Michael Cimino un mirage américain (2021) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Jean-Baptiste Thoret
Avec Michael Cimino (I), Tommy Fitzgerald et Jim Freiling

Édité par Potemkine Films

Voir la fiche technique

Avatar Par
Le 08/08/2023
Critique

Jean-Baptiste Thoret refait, 10 ans après, le périple entrepris avec Michael Cimino pour recueillir le matériau du livre qu’il lui a consacré.

Michael Cimino, un mirage américain

« L’Amérique des Indiens natifs, des communautés de John Ford, de la liberté et des espaces sacrés. C’est peut-être un fantasme, un rêve inaccessible, mais c’est un mirage vrai qui hante tous les films de Michael Cimino. » Voilà comment s’explique le titre de ce documentaire de Jean-Baptiste Thoret qui avait, en 2010, accompagné le cinéaste dans une visite des lieux de tournage de ses films. Dix ans plus tard, il refait le voyage et part à la rencontre des habitants de Mingo Junction qui n’ont pas oublié le tournage de Voyage au bout de l’enfer. Il recueille aussi les vues sur Michael Cimino et son oeuvre de trois cinéastes, Oliver Stone, Quentin Tarantino, James Toback et les souvenirs de John Savage.

Michael Cimino, un mirage américain, sélectionné en 2021 à La Rochelle, à Deauville et, en Italie, au festival Il Cinema Ritrovato, distribué à partir du 31 décembre 2021 sur la plateforme Filmo, est le troisième long métrage écrit et réalisé par Jean-Baptiste Thoret, après We Blew it (2019) où il prit le pouls de l’Amérique profonde, un an avant l’accession de Donald Trump à la Maison Blanche, et après Dario Argento : Soupirs dans un corridor lointain, sorti en salles en juillet 2019, un recueil des confidences de l’auteur de Suspiria et de Profondo rosso sur les lieux de tournage de certains de ses films.

Quarante-trois ans plus tard…

Michael Cimino, un mirage américain, tourné en janvier et février 2020, s’ouvre, avec l’accompagnement musical de Katyusha chanté par le choeur de l’Armée rouge, sur un train passant devant les cheminées de l’aciérie de Mingo Junction, un village de l’Ohio. Là où furent, avec le même plan d’ouverture, tournées en 1977 les scènes de Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter). Un village dont le déclin a été accéléré par la fermeture de l’aciérie en 2009 : sur les 5 300 habitants recensés en 1970, il n’en restait que 3 300 en 2020. Les villageois disent leur nostalgie du passé glorieux des années 70, notamment illustré par un grand panneau, bien entretenu, rappelant le tournage de 1977, dont le souvenir reste gravé dans leur mémoire et continue d’alimenter les discussions au Parkview, le bar du village.

Jean-Baptiste Thoret et sa petite équipe ont conçu un road movie à la recherche des lieux de tournage. En direction du Montana, là où fut tourné en 1979 La Porte du paradis (Heaven’s Gate) qui, selon Michael Cimino, formait avec Voyage au bout de l’enfer un diptyque, « un tableau de la vie américaine », « une charge violente portée contre le mythe du melting pot américain » pour Jean-Baptiste Thoret. Un désastre commercial, avec deux cents jours de dépassement, un coût de 45 millions de dollars, 225 heures de rushes et un premier montage de 5 h 25, qui ébranla les fondations de United Artists. Oliver Stone l’affirme : « il est allé trop loin (…), il a brisé toutes les règles et est mort avant d’avoir pu achever tout ce qu’il pouvait offrir en tant qu’artiste ».

Après des études d’architecture et de design à Yale, des films publicitaires à New York, et l’écriture du scénario de Silent Running (Douglas Trumbull, 1972), Michael Cimino réalisa en 1974 son premier film, Le Canardeur (Thunderbolt and Lightfoot), à la suite d’un étonnant coup de bluff, un défi lancé à Clint Eastwood, intéressé par le scénario. Il n’accepta de lui vendre les droits qu’à la condition de pouvoir réaliser lui-même le film, ce qu’il put faire en démontrant la qualité des rushes capturés dans la courte période d’essai de trois jours qui lui avait été allouée ! Le film suivant sera Voyage au bout de l’enfer.

