Réalisé par Philippe de Broca
Avec
Jean-Paul Belmondo, Jacqueline Bisset et Vittorio Caprioli
Édité par Studiocanal
Bob Saint-Clar, l’as des services secrets français, est dépêché au Mexique pour déjouer les plans funestes du colonel Karpof, chef des services secrets de la République populaire d’Albanie… C’est le début du quarante-troisième mauvais roman d’espionnage qu’est en train d’écrire François Merlin, quadragénaire et divorcé, dans son appartement défraîchi de la rue des Tournelles, dans le Marais. Trois étages au-dessus, Christine, étudiante anglaise en sociologie, emprunte à François son premier roman, Panique rouge en Alaska. Sa lecture lui donne l’idée de faire du héros de romans de gare Bob Saint-Clar le sujet de sa thèse…
Le Magnifique, sorti en novembre 1973, est un des 36 longs métrages réalisés par Philippe de Broca (1933-2004) pour le grand et le petit écran. Après des débuts difficiles, il conquiert le grand public avec Cartouche (1962) et L’Homme de Rio (1964), deux de ses cinq films avec Jean-Paul Belmondo en tête d’affiche, en comptant Les Tribulations d’un chinois en Chine (1965) et L’Incorrigible (1975). Cinq oeuvres à mettre en tête de sa filmographie avec Le Diable par la queue (1969), derrière Le Roi de Coeur (1966), pour moi son chef-d’oeuvre.
Elles commencent à me pomper l’air avec leur Bob Saint-Clar !
Le Magnifique met en image un scénario dont la première version, écrite par Francis Veber (qui refusa que son nom apparaisse au générique), fut remaniée par Jean-Paul Rappeneau, Vittorio Caprioli et le réalisateur pour ajouter une romance en étoffant le personnage de Christine. La parodie des films de James Bond s’affiche dès la première scène quand un hélicoptère agrippe une cabine téléphonique pour donner en pâture à un requin un agent secret français. Mais le principal ressort comique du film reste la confusion entre le réel et l’imaginaire, le contraste entre le personnage de François Merlin et sa projection en Bob Saint-Clar : le quadragénaire essoufflé par la tabagie, mal rasé, en charentaises éculées et le héros arrogant et séduisant sorti de son imagination.
Deux, voire quatre Jean-Paul Belmondo pour le prix d’un !
Chacun des deux personnages est dédoublé : François Merlin est transformé quand son attirance pour Christine ravive la fougue de sa jeunesse. Et Bob Saint-Clar devient un loser ridicule quand son créateur décide de le remettre à sa place, exaspéré par le pouvoir de séduction qu’exerce le macho hâbleur sur les femmes. Au plus fort du ressentiment de François, Bob Saint-Clar sera jeté à la fosse commune après avoir été amputé d’une jambe gangrenée !
Jean-Paul Belmondo, la bride sur le cou, surjoue délibérément les quatre personnages : « Ne rien faire, c’est quand même plus facile que d’en faire beaucoup », confie-t-il sur le plateau. Deux autres acteurs tiennent un double rôle : Jacqueline Bisset, celui de Christine et celui de Tatiana, l’espionne secondant Bob Saint-Clar. Vittorio Caprioli interprète Charron, l’éditeur de François Merlin et le détestable Karpof.
Le Magnifique est truffé de bonnes trouvailles. François Merlin peste parce que sa machine à écrire ne tape plus les « r », ce qui conduit aussitôt Bob Saint-Clar à parler créole. Les gags visuels se succèdent à bon rythme, au fur et à mesure que les imagine François Merlin en tapant sur sa machine : des rafales de kalachnikov transforment en passoire un électricien et un plombier qui n’ont pas réparé son chauffe-eau. La cervelle d’une des ennemis de Bob Saint-Clar finit dans une assiette posée sur une nappe à carreaux Les personnages lui signalent l’incohérence d’un passage du roman…
L’édition proposée, la première en Ultra HD est techniquement parfaite. Un carton fait état d’une restauration pour Studiocanal par L’Image Retrouvée à partir d’un scan 4K du négatif original 35 mm et du négatif son, sans en indiquer la date.
Cinquante ans après sa sortie, Le Magnifique reste un bon divertissement, agréablement accompagné par la musique originale écrite, orchestrée et dirigée par Claude Bolling qui allait asseoir en 1974 sa réputation de compositeur de musique de films avec Borsalino & Co..
Le Magnifique (94 minutes) est proposé sur deux Blu-ray, un 4K UHD BD-66 et un BD-50. Le commentaire audio est supporté par les deux disques, une partie des suppléments (17 minutes) par le disque UHD. Le Blu-ray BD-50 y ajoute deux compléments d’une durée cumulée de 45 minutes. Les deux disques sont logés, avec un livret de 24 pages, dans un Digipack à deux volets, glissé dans un étui.
