Docteur Folamour (1963) : le test complet du 4K UHD

Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb

4K Ultra HD

Réalisé par Stanley Kubrick
Avec Peter Sellers, George C. Scott et Sterling Hayden

Édité par Sony Pictures

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Le 11/07/2023
Critique

Réassort attendu en Ultra HD d’un impérissable chef-d’oeuvre du septième art, une bouffonnerie sur le thème sérieux du conflit nucléaire.

Docteur Folamour

Le général Jack Ripper, convaincu que les Russes ont décidé d’empoisonner l’eau potable des États-Unis, lance sur l’URSS une offensive de bombardiers B-52 en ayant pris soin d’isoler la base aérienne de Burpelson du reste du monde. Pendant ce temps, Muffley, le président des États-Unis, convoque l’état-major militaire dans la salle d’opérations du Pentagone et tente de rétablir la situation.

Docteur Folamour (Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb), un titre dont la longueur rappellera à beaucoup celui que choisira Woody Allen neuf ans plus tard pour son cinquième film, Everything You Always Wanted to Know About Sex (But Were Afraid to Ask), est le septième des treize longs métrages de Stanley Kubrick, presque tous des références du septième art.

Stanley Kubrick, quatre fois nommé à l’Oscar du Meilleur directeur ou du Meilleur film n’obtiendra pourtant qu’une récompense des Academy Awards, l’Oscar des meilleurs effets visuels en 1968 pour 2001 : L’Odyssée de l’espace (2001: A Space Odyssey). Docteur Folamour fut toutefois nommé pour l’Oscar du meilleur film qui revint, en 1965, à My Fair Lady de George Cukor.

Docteur Folamour est l’adaptation de Red Alert publié en 1958 par Peter George, romancier populaire au Royaume Uni, sur le même thème que Point limite (Fail Safe) de Sidney Lumet, un autre grand film, adapté d’un roman publié en 1962 par Eugene Burdick et Harvey Wheeler. La similitude du thème des deux films, le déclenchement accidentel d’une attaque nucléaire de l’URSS par les USA, incitera Kubrick à intenter un procès pour plagiat qui se dénouera hors du prétoire par le rachat des deux films par Columbia Pictures. Kubrick obtint que son film soit le premier à sortir, en janvier 1964. La sortie du film de Lumet sera repoussée à octobre. Une différence de taille entre les deux films : Dr. Folamour opte pour le ton de la farce avec des personnages affublés de noms grotesques, un choix du réalisateur, approuvé par le romancier.

Docteur Folamour

Docteur Folamour, près de soixante ans après sa sortie, garde tout son impact. Peut-être, en partie, parce que certains gouvernants, et pas des plus recommandables, continuent d’entretenir la crainte d’un conflit nucléaire.

In doubt, shoot first and ask questions afterwards!

Mais le film doit surtout son intemporalité à ses qualités intrinsèques, au caractère percutant et impertinent de ses dialogues, illustré par exemple par la consigne de tirer, au moindre doute, avant de poser des questions, donnée à sa division par le général Ripper, un complotiste avant l’heure, torturé par ses défaillances sexuelles et la préservation de la pureté de ses « fluides corporels ». Et aussi au soin accordé à la composition des cadres sur toute la profondeur du champ, à l’impact des éclairages, à l’efficacité du montage que Stanley Kubrick supervisait pour chacun de ses films.

Docteur Folamour tire un autre atout d’une solide distribution. Peter Sellers incarne trois personnages, le major Mandrake, adjoint du général Ripper, Merkin Muffley, le président des USA et, last but not least, le Docteur Strangelove (inutilement rebaptisé Folamour pour la distribution du film en France, en Belgique et au Québec), un savant fou au fort accent allemand avec un bras mécanique dont il ne peut réprimer les saluts hitlériens. Il aurait pu incarner un quatrième personnage, le major ‘King’ Kong, pilote de B-52, si une foulure de la cheville ne l’en avait pas empêché. On ne peut aussi qu’être convaincu par la performance de Sterling Hayden en général Ripper et, surtout, par celle de George C. Scott, au mieux de sa forme sous l’uniforme du général Turgidson.

Docteur Folamour, pour son humour inusable, pour son récit rythmé, sans temps mort, au diapason de la composition originale de Laurie Johnson et de ses joyeuses variations sur la marche militaire When Johnny Comes Marching Home, et pour ses beautés formelles reste un impérissable jalon du cinéma universel.

On attendait donc impatiemment ce réassort de la première édition UltraHD sortie en 2021 sur deux Blu-ray, BD-66 et BD-50, vite épuisée.

Docteur Folamour

Présentation - 2,0 / 5

Docteur Folamour (95 minutes) et ses suppléments (119 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-66 logé dans le traditionnel boîtier noir.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’anglais, avec le choix entre le format audio mono d’origine DTS-HD Master Audio 1.0 et un remixage multicanal DTS-HD Master Audio 5.1, et un doublage en six langues, dont le français, au format Dolby Digital 5.1.

Sous-titres dans 28 langues, dont le français (et l’anglais standard et pour malentendants).

Bonus - 3,0 / 5

Stanley Kubrick parle de la bombe (6’, 2009). Le réalisateur s’est beaucoup documenté sur le risque d’un conflit nucléaire, une crainte largement ressentie pendant la guerre froide, ce que confirme Eric Schlosser, journaliste d’investigation, auteur de Command and Control publié en 2013. Un de ses détracteurs vit le film comme « une propagande anti-américaine que tout l’or de la Russie n’aurait pas pu payer ».