« Faire des films, c’est inventer une nostalgie pour un passé qui n’a jamais existé »

Michael Cimino, admirateur de Griffith, Ford, Visconti et Peckinpah, « son carré d’as », « à contre-courant de son époque », ne put réaliser que sept films de 1974 à 1995. Il estimait que les critiques visaient sa personne plus que ses films et s’était fait une règle de « dire la vérité (…) sans jamais se soucier de l’opinion des autres ». « Le fait qu’aucun de mes films ne se plie à la mode leur donne une sorte de jeunesse éternelle. »

Michael Cimino, « napoléonien », selon Oliver Stone, exigeant, ne regardait pas à la dépense, l’argent n’étant pour lui qu’un mal nécessaire. Il est mort en 2016, à 77 ans, en léguant trois films majeurs : Voyage au bout de l’enfer, La Porte du paradis et L’Année du dragon (Year of the Dragon, 1985) que Quentin Tarantino voit comme un des cinq films sortant de la médiocrité des années 80.

Michael Cimino, un mirage américain est un émouvant hommage rendu au cinéaste, dont on entend la voix enregistrée en 2010, par Jean-Baptiste Thoret, auteur de Michael Cimino, les voix perdues de l’Amérique (Flammarion, 2013). Il a inséré des archives filmées au ratio 1.33:1 (occasionnellement déformées par un étirement à 1.78:1), des photos de plateau, des extraits de films, la remise à Michael Cimino par John Wayne, deux mois avant sa mort, de l’Oscar du meilleur film pour Voyage au bout de l’enfer. C’est le seul plan dans lequel apparaît le réalisateur.

Michael Cimino, un mirage américain

Présentation - 5,0 / 5

Michael Cimino, un mirage américain (130 minutes) et ses généreux suppléments (115 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier avec un livret.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’anglais, avec sous-titres optionnels, et le choix entre deux formats audio, DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo.

Un livret de 48 pages, intitulé Sur la route avec Michael Cimino, reprend un bel article de Jean-Baptiste Thoret paru dans les Cahiers du cinéma, en octobre 2011, le résumé des sept semaines passées en compagnie du réalisateur au printemps 2010 et d’un road-trip de 2 500 miles pour faire découvrir à qui allait lui consacrer un livre les lieux de tournage de plusieurs de ses films. Michael Cimino est « venu au cinéma sur le tard, presque par hasard et par effraction » après l’écriture du scénario de Silent Running (Douglas Trumbull, 1972) pendant laquelle « il a contracté le virus du cinéma ». Jean-Baptiste Thoret le dépeint comme « un anachronique, au sens le plus noble du terme, une sorte de Guépard américain, un pied dans l’histoire, qu’il adore, l’autre dans un présent envisagé rétrospectivement, autrement dit du point de vue de ce qu’il n’est plus ». « Dans La Porte du paradis, Cimino devenait le Virgile d’un voyage au bout d’un autre enfer, celui des désillusions, des mensonges de l’histoire et des terres promises mais interdites. » L’échec commercial de ce film fera que le scénario de The Conquered Horse, une fresque sur les Indiens d’Amérique ne sera jamais un film mais restera « un rêve inaccessible ». Les obsessions de Michael Cimino étaient de donner aux paysages la place nécessaire et de prendre le temps de « créer la relation entre les personnages et les spectateurs », la clé de toute la puissance de la scène de la roulette russe.

Une édition DVD, sans le livret, offre pour seul bonus vidéo le commentaire de séquences.

Michael Cimino, un mirage américain

Bonus - 5,0 / 5

Rencontre de Jean-Baptiste Thoret avec Philippe Rouyer au Max Linder, lors de la projection du film le 12 février 2022 (41’). Le tournage a commencé par la rencontre avec John Savage, placée au montage au milieu de ce qui n’est « pas un film sur Michael Cimino », mais sur la vision qu’il avait de l’Amérique. Une phase d’approche des gens de Mingo Junction a été nécessaire pour les mettre en confiance et les convaincre qu’ils avaient des choses intéressantes à dire. Le « mirage » du titre, « c’est tout le cinéma de Michael Cimino, l’image d’Épinal d’une Amérique idéale qu’il a poursuivie », le regard distancié d’un homme éduqué de la côte Est sur l’Amérique profonde, « l’Americana ». La rencontre envisagée avec Clint Eastwood, « le mentor de Cimino », lui aussi à la recherche d’une image idéalisée de l’Amérique, n’a pas pu se faire : il était retenu par la postproduction de Cry Macho. L’appréciation de La Porte du paradis peut varier : alors qu’il est généralement considéré comme un chef-d’oeuvre, James Toback en révèle les faiblesses pouvant expliquer son échec. Jean-Baptiste Thoret justifie à Philippe Rouyer le choix d’avoir limité les extraits de l’oeuvre de Cimino à quelques superpositions sur des travellings de la route pour souligner que son cinéma « se confond avec l’Amérique ».

