Je suis une nymphomane (1971) : le test complet du Blu-ray

Un des films érotiques classiques de Pécas, en forme de roman picaresque frôlant parfois le surréalisme

Je suis une nymphomane (France 1970) de Max Pécas est un étalon stylistique et thématique de sa période érotique (1965-1975 environ). L’argument psychologique (une chute dans le vide détermine la naissance d’un désir charnel devenant tyrannique) a quelque chose de foncièrement surréaliste. Il donne lieu à une peinture sociologique à la fois tendre et ironique, parfois cinglante. A mesure que l’héroïne interprétée par Sandra Julien (actrice qui tournera vers la même époque pour les cinéastes Claude Chabrol, Jean Rollin et Norifumi Suzuki) devient l’esclave de sa passion, la dimension phantasmatique augmente et vire parfois au fantastique. Il y a même parfois une représentation quasi-vampirique de sa nymphomanie : la séduction nocturne, dans un hall d’immeuble, d’un inconnu aperçu à la sortie du cinéma du Drugstore Publicis du Rond-point des Champs-Elysées, la quasi-attaque de l’auto-stoppeuse blonde en rase campagne. Le personnage joué par Janine Reynaud (filmée à la même époque par les cinéastes Jesus Franco et José Benazeraf) a lui aussi une légère teinte fantastique, dès la soirée qui montre sa quasi-hypnotique séduction lesbienne, éclairée à belle dominante rouge/violette. Le rationalisme natif apparent du scénario convoque presque logiquement la religion (le prêtre joué par Yves Vincent) puis la philosophie (sur une table, divers volumes parmi lesquels ceux sur Kant et Auguste Comte parus dans la section « Philosophes », fondée par Emile Bréhier, publiée par les Presses Universitaires de France dans sa collection SUP) mais ces deux formes de la culture s’avèrent impuissantes à rassurer l’héroïne. C’est l’amour pur qui la sauvera finalement, grâce à un étrange caprice du destin. Film étrange parcouru par plusieurs sources d’inspiration, plusieurs tonalités et, au total, assez personnel, injustement méprisé par la critique des années 1970 et qu’il faut redécouvrir.

Dans la filmographie générique de Pécas, Claude et Greta / Les Liaisons particulières (Fr. 1969), Je suis une nymphomane (Fr. 1970) et Je suis frigide… Pourquoi ? (Fr. 1971) -tous les trois édités dans la collection Max Pécas de LCJ - constituent un intéressant triptyque à la fois esthétique et thématique. Sur le plan de l’histoire du cinéma, on peut en examiner attentivement les génériques car ils comportent des noms qu’on retrouvera par la suite dans l’histoire du genre, y compris sous pseudonyme après 1975. Par exemple celui de Claude Mulot, ici crédité co-scénariste et dont la filmographie oscilla régulièrement entre érotisme et fantastique.

1 Blu-ray BD25 édité par LCJ le 11 octobre 2023. Image format 1.66 Eastmancolor compatible 16/9, 1920 x 1080p AVC. Son VF en DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Durée du film 95 min. environ. Belle illustration de jaquette et belle sérigraphie, reprenant partiellement certaines affiches d’époque.

Aucun bonus mais l’essentiel est bien présent, à savoir une copie argentique restaurée en bon état général mis à part une grosse brûlure de cigarette sur un plan durant une scène d’intérieur dans l’église : le reste est impeccable. Transfert vidéo soigné qui restitue sa fraîcheur à l’Eastmancolor (parfois à dominantes nuancées) de la photo signée Robert Lefebvre.

La VF mono DTS-HD Mono 2.0 est propre : dialogues, musique et effets sonores sont nets et dynamiques. Notez que le son est post-synchronisé : on reconnaît notamment la voix de Raymond Pellegrin doublant un ou deux acteurs de second plan. Certaines séquences reprennent la musique déjà composée par Derry Hall pour Claude et Greta / Les Liaisons particulières.

Crédits images : © Les Films du Griffon