissant, est cédée à Kikuchi, un moine libidineux qui dirige un temple à Kyoto. Jinen, jeune bonze aussi appliqué qu’obéissant, subit les maltraitances et les humiliations répétées de son maître. Si bien que Satoko, le prenant en pitié, ne peut s’empêcher de le séduire. Torturé par ses pulsions, témoin de la dépravation de son maître, il devient difficile pour Jinen de contenir toute cette frustration…

Le Temple des oies sauvages (Gan no tera), sorti en 1962, l’adaptation d’un roman que venait de publier le prolifique écrivain Tsumotu Mizukami (1919-2004), est le deuxième des trois films réalisés par Yūzō Kawashima en exécution d’un contrat signé avec les studios Diaei qui ont attiré de nombreux cinéastes précédemment liés aux studios Shōchiku.

D’origine modeste et de santé fragile, frappé par la poliomyélite à 18 ans, Yūzō Kawashima, après des études de littérature à Tokyo auprès d’écrivains célèbres, confirma son intérêt pour le cinéma par la critique de films et son admiration de Yasujirō Ozu. Il réussit le très sélectif concours d’entrée aux studios Shōchiku en 1940 où il fut l’assistant d’Ozu pour Les Frères et les soeurs Toda (Toda-ke no kyôdai, 1941) avant d’intégrer Nikkatsu en 1955 où il réalisera son premier grand succès, Le Paradis de Suzaki (Suzaki paradaisu akashingo, 1956).

Le Temple des oies sauvages a, pour actrice principale, Ayako Wakao, une grande star du cinéma japonais, alors liée à Daiei, qui l’imposa à Kawashima dans la distribution des trois films. Elle est ici en face de Masao Mishima, célèbre au Japon avec plus de 200 rôles, notamment dans Printemps tardif (Banshun, Yasujirō Ozu, 1949), La Condition de l’homme (Ningen no jôken, Masaki Kobayashi, 1959), Cochons et cuirassés (Buta to gunkan, Shōhei Imamura, 1961), etc. Le troisième rôle, celui du jeune moine humilié par le prêtre, est tenu par Kuniichi Takami, une étoile filante qu’on avait vu dans le film précédent de Kawashima, Les Femmes naissent deux fois (Onna wa nido umareru, 1961) et qui disparaîtra des écrans en 1967, après une douzaine de rôles.

Le Temple des oies sauvages convainc déjà par l’intérêt d’un scénario qui communique efficacement les tensions entre les trois personnages principaux et, au-delà, fustige l’hypocrisie des religieux. La composition soignée des cadrages à l’intérieur d’une grande demeure japonaise, l’inventivité d’une écriture filmique plaçant, à plusieurs reprises, la caméra dans des endroits des plus insolites, caractérisent le style de l’oeuvre.

Badlands nous propose une belle offre avec la première édition vidéo en France de trois films majeurs d’un cinéaste important de la nouvelle vague, reconnu au Japon, largement ignoré hors de l’archipel. On attend l’édition d’autres films de Yūzō Kawashima, notamment de Chronique du soleil (Bakumatsu taiyōden, 1957), vu par beaucoup comme son chef-d’oeuvre.

Le Temple des oies sauvages

Présentation - 2,5 / 5

Le Temple des oies sauvages (99 minutes) et ses suppléments (48 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-25 logé, avec un DVD-9, dans un digipack à trois volets, glissé dans un étui.

Le menu propose le film dans sa langue originale, le japonais, au format audio mono d’origine, réencodé DTS-HD Master Audio 1.0, avec sous-titres imposés qui auraient pu être placés plus bas, sur la bande noire.

Bonus - 2,0 / 5

Des entretiens exclusifs avec trois spécialistes du cinéma japonais, bien conduits par Guillaume Perrin, le fondateur de Badlands :

Présentation du film par Christophe Gans (17’). Il a souhaité découvrir Le Temple des oies sauvages pour l’actrice Ayako Wakao, la muse de Yasuzō Masumura qu’il avait admirée dans L’Ange rouge. La fin mystérieuse qui renvoie au générique, tous les deux en couleurs, illustre le concept bouddhique du « monde flottant », d’un présent illusoire dont il ne restera qu’une peinture. Le film, à la vision pessimiste, « dénonce une spiritualité en décomposition (…) dans un monde où tout se monnaye », un thème qu’on retrouve dans le cinéma de Mikio Naruse. La mise en scène discrète « transgresse parfois le langage cinématographique » quand la caméra est placée, à trois reprises, au fond d’un trou.

Kawashima, l’insaisissable : l’âge d’or (29’). Bastian Meiresonne rappelle que Yūzō Kawashima avait commencé d’attirer l’attention sur lui par un court métrage de 1946, Tokushû: Geinô takara-bune - Geinô eiga dai-san-shû, le premier film japonais à montrer un baiser, ce qui choqua l’occupant américain. Son indépendance, l’hétérogénéité de son oeuvre, « son côté ronin », sans maître, divisera la critique et empêchera la distribution de son oeuvre à l’étranger. Christophe Gens souligne que son alcoolisme notoire, sa rébellion contre l’autorité et les conventions conduiront la Shōchiku à le cantonner dans la réalisation de films de série B dans lesquels il inscrivit une touche de modernisme, avec une représentation du Japon proche de celle de Mikio Naruse. Clément Rauger évoque l’essor de Kawashima qui commence à s’entourer d’assistants de qualité, dont Shōhei Imamura, développe sa représentation personnelle de l’espace urbain et recherche un montage expérimental. Il rejoint en 1954 les nouveaux studios de la Nikkatsu où il réalise en 1956 son chef-d’oeuvre, Le Paradis de Suzaki, annonciateur de la nouvelle vague, puis émigre en 1958 à la Tōhō, spécialisée dans la comédie, « le miroir déformant de la société », où il peut exprimer son penchant pour l’ironie.

Bandes-annonces de Le Temple des oies sauvages (2’16”), de deux autres films de Yūzō Kawashima, Les Femmes naissent deux fois (Onna wa nido umareru, 1961) et La Bête élégante (Shitoyakana kedamono, 1962), et des autres éditions Badlands, La Bouche de Jean-Pierre (Lucile Hadzihalilovic, 1996), Hell’s Ground (Zibahkhana, Omar Khan, 2007) et L’Anguille (Unagi, Shōhei Imamura, 1997).

Le Temple des oies sauvages

Image - 4,5 / 5

L’image, au ratio d’origine 2.35:1, (1080p, encodage AVC), très stable, exempte de marques de dégradation de la pellicule, propose, entre des blancs lumineux et des noirs denses, un dégradé de gris finement étalonné et une résolution satisfaisante. Le grain du 35 mm, fin et homogène, a été préservé par une restauration irréprochable.

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 est d’une qualité sans failles. Très propre, sans souffle, il assure la clarté des dialogues. Une bonne dynamique et une ouverture satisfaisante de la bande passante donnent une présence réaliste à l’ambiance et délivrent finement et sans saturations l’accompagnement musical de Sei Ikeno dominé par flûtes et percussions.

Crédits images : © Daiei Studios

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 8 juillet 2023
L’histoire tragique d’une jeune femme et d’un moine novice livrés aux caprices d’un prêtre, brillamment racontée par Yūzō Kawashima, cinéaste célèbre au Japon, pratiquement inconnu en France où ses films n’avaient jusqu’ici jamais été distribués. Badlands nous propose la première édition française de trois de ses films majeurs, restaurés et complétés par des bonus exclusifs.

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Le Temple des oies sauvages
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