As Tears Go By (1988) : le test complet du 4K UHD

Réédition attendue, la première en HD et UHD, du premier film de Wong Kar-Wai, annonciateur de l’inventivité de son style.

À la demande de sa mère, Wah, un petit truand, héberge Ngor, une cousine venue à Hong Kong consulter un pneumologue. Tombé amoureux de Ngor, Wah est résolu à se ranger. Mais il se sent obligé de venir au secours de Fly, son meilleur ami, incapable de s’acquitter d’une dette envers un chef de bande…

As Tears Go By (Wong gok ka moon), sorti en 1988, sélectionné à Cannes par La Semaine de la Critique en 1989, est le premier film de Wong Kar-Wai qui s’était fait connaître comme scénariste d’une quinzaine de longs métrages. C’est une sorte de variation, transposée de Litlle Italy à Hong Kong, sur le thème de Mean Streets, le long métrage qui révéla Martin Scorsese en 1973.

As Tears Go By, un mélange de romance, d’action violente et d’immersion dans les quartiers modestes (appuyée par des extraits de chansons populaires), tourné en décors réels, s’il manque un peu d’unité, affiche une inventivité d’écriture cinématographique révélée par les cadrages, par le recours, notamment dans les scènes d’action, à divers procédés − ralenti, saccades obtenues par des prises à quelques dix images par seconde, montage en plans très courts −, toujours au service du récit, et par l’adaptation de la palette de couleurs en fonction du lieu et de l’ambiance.

Cette inventivité s’affirmera dans les films suivants et se retrouvera dans les chefs-d’oeuvre de Wong Kar-Wai, Chungking Express (Chung Hing sam lam, 1994), Happy Together (Chun gwong cha sit, 1997), In the Mood for Love (Fa yeung nin wah, 2000) et 2046 (2004).

As Tears Go By tire profit de la contribution du chef-opérateur Andrew Lau, futur réalisateur, avec Alan Mak, de Infernal Affairs (Mou gaan dou, 2002) et d’un trio de futures stars du cinéma de Hong Kong encore à leurs débuts : Maggie Cheung, Andy Lau et Jacky Cheung.

L’attente d’une ressortie vidéo de As Tears Go By, devenue introuvable, est comblée par The Jokers qui ajoute au catalogue français la première édition du film en HD et Ultra.

As Tears Go By (99 minutes) et son supplément (35 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-66 4K Ultra HD et sur un BD-25 logés dans un Digipack à deux volets, non fourni pour le test.

Le menu propose le film dans sa langue originale, le cantonnais, avec sous-titres imposés, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Entretien exclusif avec Charles Tesson (2023, 35’, HD). C’est le premier film de Wong Kar-Wai, qui avait, depuis son arrivée à Hong Kong en 1963 et après deux années passées dans les studios de télévision, écrit plusieurs scénarios, notamment pour Patrick Tam. As Tears Go By, une production indépendante, offre toutes les « qualités » d’un premier film, un mélange « très hétéroclite » de scènes intimes, de violence, de comédie, avec un regard sur la « trivialité » de Hong Kong. Il utilise les canons du cinéma hong-kongais des années 80, mais avec un style innovant, de subtils raccords par jeux de couleurs ou effets sonores, avec le concours d’Andrew Lau pour la photographie. William Chang, le directeur artistique, contribuera à de nombreux films de Wong Kar-Wai. Un des atouts du film est sa distribution, notamment avec Maggie Cheung dont la lente métamorphose est délicatement filmée… Une intéressante analyse illustrée par des extraits bien choisis.

L’image 2160p, HEVC - HDR10 (1080p, AVC sur le Blu-ray BD-25), au ratio originel 1.85:1, a été légèrement recadrée à 1.78:1. Une restauration, opérée par L’Immagine Ritrovata à partir d’un scan 4K du négatif original pour l’édition Criterion sortie en 2021, a soigneusement effacé les marques de détérioration de la pellicule et stabilisé la luminosité. L’affinage du grain, plus poussé dans certaines séquences, est généralement assez respectueux de la texture du 35 mm. Le réétalonnage par One Cool a ravivé les couleurs et souligné les changements de palette, chaude pour les extérieurs, plus froide et désaturée pour les intérieurs. Tout ce travail, d’une apparente cohérence, assure le confort du visionnage de tous les plans, y compris de ceux pris en très basse lumière.

Le son mono d’origine, encodé au format DTS-HD Master Audio 2.0 mono, après un nettoyage qui n’a laissé subsister qu’un faible souffle, suffisamment régulier pour se faire oublier, restitue clairement les dialogues avec un timbre légèrement étouffé. L’ambiance et l’accompagnement musical bénéficient d’une assez bonne dynamique.

Crédits images : © In-Gear Film Production