Réalisé par Stephan Komandarev
Avec
Vassil Vassilev, Ivan Barnev et Assen Blatechki
Édité par Rezo Films
Sofia, de nos jours. Misho dirige une petite entreprise en difficulté et conduit un taxi « pour payer l’électricité ». Le banquier avec lequel il a rendez-vous pour la mise en place du prêt de 800 000 leva qui lui permettra d’éviter la faillite lui annonce que le pot de vin a été doublé à 200 000 leva. Misho ne pouvant pas verser une telle somme, l’homme donne au téléphone des instructions pour que tous ses biens soient immédiatement saisis et sa famille jetée à la rue. Misho tue le banquier et se suicidera. Le soir même, cinq chauffeurs de taxi prennent en charge plusieurs clients pendant que la radio diffuse les réactions au meurtre du banquier…
Taxi Sofia (Posoki, soit « directions ») est le cinquième long métrage de fiction du Bulgare Stephan Komandarev, coauteur du scénario. Après la séquence introductive de la confrontation entre Misho et le banquier, le film propose, sur la trame d’un chassé-croisé qu’avait retenue Robert Altman pour Short Cuts - Les Mméricains, une dizaine de sketches, chacun durant le temps d’une course nocturne, à bord de cinq taxis de Sofia.
Taxi Sofia montre fait défiler des personnages différents. Des clients, un chirurgien exilé à Hambourg, un homme volage et sa maîtresse, un prof de philo suicidaire, une lycéenne qui se prostitue… Et des chauffeurs de taxi dont certains exercent aussi un autre métier. L’un d’eux propose même de bonnes affaires à ses clients : une grosse remise sur des chaussures de marque ôtées à des morts par des fossoyeurs !
On est Dieu dans ce pays : nous écrivons les lois !
Les réactions à l’affaire du meurtre du banquier et les conversations avec les clients révèlent la situation délicate de la Bulgarie : une corruption instituée en système dont profitent ceux qui ont le moindre pouvoir de décision, des pensions misérables obligeant des retraités à faire les poubelles pour survivre, un chômage endémique poussant des femmes, certaines très jeunes, à se prostituer, des immeubles collectifs jamais entretenus… Pourtant, d’après une statistique, le pays rassemble la plus forte proportion d’optimistes : les pessimistes et les réalistes doivent être parmi ceux (un tiers de la population) qui ont émigré !
Sans grand discours, par une série de petites touches en pointillé, Taxi Sofia esquisse un tableau bien sombre, voire cauchemardesque, des conditions de vie offertes par le pays, non seulement aux plus défavorisés, mais aussi aux diplômés, à certains de ses fonctionnaires…
Taxi Sofia réserve quelques imprévus dramatiques, l’altercation entre un client et un chauffeur qui a multiplié par cinq le prix d’une course ou d’improbables retrouvailles, après trente ans, fournissant à une femme l’opportunité inespérée d’un règlement de compte.
Taxi Sofia, outre la structure très particulière de son scénario, présente une autre originalité : chacun des épisodes est filmé en un seul plan-séquence. Un tour de force techniquement réussi.
Taxi Sofia, présenté dans la sélection Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, le second film de Stephan Komandarev distribué en France après The World Is Big (Svetat e golyam i spasenie debne otvsyakade), sorti dans nos salles en 2010, confirme le talent d’un réalisateur dont on aimerait découvrir les autres réalisations.
Taxi Sofia (99 minutes) tient sur un DVD-9 logé dans un boîtier non fourni pour le test. Un menu animé et musical propose le film dans sa version originale au format Dolby Digital 5.1, avec sous-titres incrustés dans l’image qui auraient pu être mieux placés, sur la bande noire.
Aucun bonus, juste la bande-annonce de Wally, Tom of Finland, Le Portrait interdit et Simon et Théodore.
L’image (2.35:1) sans défauts de compression, idéalement contrastée, avec des couleurs saturées, est d’une remarquable précision, y compris dans les scènes de nuit qui occupent la part la plus importante du métrage.
Le son DTS-HD Master Audio 5.1 assure la clarté des dialogues, dans un bon équilibre avec l’accompagnement musical, diffusé de temps à autre par la radio des taxis. L’ambiance est restituée avec une assez satisfaisante sensation d’immersion.
Crédits images : © Selma Linski