Le menu propose le film en français et dans un doublage en allemand, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.
Piste d’audiodescription DTS-HD Master Audio 2.0.
Sous-titres pour malentendants et sous-titres allemands.
Pas d’édition DVD.
Dans le livret de 34 pages, Guillemette Odicino (Télérama) rappelle le parcours du scénario adressé par Francis Veber à Jean-Paul Belmondo qui le transmet au producteur Alexandre Mnouchkine qui le propose à Philippe de Broca. Dans son analyse du film, elle souligne les points communs de Jean-Paul Belmondo et Philippe de Broca, « l’obsession de légèreté et un besoin de vitesse ». La romance introduite dans le scénario confirme que « la plus belle aventure reste l’amour ». Reçu tièdement par la critique, Le Magnifique attirera 3 millions de spectateurs.
Commentaire audio (DTS-HD Master Audio 2.0) par Philippe de Broca et Jérôme Wybon, enregistré pour la première édition DVD sortie par Studiocanal en octobre 2000. Les scènes avec François Merlin ont été tournées à Paris, dans le décor réel d’un appartement du Marais et au Jardin des Plantes, après celles avec Bob Saint-Clair, filmées au Mexique. Philippe de Broca donne un coup de chapeau à chacun des acteurs disparus, Vittorio Caprioli, Mario David, Hubert Deschamps, André Weber. Il souligne les transitions recherchées pour passer du réel à la fiction, dit préférer la comédie à l’action. Certaines scènes le font encore rire, sans l’empêcher de jeter un regard critique sur le film dont le titre d’abord envisagé, Raconte-moi une histoire, fut remplacé par Comment détruire la réputation du plus célèbre agent secret du monde puis par Le Magnifique, les titres longs n’étant soudainement plus à la mode…
Présentation du film par Michel Gondry (Studiocanal, 2013, 8’). « Un film qui m’a donné envie d’en faire autant (…) un cinéma universel », sans prétention, pour moi « une référence inconsciente ». Il rapproche Le Magnifique et Le Locataire (The Tenant) de Roman Polanski, le personnage de François et Gaston Lagaffe. Jean-Paul Belmondo, avec sa dégaine de macho qui ne se prend pas au sérieux, s’accorde parfaitement au genre de la comédie d’aventure.
Comment détruire la réputation du plus célèbre agent secret (Studiocanal 2013, 37’). Olivier Rajchman, historien du cinéma, auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma, dont Delon/Belmondo : L’Étoffe des héros (Timée Éditions, 2010), Henri Lanoë, monteur du film, et Jean-Paul Rappeneau évoquent la genèse et le tournage du film, les tensions entre Philippe de Broca et Jean-Paul Belmondo, devenu producteur. Avec ses cocasseries, l’histoire « d’un homme face à une page blanche qui devient son propre héros et se propulse dans l’imaginaire » fait la force du film qui connut un grand succès public en France et à l’étranger…
Belmondo agent secret : tournage du film - archive de l’émission Pour le cinéma (INA, 1973, 1.33 :1, noir et blanc, 5’). Commentaire de plans du tournage au Mexique, répétitions, interviews…
Sur le tournage (12’). Philippe de Broca affirme son intention d’amuser le public et Jean-Paul Belmondo surenchérit : « Je fais des films pour distraire les gens et ça s’arrête là ». De nombreuses redites entre ce documentaire et le précédent.
On regrettera qu’à tous ces compléments, repris d’éditions précédentes, ne s’ajoute pas, en guise de cadeau d’anniversaire, un regard critique porté sur le film cinquante ans après sa sortie.
L’image 2160p, 4K HEVC - Dolby Vision, HDR10 (1080p, AVC, sur le BD-50), au ratio d’origine de 1.66:1, soigneusement débarrassée de toute marque de dégradation de la pellicule, lumineuse, bien contrastée avec des noirs denses, offre une fine résolution et des couleurs ravivées, délicatement étalonnées. La préservation d’un grain fin et homogène respecte la texture du 35 mm.
Le son mono d’origine, restauré à partir du négatif son, encodé au format DTS-HD Master Audio 2.0 sur les deux disques, d’une étonnante propreté, sans le moindre souffle, restitue très clairement les dialogues, donne une bonne présence à l’ambiance, notamment dans les scènes de fusillade, et met en valeur l’accompagnement musical de Claude Bolling, délivré sans saturations.
Crédits images : © Maurice Chapiron - Studiocanal - Cerito René Chateau, Films Ariane, Mondex Films, Oceania, Rizzoli Films