Le Grand couteau (1955) : le test complet du Blu-ray

The Big Knife

Combo Blu-ray + DVD + Livret - Édition limitée

Réalisé par Robert Aldrich
Avec Jack Palance, Ida Lupino et Wendell Corey

Édité par Rimini Editions

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Le 19/02/2024
Critique

Le regard caustique d’un cinéaste farouchement indépendant sur le pouvoir des major companies dans le septième art.

Le Grand Couteau

Charlie Castle était un acteur téméraire, brillant et audacieux. Mais il a signé un pacte avec le diable en se liant par un contrat de sept années à un producteur omnipotent, Stanley Hoff. C’est un homme brisé qui, à la veille de la reconduction de son contrat, veut trouver le courage de rompre ses chaînes. Il espère ainsi renouer avec son épouse Marion qui lui reproche de s’être vendu à Hoff…

Le Grand couteau (The Big Knife), sorti en 1955, le sixième film de Robert Aldrich, est l’adaptation fidèle d’une pièce écrite en 1949 par Clifford Odets, un des membres actifs du Group Theater fondé en 1931 par Lee Strasberg, Harold Clurman et Cheryl Crawford. Dramaturge engagé, il écrivit aussi près d’une cinquantaine de scénarios, notamment ceux de Humoresque (Jean Negulesco, 1946) et de Le Grand chantage (Sweet Smell of Success, Alexander Mackendrick, 1957).

Robert Aldrich, après un début de carrière à la télévision, un bon lieu d’apprentissage de l’efficacité, entre à bonne école comme assistant de Joseph Losey, Jean Renoir, Charles Chaplin, Lewis Milestone… Le succès commercial de Vera Cruz (1954) et de En quatrième vitesse (Kiss Me Deadly, 1955) lui permit de fonder The Associates and Aldrich Company et de réaliser Le Grand couteau en toute indépendance, une pièce fustigeant l’ingérence des grands studios de Hollywood dans la création des oeuvres cinématographiques et le destin des acteurs. Le film, Robert Aldrich ne l’a pas caché, épingle Harry Cohn et Louis B. Mayer, respectivement patrons de Columbia Pictures et de MGM.

Le Grand Couteau

Le Grand couteau est, avant Attaque ! (Attack, 1956) et Tout près de Satan (Ten Seconds to Hell, 1959), la première des trois collaborations de Robert Aldrich avec Jack Palance : un choix de casting inspiré, opposant la fragilité du personnage de Charlie Castle à l’évidente force physique de l’acteur. Robert Aldrich a réussi à rassembler autour de lui une remarquable distribution : Wendell Corey, le policier de Fenêtre sur cour (Rear Window, Alfred Hitchcock, 1954), Rod Steiger qui sera oscarisé pour Dans la chaleur de la nuit (In the Heat of the Night, Norman Jewison, 1967), Ida Lupino qui menait de front sa carrière d’actrice avec celle de réalisatrice et scénariste pour le petit et le grand écran, avec Bigamie (The Bigamist, 1953, un des quatre longs métrages réunis dans le coffret récemment édité par Les Films du Camélia, Ida Lupino - Une réalisatrice à Hollywood), ainsi que Jean Hagen (Quand la ville dort / The Asphalt Jungle, John Huston, 1950, Chantons sous la pluie / Singin’ in the Rain, Stanley Donen et Gene Kelly, 1952). Et, dans un petit rôle, Shelley Winters qui avait acquis ses galons de star auprès de grands réalisateurs, notamment d’Anthony Mann dans Winchester 73 (1950) et sortait du tournage de La Nuit du chasseur (The Night of the Hunter, Charles Laughton, 1955).

Le Grand couteau se range parmi les références de transposition d’une pièce de théâtre à l’écran. Robert Aldrich, avec la complicité d’Ernest Laszlo, chef-opérateur de plusieurs de ses films, dans une succession nerveuse de plans larges et rapprochés pris sous des angles divers, donne du mouvement à un film presqu’exclusivement tourné dans une seule pièce.

Le Grand Couteau

Présentation - 3,5 / 5

Le Grand couteau (114 minutes) et ses suppléments (58 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et un DVD-9, logés dans un boîtier, glissé dans un étui.

Le film est proposé dans sa langue originale, l’anglais, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 2.0 mono (Dolby Digital 2.0 sur le DVD).