Commentaire de séquences par Jean-Baptiste Thoret (47’). Les séquences de Mingo Junction et de ses habitants sont sa manière d’entrer dans le cinéma de Cimino qui est « une émanation de l’Amérique ». Il a choisi Oliver Stone, Quentin Tarantino et James Toback pour parler du cinéma de Cimino, le format CinemaScope, cohérent avec la vaste étendue des paysages, et a utilisé la voix de Michael Cimino, « copilote » du road movie, après une délicate restauration des passages sélectionnés parmi la soixantaine d’heures enregistrées en 2010. Le périple l’a amené sur la route du Montana, empruntée par Jack Nicholson dans The Shining. La quête constante par Cimino de l’Americana, soulignée par James Toback et Quentin Tarantino, est symbolisée par le drapeau qui « hante » ses films et par le personnage incarné par Mickey Rourke, le « Polak » de L’Année du dragon, inspiré par le policier Stanley White, présent dans le documentaire.

Retour à Mingo, module vidéo de Jean-Baptiste Thoret sur la projection du film à Mingo Junction (23’). La télévision locale annonce la projection spéciale, le 5 mars 2022, de Michael Cimino, un mirage américain (Michael Cimino, God Bless America) à l’occasion du retour à Mingo Junction de Jean-Baptiste Thoret, un remerciement des villageois pour leur contribution au film. La projection commence après un Notre Père à la mémoire des morts au Viêt Nam, une allégeance aux USA et les deux hymnes nationaux, Stars and Stripes et La Marseillaise, puis une chanson composée at accompagnée à la guitare par « J.B. » himself, auquel le maire remet les clés du village.

Musique du film : American Mirage (3’16”) et American Mirage 2 (3’09”) reprennent le thème principal de Voyage au bout de l’enfer. Empathy for the Road (3’42”) a été composé par Jean-Baptiste Thoret.

Bande-annonce (1’57”).

Michael Cimino, un mirage américain

Image - 5,0 / 5

L’image numérique (1080p, AVC), au ratio de 2.39:1, celui du Voyage au bout de l’enfer, à laquelle l’utilisation d’objectifs anamorphiques et un traitement en postproduction ont donné une texture rappelant le 35 mm, est irréprochable : fermement contrastée, avec un étalonnage soigneux des couleurs et un piqué sur toute la profondeur du champ des plans larges de paysages, pris sous les ciels plombés de l’hiver.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 5.1 (avec une alternative 2.0 stéréo) assure l’essentiel en garantissant la clarté des commentaires et des enregistrements de la voix de Michael Cimino. Une bonne séparation des canaux avant crée un effet immersif, toutefois limité par une faible sollicitation des canaux latéraux, explicable par la probable légèreté des moyens de prise de son.

Crédits images : © Lost Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

5,0
5
1
4
0
3
0
2
0
1
0

Je donne mon avis !

Avatar
Philippe Gautreau
Le 7 août 2023
Le regard de Jean-Baptiste Thoret sur un artiste qu’il a bien connu, sur lequel il a écrit un livre, Michael Cimino. "un cinéaste à contre-courant, au bord de son époque, littéralement marginal" qui "à la manière de John Ford, a voulu faire le récit de l’Amérique, en saisir la pulsation et l’ampleur, la beauté et la complexité". Un documentaire incontournable pour les amateurs du réalisateur de Voyage au bout de l’enfer et qui devrait donner aux autres l’envie de le découvrir.

Lire les avis »

Multimédia
Michael Cimino un mirage américain
Bande-annonce VOST

Proposer une bande-annonce

Du même auteur
(publicité)

(publicité)