Détour (1945) : le test complet du Blu-ray

Detour

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Edgar G. Ulmer
Avec Tom Neal, Ann Savage et Claudia Drake

Édité par Elephant Films

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Le 23/10/2023
Critique

Le meilleur film noir policier américain tourné par Ulmer, devenu l’un des titres emblématiques du genre.

Détour

USA 1945 : Al Roberts, après une soirée de marche à pied et d’auto-stop à travers Reno, est chassé d’un bar routier du Nevada en pleine nuit ; cet ancien pianiste ne supportait plus la chanson écoutée par un client. Pourquoi ? Il se souvient…

Quelques mois plus tôt, c’est précisément cette chanson que chantait chaque soir Sue, sa fiancée, alors qu’ils étaient tous deux sous contrat dans un cabaret de New York. Elle veut l’épouser mais pas avant d’avoir assez d’argent pour fonder un foyer. Et elle le quitte afin de tenter sa chance comme actrice à Hollywood. Roberts fait de l’auto-stop afin de la rejoindre en traversant rien moins que les USA de la côte Est à la côte Ouest. Sa rencontre avec Haskell, conducteur d’un luxueux cabriolet, va faire basculer le voyage de Roberts en plein cauchemar.

Détour (U.S.A. 1945) d’Edgar G. Ulmer (1904-1972) avait été produit par la Producer Releasing Corp. (P.R.C.) de Leon Fromkess, le futur producteur du Police spéciale (The Naked Kiss, U.S.A. 1964) de Samuel Fuller. Le scénario fut adapté par Martin Goldsmith de son roman homonyme. Interprétation remarquable de l’acteur Tom Neal dont le destin coïncida plus tard avec celui du personnage qu’il incarne ici : sa vie aurait pu inspirer un film noir signé par un cinéaste tel que Robert Aldrich. Bonne interprétation, injustement passée sous silence, d’Edmund MacDonald dans le rôle de Haskell. Le casting féminin est dramaturgiquement honorable - le cinéaste allemand Wim Wenders admirait, paraît-il, le jeu brutal d’Ann Savage (opposé à celui tout en douceur de Claudia Drake) - mais il se situe un cran physique en-dessous de celui des productions B du même genre à la même époque. On peut rêver à ce qu’aurait donné le rôle de Véra interprété par les vedettes féminines contemporaines Ava Gardner, Lana Turner ou bien encore Yvonne de Carlo ou même - qui sait ? - par la très mignonne actrice non créditée qui joue la petite serveuse du restaurant (version Drive Through 1945 des Fast Food de l’époque) où se gare la voiture du couple maudit. Le budget de la production était si réduit que le cabriolet conduit par Haskell aurait été, dit-on, rien moins que la voiture personnelle de Ulmer (une Lincoln Continental au moteur V12) mais certains observateurs assurent que deux modèles distincts furent utilisés, reconnaissables à leurs feux arrières différents. Je n’ai pas vérifié mais le simple fait qu’on se pose la question suffit à témoigner de la pauvreté de la production. Elle ne diminue nullement la richesse visuelle du film. Quelques erreurs techniques de continuité ont été signalées par d’attentifs spectacteurs : elles témoignent de la rapidité du tournage mais ne nuisent pas davantage à l’intensité dramatique de l’histoire. La direction photo de Benjamin H. Kline (le père du directeur photo Richard H. Kline, un des meilleurs des années 1970) est parfois inspirée (caméra nerveuse et mobile opérant de brefs travellings, dosant les transparences et jouant à la perfection de la profondeur de champ, très beaux plans fixes nocturnes). Sans oublier un montage utilisant de beaux fondus au rideau et, sur le plan sonore, l’inoubliable chanson de Claudia Drake.

Détour

À propos du producteur Fromkess, Ulmer déclarait, au cours d’un entretien accordé le 06 mai 1965 à la revue Midi-Minuit Fantastique n°13 : « À ce moment-là j’étais entièrement libre, je n’étais absolument pas bridé par Fromkess qui me donnait carte blanche » et il ajoutait un peu plus loin : « Ce qui fait la force des films de gangsters, c’est qu’ils vont jusqu’à l’extrême limite de la brutalité. (…) ». >b>Détour n’est certes pas un « film de gangsters  » mais Haskell en fut peut-être un puisqu’il naviguait dans le milieu du jeu, des paris sur les courses de chevaux ? Il ne dit probablement pas non plus à Roberts toute la vérité concernant son voyage : son personnage demeure fondamentalement mystérieux, fondamentalement inquiétant. Et du coup, Roberts subit, comme par contre-coup, la malédiction du destin qui poursuit tout criminel mais il la subit par un étrange ricochet, par l’effet de la propre victime féminine de Haskell. À moins que ce ne soit l’inverse ? Après tout, qui peut croire totalement le témoignage de Véra à l’encontre de Haskell, étant donnée la manière dont elle se comporte avec Roberts ? Ce dernier se retrouve de facto entre un mort avéré (Haskell) et une vivante en sursis (Véra), voués à contribuer finalement (involontairement mais non moins réellement) autant l’un que l’autre à sa perte. C’est la fameuse structure du triangle qui fascinait à tel point Ulmer qu’il confessait à Midi-Minuit Fantastique n°13 construire assez souvent ses enchaînements esthétiques en fonction de cette structure géométrique.

