Le Prix à payer (2014) : le test complet du DVD

The Price We Pay

Réalisé par Harold Crooks
Avec Thomas Piketty, Pascal Saint-Amans et Nicolas Shaxson

Édité par ARP Sélection

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Le 06/10/2015
Critique

Le prix à payer

Économistes, hommes politiques, fiscalistes, sociologues et journalistes exposent, tour à tour, les dérives de la finance et les pratiques mises en oeuvre par les grands groupes pour  » optimiser  » leur charge fiscale.

Le Prix à payer (The Price We Pay), sorti en salles en février 2015, est un documentaire écrit et réalisé par l’écrivain et documentariste canadien Harold Crooks, auteur de plusieurs documentaires contestataires dont The Corporation qui dénonçait en 2003 le manque d’humanisme des entreprises.

La globalisation de la finance remonte au début des années 50 quand, au moment de la chute de l’Empire britannique, la City de Londres profitant de lacunes dans la réglementation, ouvrait le marché de l’euro-dollar : la monnaie américaine pouvait alors être traitée hors des contraintes en vigueur aux États-Unis et, n’étant pas la monnaie de la couronne, à l’écart de celles gouvernant la Grande Bretagne. La City de Londres, symbolisée par un griffon, soucieuse depuis Guillaume Le Conquérant de conserver son indépendance, est devenue le premier paradis fiscal en se maintenant comme une place d’extraterritorialité financière. Elle donnera aussi à d’autres paradis fiscaux : les Îles Anglo-normandes, les Îles Cayman, les Bermudes, les Bahamas, Singapour…

Le Prix à payer épingle certaines des conséquences de cette dérégulation. Le Guatemala n’encaisse qu’un faible revenu de l’exportation de sa production de bananes, vendue aux Îles Cayman qui la revendent, avec une marge importante, sur le marché américain. Des grosses corporations peuvent, en s’insinuant dans les failles des diverses réglementations nationales, choisir le pays où elles paieront l’impôt, pas nécessairement celui dans lequel les profits sont générés. Cette séparation entre lieu d’activité économique et lieu de taxation des profits est aujourd’hui rendue plus facile pour l’économie numérique. Sont mises sur la sellette, face à des parlementaires à Washington et à Londres, Amazon et Apple.

Apple, nous dit-on, génère en Californie 95% de ses profits dont les deux tiers sont imposés en Irlande, attirés par un taux d’imposition des plus bas : 12,50% ! L’essentiel des profits tirés par Amazon.co.uk est imposé… au Luxembourg ! Les états concernés par cette évasion fiscale sont contraints à réduire leurs dépenses au détriment de la protection sociale à laquelle ils contribuent largement.

Le prix à payer

Les explications de mécanismes, parfois complexes, paraîtront assez claires à ceux qui voudront bien écouter attentivement les intervenants qui se succèdent, mais dans certaines limites. L’un d’eux rappelle une blague qui a cours dans les milieux financiers :  » Ceux qui savent n’en parlent pas. Ceux qui en parlent sont ceux qui ne savent pas « .

On peut reprocher au documentaire la redondance de certaines interventions ou, à l’inverse, y voir une nouvelle chance de mieux comprendre tel ou tel mécanisme. En revanche, quelques graphiques ou tableaux auraient été d’utiles substituts à certaines énumérations de chiffres.

Un autre reproche tient à la largeur de son champ d’investigation qui effleure aussi un problème connexe, celui de la volatilité des transactions : alors que, dans le passé, un actionnaire pouvait conserver des titres pendant des années, certaines transactions peuvent aujourd’hui être déclenchées par les algorithmes entrés dans des ordinateurs et se succéder à un rythme accéléré (quelques dixièmes de seconde !), en décrochage complet avec l’économie réelle.

Comment remettre de l’ordre dans tout ça ? Comment reconstituer une éthique de la finance ? La réponse est unanime : harmoniser les réglementations nationales.

Voilà qui est dit. Voilà qui ne se fera pas ! Et ce qui limite aussi l’intérêt pratique du documentaire. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer la zone euro, constituée depuis 1999, date à laquelle ont été fixées les parités des monnaies des pays de l’Euroland. La normalisation des règles fiscales est restée un voeu pieux. Pire encore, les divergences ont continué de s’aggraver au fil de ces quinze dernières années.

Et comme  » trop d’impôt tue l’impôt « , confrontés à d’énormes enjeux, les grands groupes internationaux pourront difficilement résister au chant des sirènes de l’optimisation fiscale, appellation positive de l’évasion fiscale, dès lors qu’elle reste légitime, à défaut d’être morale.

Le prix à payer

Édition - 7 / 10

Test effectué sur check disc. Le DVD-9 est logé dans un keep case. Le menu fixe et musical donne le ton agressif du documentaire en affichant un pistolet avec un rouleau de billets de 100 dollars canadiens dans le canon ! Le documentaire est proposé dans sa seule version originale, principalement en anglais avec quelques entretiens en français. Sous-titres français imposés.

Seul bonus : une bande annonce.

L’image (1.78:1) est précise, très lissée, correctement étalonnée.

Le son Dolby Digital 5.1, propre et précis, tire un parti très limité des possibilités du multicanal, sans gêne aucune pour un film composé presque exclusivement d’entretiens individuels. On relève quelques problèmes de synchronisation, par exemple à partir de 82’10”.

Le prix à payer

Crédits images : © ARP Sélection

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
7 / 10
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Philippe Gautreau
Le 6 octobre 2015
Cet intéressant documentaire canadien expose clairement comment la globalisation de la finance a permis aux groupes internationaux "d’optimiser" leur fiscalité, autrement dit de soustraire une grande partie de leurs profits aux taxes en vigueur dans les pays où ils sont générés. Des pratiques pourtant légales, à défaut d’être morales…

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