À l’intérieur du boîtier, un livret de 32 pages, intitulé Derrière les portes de Babylone, rédigé par Christophe Chavdia. Après une liste de films qui ont « dynamité l’usine à rêves de Hollywood », il passe en revue le parcours et l’oeuvre, « entre théâtre et Hollywood », de Clifford Odets, un dramaturge avec une attirance pour le medium du cinéma, vue par quelques-uns comme une trahison, par lui comme un moyen « d’user des armes de l’ennemi pour dire la vérité ». The Big Knife, fidèle à la pièce, est le premier film produit en toute indépendance par Robert Aldrich. Il sera tièdement accueilli, en dépit du Lion d’argent décroché à Venise, et déclenchera protestations et pressions de Hollywood. Ce qui n’empêchera pas Robert Aldrich de poursuivre ses peintures au vitriol de l’industrie du cinéma avec Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (What Ever Happened to Baby Jane? , 1962) et Le Démon des femmes (The Legend of Lylah Clare, 1968). Encensé par les Cahiers du cinéma, Le Grand couteau n’attira en 1955 que 220 000 spectateurs dans les salles françaises.

Le Grand Couteau

Bonus - 4,0 / 5

Robert Aldrich, le cinéma du ressenti (Rimini Éditions, 2023, 21’). Jacques Demange (Positif) rappelle l’influence sur le cinéma américain de Clifford Odets, la carrière de Robert Aldrich, son expérience acquise à la télévision, comme assistant-réalisateur et producteur… Le Grand couteau respecte le huis-clos de la pièce : toute l’action se déroule dans le salon de Charlie Castle, où le tableau d’un clown « un artiste enfermé dans un cadre » symbolise le thème de l’oeuvre. L’adaptation pour l’écran d’une pièce de théâtre, avec un procédé cinématographique, le hors-champ, renvoyant à l’étage supérieur, est au niveau d’Orson Welles, Laurence Olivier. Jacques Demange souligne la qualité de la direction de Jack Palance, « recroquevillé sur lui-même (…) comme une affiche de cinéma déchirée », montrant « le ressenti » de la nature humaine, une constante de l’oeuvre de Robert Aldrich, en contraste avec « le sur-jeu, le cabotinage » de Rod Steiger. « Ça bouge » dans un film sans action, grâce à une mise en scène inventive.

The Big Knife, une critique de Hollywood (30’). Frank Lafond, historien du cinéma, retrace la carrière de Robert Aldrich, ses premiers films à petit budget, Big Leaguer, World for Ransom, puis, à la demande de Burt Lancaster, la réalisation de Bronco Apache (Apache), Vera Cruz et En quatrième vitesse, trois grands succès qui lui permettront de créer sa société de production. Il rappelle le modeste budget, 450 000 dollars, dont 260 000 couvrirent le cachet des acteurs, comment le réalisateur a tiré profit de l’animosité entre Jack Palance et Rod Steiger, les quelques problèmes du film avec le code et production et les lignes de vertu, les pressions exercées par Hollywood sur les exploitants…

Film TV promotionnel (5’). Une promotion du film par Jack Palance et Ilka Chase, l’échotière, en compagnie des acteurs, avec une vue aérienne de Bel Air et des extraits de scènes.

Bande-annonce (2’32”).

Le Grand Couteau

Image - 4,0 / 5

L’image numérique, au ratio d’origine de 1.85:1, encodée au standard 1080p, AVC, après la restauration opérée pour l’édition Arrow Films de 2017, a été soigneusement débarrassée de toute marque de dégradation de la pellicule. Fermement contrastée, entre des blancs lumineux et des noirs denses, elle pêche toutefois par un léger excès de réduction du grain. Les restaurateurs ont eu la main un peu lourde dans la délicate mesure entre gain de résolution et respect de la texture du 35 mm. Cette réserve faite, l’impression d’ensemble est plaisante.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono a, lui aussi, bénéficié d’une élimination des bruits parasites dus au vieillissement de la pellicule, mais pas d’un souffle résiduel, toutefois assez discret.

Le doublage en français, au même format, peu naturel, réverbéré et placé trop en avant au détriment de l’ambiance, n’a pas été pris en compte pour l’attribution de la note.

Crédits images : © The Associates & Aldrich Company

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 20 février 2024
Couronné par le Lion d’or, ce film de Robert Aldrich, cinéaste farouchement indépendant, met en accusation les grands studios pour le pouvoir qu’ils exercent sur les réalisateurs. C’est aussi la rencontre presque improbable de Jack Palance et Rod Steiger et un modèle d’adaptation pour le cinéma d’une pièce de théâtre.

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