Mis en image par un cinéaste longtemps mythique, demeuré inédit au cinéma pendant 45 ans en France (il ne fut distribué à Paris que le 03 octobre 1990), Détour compte assurément parmi ses meilleurs films. En 1992, un remake en fut tourné, réalisé par Wade Willliams avec Tom Neal Jr., fils de l’acteur Tom Neal et de sa seconde épouse Patricia Fenton. Il faudrait un jour l’éditer en France afin qu’on puisse le comparer avec l’original dans de bonnes conditions.

Détour

Présentation - 2,0 / 5

1 boîtier avec fourreau et jaquette réversible (une des deux montre une des belles affiches originales américaines, l’autre une photo colorée de plateau des deux vedettes) contenant une édition combo 1 Blu-ray BD25 régions ABC + 1 DVD-9 édités par Eléphant Films, le 12 septembre 2023. Image N&B au format 1.37 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio VOSTF 2.0 mono (sur Blu-ray) et Dolby Audio Dual Mono 2.0 (sur DVD). Durée cinéma film : 68 min. environ (sur Blu-ray). Supplément : présentation du film par Stephen Sarrazin (15 min. environ) + bandes-annonces de la collection (films noirs policiers américains divers, de 1942 à 1960). Sous-titrage optionnel varié : couleur blanche, jaune, en français ou en anglais, ou encore sans aucun.

Bonus - 1,0 / 5

Présentation de Stephen Sarrazin (15 min. environ) : décevante. J’attendais mieux de Sarrazin qui est un des meilleurs connaisseurs actuels du cinéma japonais. Quelques minutes sont consacrées à raconter l’intrigue du film : un avertissement liminaire nous en prévient. Durant celles-ci, on en montre de nombreux extraits : inutile puisqu’on vient de le visionner ! Quelques autres minutes sont consacrées à des remarques sur le genre du film noir américain, à quelques remarques minimalistes sur la bio-filmographie de Ulmer, sur le thème du destin (le mot est prononcé une bonne dizaine de fois par Sarrazin : abondance de biens ne nuit pas, dit le proverbe, mais enfin…). Rien de précis sur l’histoire de la production, du tournage, du casting ni même sur la réception de ce désormais classique Détour. Assez bonne remarques critiques, en revanche, sur le contraste entre les visages de Tom Neal et d’Ann Savage, sur l’évolution plastique de cette dernière au cours de l’histoire. En matière d’illustrations, quelques photos des cinéastes Edgar G. Ulmer, Billy Wilder, Fritz Lang et des extraits du film mais aucune galerie affiches et photos d’exploitation. Pourquoi n’avoir pas repris l’inégal mais malgré tout informé documentaire de 2004 sur Ulmer (que Cinémalta avait proposé dès 2006 sur son édition française DVD, que Criterion a plus récemment à nouveau proposé sur son édition américaine Blu-ray en 2019) ?

Bandes-annonces de la collection : celles de quelques films noirs policiers américains de 1942 à 1960 environ, couleurs ou N&B, formats variés, états argentiques et numériques très inégaux mais les films de référence sont tous bien restaurés. Je renvoie le lecteur, concernant trois d’entre eux - signés à la mise en scène par Robert Siodmak (Pour toi j’ai tué, USA 1948), Jack Arnold (Faux monnayeurs, USA 1956) et Michael Gordon (Meurtre sans faire-part, USA 1960) - à mes critiques archivées sur Dvdfr.com.

Détour

Image - 4,5 / 5

Détour est un cas typique du domaine publique américain : des matériels argentiques et numériques très inégaux circulaient car ils ne provenaient ni du même ayant-droit ni de la même source matérielle. On peut mesurer le progrès constitué par cette édition Eléphant Films qui bénéficie de la restauration argentique internationale effectuée en 2018 (l’édition Blu-ray américaine Criterion de 2019 en détaille les étapes, le financement et mentionne que la Cinémathèque française, parmi d’autres organismes américains et européens, y contribua). La copie argentique de l’édition DVD CinéMalta de 2006 comportait par exemple de sévères « brûlures de cigarettes » et certains plans d’ensemble et de demi-ensemble étaient parfois voilés. Cette copie argentique 2023 Eléphant Films ne comporte, pour sa part, aucun défaut notable. Sa définition sur Blu-ray est en outre vraiment excellente : on peut presque compter les gouttes de pluie qui s’abattent sur le héros durant une des plus belles séquences nocturnes. Bien sûr, l’observateur remarquera quelques infimes saccades (dénotant l’absence d’une ou plusieurs des 24 images / secondes sur certains plans) mais elles ne gênent jamais la vision d’ensemble. On peut donc dire que cette édition Eléphant est dorénavant l’édition française de référence en Full HD.

Détour

Son - 5,0 / 5

VOSTF DTS-HD Dual Mono (en Blu-ray) et Dolby Audio Dual Mono 2.0. (en DVD) : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Pas de VF d’époque à regretter car celle de Détour n’a jamais existé : le titre ne fut distribué chez nous au cinéma qu’en 1990 dans le circuit Arts et Essais, uniquement en VOSTF. La piste originale est en bon état. Sous-titrage soigné et lisible, quelle que soit la catégorie sélectionnée (ST couleur blanche, jaune, en français ou en anglais) et les anglophones pourront même s’en passer s’ils le souhaitent. Célèbre chanson interprétée par la mignonne Claudia Drake.

Crédits images : © PRC

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 24 octobre 2023
Le meilleur film noir policier américain tourné par Ulmer. Demeuré longtemps invisible en France au cinéma, il est aujourd'hui considéré comme l'un des titres emblématiques du genre.

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