Les autres suppléments sont repris de l’édition Criterion sortie en 2016. Ils étaient présents dans la deuxième édition Blu-ray de 2021, avec d’autres accompagnant une édition Sony Pictures ede 2009.

Entretien avec Mick Broderick (19’), auteur de Reconstructing Strangelove: Inside Stanley Kubrick’s « Nightmare Comedy ». Dr. Strangelove est le premier film dont Stanley Kubrick assure la production, au moment où émerge un cinéma indépendant des studios de Hollywood, sous l’impulsion de cinéastes comme Stanley Kramer, John Cassavetes… Stanley Kubrick a tenu à donner l’aspect d’une comédie noire au thriller original, pour une illustration du paradoxe de la nature humaine : l’enrichissement des connaissances coexistant avec des pulsions annihilatrices.

Entretien avec Joe Dunton et Kelvin Pike (12’). Caméraman et cadreur, ils se souviennent de la connaissance de la photographie qu’avait Stanley Kubrick, « le plus grand bidouilleur de lumière de tous les temps ». Les prises ont été faites avec deux caméras, la lourde Mitchell BNC et la légère Arriflex IIC.

Entretien avec Richard Daniels (14’). Spécialiste de Kubrick, il souligne que le personnage secondaire du Dr. Strangelove, absent du roman Red Alert, a pourtant été finalement choisi pour le titre du film. De nombreuses variations du scénario initial témoignent de la perpétuelle recherche d’inventivité de Stanley Kubrick. L’attention qu’il prêtait aux réactions des spectateurs confirme son attachement à réaliser des films pouvant attirer un large public.

Docteur Folamour

Entretien avec David George (11’). Le fils de Peter George, auteur de Red Alert, paru en1958, et coscénariste du film, rappelle que son père reçut en 1961 une lettre de Stanley Kubrick indiquant son souhait d’adapter le roman en film et accepta que le scénario, auquel contribua Terry Southern, prenne une tournure comique.

Entretien avec Rodney Hill (17’). Enseignant à la Lawrence Herbert School of Communication Hofstra University, il souligne que le film, sorti juste après la crise des missiles de Cuba, ajoutait à son actualité une dimension symbolique, sur la condition humaine, sur la dualité des hommes partageant les mêmes caractéristiques anatomiques, physiologiques et psychologiques. Les personnages revus par Stanley Kubrick sont tous des anti-héros ou des héros ratés, dans un film parsemé d’imageries sexuelles.

Une déclaration de Stanley Kubrick (enregistrée en 1965, 2’50”). L’idée du film lui est venue pendant le tournage de Lolita, au moment de la crise de Berlin. Il a consacré beaucoup de temps au scénario avec Terry Southern qui a rejoint le projet six mois avant le début du tournage. La réalisation n’est qu’un tiers de la création d’un film, le reste est consacré à l’écriture du scénario et des dialogues, ainsi qu’au montage.

Peter Sellers dans le Today Show (11’, 1980). Ses rôles préférés sont les deux qui lui ont valu d’être nommé aux Oscars, ceux du Dr. Strangelove et du jardinier dans Bienvenue, Mister Chance (Being There, Hal Ashby, 1979). Il rappelle son parcours, de la musique au cinéma en passant par le théâtre et imite plusieurs accents cockneys, puis l’accent américain…

George C. Scott dans le Today Show (6’, 1980 ?). Une rémunération insuffisante l’a conduit à mettre fin à une première expérience de journaliste et à s’orienter vers le théâtre. La perte de vie privée, revers du beau métier d’acteur, lui a plusieurs fois donné l’envie d’arrêter. S’il est moins passionné qu’au début, il estime s’être bonifié en 35 ans.

Bobine de démonstration (17’). Un condensé du film avec quelques résumés du scénario entre des extraits de scènes. On peut questionner l’intérêt de ce complément.

Bande-annonce (3’23”).

On reste, pour les bonus, toujours sur notre faim, dans l’attente d’une édition définitive avec un commentaire audio du film et des analyses critiques.

Docteur Folamour

Image - 4,5 / 5

L’image au ratio originel de 1.66:1, soigneusement restaurée, est très propre et stable. L’encodage HEVC - HDR10 affermit agréablement les contrastes, entre des blancs lumineux er des noirs denses. La définition est au mieux de ce qu’on attend d’un film 35 mm, ce qui permet d’apprécier le travail du réalisateur sur la profondeur de champ, particulièrement dans les plans larges de la war room du Pentagone. Le grain argentique, assez fin et homogène, a été préservé.

Docteur Folamour

Son - 4,5 / 5

Le son, très propre lui aussi, pratiquement sans souffle, est proposé sous deux encodages, le mono d’origine au format DTS-HD Master Audio 2.0 et un remixage DTS-HD Master Audio 5.1 qui, sans dénaturer artificiellement la bande originale, aère l’accompagnement musical, donne plus de présence à l’ambiance et génère, à quelques occasions, une discrète sensation d’immersion dans l’action.

Le doublage en français, compressé au format standard Dolby Digital 5.1, n’a pas été pris en compte pour l’attribution de la note, mais fait assez honnêtement le job malgré un petit manque de naturel.

Crédits images : © Columbia Pictures Industries

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 12 juillet 2023
Pour son traitement irrévérencieux d’un thème angoissant, pour son récit sans temps mort, rythmé au diapason de sa musique originale et pour ses beautés formelles, ce film reste, soixante ans après sa sortie, un impérissable jalon du cinéma universel.

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Docteur Folamour
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