Réalisé par Pier Paolo Pasolini
Avec
Hugh Griffith, Laura Betti et Ninetto Davoli
Édité par Carlotta Films
Un an après l’illustration du recueil des contes de Giovanni
Boccaccio, Il decameron, Pier Paolo Pasolini s’attache,
en 1971, à réaliser une évocation des Contes de Canterbury,
écrits par Chaucer au cours de la seconde moitié du XIVe
siècle, quelques années seulement après Il decameron.
Il choisit huit contes, destinés à distraire les voyageurs sur
la route de Canterbury.
Le conte du marchand, nous dit l’histoire d’un riche
commerçant, January (solidement campé par Hugh Griffith, avec
son oeil égrillard) qui, réalisant son grand âge, décide de se
marier. Mais ni à une femme instruite, ni à une vieille femme
de 30 ans, mais à une toute jeune. Il pense toutefois que May
(délicieusement interprétée par Josephine Chaplin) est
beaucoup trop jeune pour faire une épouse. Mais il se ravise
aussitôt qu’il aperçoit… les fesses de la pucelle ! Pour son
infortune, il n’est pas tombé sur une oie blanche ; de plus,
il devient aveugle. La jeune épouse a vite fait de profiter de
la situation et de s’abandonner aux étreintes de Damien, un
jeune et beau soupirant. Mais la cécité de January n’était que
passagère et il surprend les deux tourtereaux dans une
position sans équivoque. Pourtant, May a la présence d’esprit
de le convaincre qu’il a eu une hallucination, comme cela
arrive souvent… aux aveugles qui recouvrent la vue !
Dans le conte du cuisinier, Ninetto Davoli (qui joue dans
chacun des trois volets de la Pier Paolo Pasolini - La Trilogie de la vie : Le Décaméron + Les Contes de Canterbury + Les Mille et une nuits),
rend un hommage explicite à Charlie Chaplin, en interprétant
Perkin, un vagabond farceur, qui conduit inexorablement tous
ses poursuivants à un plongeon dans la rivière au moment où
ils croient mettre la main sur lui.
Pasolini fait une lecture sans fard d’une oeuvre ribaude en
diable où l’on rote et l’on pète sans vergogne, où les mauvais
penchants de la nature humaine et son formidable appétit pour
la vie sont crûment exposés. C’est Pasolini lui même, dans la
peau de Chaucer, qui assure la transition entre deux contes.
« Les contes de Canterbury » sont de la même veine que ceux du
« Decameron », encore un peu plus truculents, avec plus de
fantaisie dans les costumes, étincelants de mille couleurs. Le
tout filmé en Angleterre, en décors naturels.
Un grand coup de chapeau à Carlotta Films pour la superbe
présentation du digipack, illustré de photos dans un camaïeu
de tons lie-de-vin, reprises sur la sérigraphie des disques
et, avant tout, pour la qualité de la restauration !
Pas la moindre anicroche avec les menus, clairs et
esthétiques. Le découpage en 10 chapitres, avec vignettes
animées et sonorisées, permet d’accéder sans faillir au conte
de son choix. On peut, à la volée, passer de l’italien au
français, afficher ou masquer les sous-titres français.
Un magnifique hommage à Pasolini, dans une belle édition, du
niveau de celle de Salò ou les 120 jours de Sodome, due au même éditeur.
La version anglaise s’impose, sans l’ombre d’un doute. C’est
dans cette langue que le film a été tourné, y compris par les
acteurs italiens.
L’ami pasolinien : Entretien avec Ninetto Davoli
(11’19” - VOST). Cet entretien en italien, illustré de scènes
du film, réalisé par Amaury Voslion en 2002, est l’élément
essentiel des suppléments, hélas trop chiches pour un film de
cette importance. N’oublions pas, cependant, que le meilleur
cadeau est la remastérisation quasi-irréprochable du film.
Ninetto Davoli, un des acteurs fétiches de Pasolini et son ami
de toujours, nous raconte comment il a évoqué, sans le singer,
le « Tramp », le fameux personnage incarné par Charlot et
combien les compliments de Josephine Chaplin sur la qualité de
sa prestation lui sont allés droit au coeur.
Diaporama de photos (1’57”). Une intéressante sélection
de photos extraites du film et de photos de plateau, en noir
et blanc et en couleurs, sur fond sonore de chansons
napolitaines.
Bande-annonce d’époque en VOST (4’33”).
Restauration correcte : la propreté de la photo, un bon rendu, très stable, des couleurs (un peu plus flatteuses que celles du Decameron), rendent un hommage mérité au soin méticuleux qu’apportait Pasolini à la composition de l’image. On pardonnera une méchante zébrure qui parasite l’écran à 50’48”.
Le son mono d’origine est honnête, malgré quelques saturations occasionnelles. La version anglaise, dite « officielle », est de meilleure qualité que les autres versions, en particulier de la version italienne, dite « originale », desservie par le timbre métallique des voix.