Le Crime de la semaine (1953) : le test complet du Blu-ray

Film noir policier américain au scénario ambitieux, réalisé par Jack Arnold pour la Universal.

USA Los Angeles, 1953 : les scénaristes Henry Hayes et Don Newell travaillent pour l’émission de télévision « le Crime de la semaine », appréciée par la police qui l’alimente en informations de première main. Don et Hayes entretiennent tous deux simultanément (mais sans le savoir) une liaison avec l’actrice Paula Rainer qui ne s’intéresse aux hommes que pour l’argent. Elle méprise Hayes et fait chanter Don qui accepte de payer. Le soir de la remise de l’argent, ce dernier découvre Paula assassinée et s’enfuit. La police arrête l’ancien époux de Paula qui clame son innocence. Ce crime impuni devient le nouveau sujet de l’émission : la police espère que le véritable coupable trahira son identité durant les reconstitutions.

Le Crime de la semaine (The Glass Web, USA 1953) de Jack Arnold (1916-1992) est un film noir policier de série B au scénario ambitieux, au suspense élaboré, au casting homogène. C’est une critique de la télévision par le cinéma en temps réel. Son aspect documentaire est historiquement intéressant lorsqu’il montre en détails la régie, les studio, les caméras, la mise en scène en temps réel d’une émission TV de 1953. Le spectateur de cinéma a le privilège de passer de l’autre côté du miroir sur le plan esthétique : il y passe aussi sur le plan sociologique. Cette critique du milieu de la télévision reproduit presque en pire celle des milieux du cinéma, telle qu’on la trouvait déjà dans plusieurs films hollywoodiens. Elle en annonce d’autres par sa virulence. Elle est acérée, impitoyable et parfois teintée d’une noire, efficace et parfois très savoureuse ironie (juste après le générique d’ouverture, le premier plan en travelling arrière révèle le tournage en studio alors que le spectateur pensait d’abord assister à une action réelle). On songe rétrospectivement plus d’une fois, lorsqu’on visionne ce titre cinéma de Arnold, à ce que produira bientôt Alfred Hitchcock pour la TV américaine dans la série Alfred Hitchcock présente (1955-1965) dans laquelle l’acteur John Forsythe devait incarner plusieurs rôles remarquables.

Le Crime de la semaine fut le second film Universal tourné en 3D par Arnold - le premier avait été, la même année, son classique fantastique, catégorie science-fiction Le Météore de la nuit (It Came From Outer Space, USA 1953) - mais on rapporte qu’en raison des défauts de la projections 3D de l’époque, le public invité aux avants-premières préféra la version « à plat » 2D. La version 3D ne fut projetée aux USA que cinquante ans plus tard, en 2003 lors d’un festival dédié à cette technique, en présence de la « Miss 3D 1953 » qu’avait été son actrice Kathleen Hughes. On identifie immédiatement, sur cette version 2D, quels furent les plans destinés à impressionner le public en 3D : on les compte, en partant du générique d’ouverture, sur les doigts d’une main, notamment lorsque John Forsythe marche durant une nuit cauchemardesque dans la ville après sa macabre découverte.

Il y a quelques clins d’oeil référentiels dans le script : le personnage interprété par l’acteur Edward G. Robinson est journaliste et collectionneur de tableaux impressionnistes, y compris un tableau de Cézanne. Détail savoureux par son irréalisme financier, étant donné son assez maigre salaire mentionné dans le dialogue. En revanche, certains des tableaux accrochés au mur du bureau proviennent de la réelle collection de l’acteur, renommée pour sa valeur. Les murs du bureau du producteur-réalisateur (joué par Richard Denning) sont ornés de photographies d’actrices et d’acteurs : les cinéphiles en ont identifié certaines.

Ceux s’intéressant à la filmographie fantastique d’Arnold remarqueront qu’ici aussi, Arnold juxtapose ou divise plusieurs espaces lors d’une même action dans un même plan, lorsque l’histoire s’y prête : le premier plan après le générique est typique de ces effets de surprise que sait si bien amener Arnold. Songeons aussi à la petite étiquette (l’enchaînement menant à sa perte est virtuose) de la veste de pyjama, à l’opposition d’un micro-univers félin et d’un macro-univers humain lors de la séquence du chat qui annonce déjà par sa dramaturgie la représentation du chat dans L’Homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man, USA 1957). Un certain pessimisme et une sourde angoisse, y compris plastique, naissent régulièrement de ce film noir policier.

1 boîtier avec fourreau et jaquette réversible contenant 1 Blu-ray BD25 régions ABC + 1 DVD-9 édités par Eléphant Films, le 11 juillet 2023. Image N&B au format 1.37 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio VOSTF 2.0 mono. Durée cinéma film : 81 min. environ (sur Blu-ray). Supplément : présentation du film par Eddy Moine (10 min. environ) + Jack Arnold géant de la peur par Jean-Pierre Dionnet (7 minutes environ) + bandes-annonces de la collection. Belle reproduction de l’affiche américaine 3D sur la jaquette réversible (au verso).

Présentation du film par Eddy Moine (10 min. environ) : courte mais assez bonne, fournissant les informations de base nécessaires à la situation du titre dans la filmographie de Arnold. En illustrations, extraits du film, quelques photos (y compris une du romancier dont le scénario adapte l’oeuvre) ainsi que quelques mignonnes affiches de films contemporains tournés en 3D (titres de Arch Oboler, Jack Arnold, André DeToth).

Présentation par Jean-Pierre Dionnet (7 minutes environ) : on la trouvait déjà en introduction à l’édition 2017 Eléphant films du coffret Jack Arnold, géant de la peur : Tarantula + L’Homme qui rétrécit. Elle est brève mais insiste d’une manière pertinente sur le fait que Arnold ait été assistant du documentariste Robert J. Flaherty et qu’il ait été, comme lui, sans doute intimement partagé entre réalisme et poésie. Elle a, en outre, raison de ne pas vouloir limiter Arnold au seul genre fantastique puisqu’il en a traité d’autres avec talent. En revanche, elle ne dit pas un mot de ce film noir policier de 1953.

Bandes-annonces de la collection : ce sont les BA de classiques du cinéma fantastique signés par Arnold pour la Universal Le Météore de la nuit, La Revanche de la créature, L’Homme qui rétrécit, Le Monstre des abîmes, édités chez nous ces dernières années par Eléphant Films. Etats argentiques et formats varié, en général inférieur à celui du long-métrage de référence systématiquement nettoyé et restauré, ainsi que l’indique l’habituel avertissement placé avant chaque BA.

Honorable édition spéciale.

Format 1.37 compatible 16/9, reporté en Full HD 1080p AVC, en N&B. Copie argentique globalement dotée d’une bonne définition, d’un bon contraste, d’une bonne gestion des noirs. Quelques plans à l’émulsion très légèrement instable ou au télécinéma un peu moins soigné que les autres subsistent mais ils sont rares et l’ensemble demeure propre. Notez que l’éditeur Kino Lorber prévoit de sortir bientôt un Blu-ray américain qui contiendra la version 3D restaurée par la société 3D Films Archives LLC. Cette édition Eléphant ne comporte que la version 2D « à plat » mais elle permet déjà de bien apercevoir les plans dans lesquels se trouvaient les effets spéciaux 3D.

Son DTS-HD Master Audio VOSTF 2.0 mono : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone car ce titre de Arnold ne fut exploité qu’en VOSTF chez nous, et encore assez brièvement. Piste son mono correctement nettoyée et restaurée. Musique standard un peu impersonnelle mais soignée. Possibilité de sélectionner des STF, des STA (anglais), ou aucun STF. Possibilité, plus rare, de sélectionner la couleur des ST : blanche ou jaune, au choix.

Crédits images : © Universal International Pictures