Invasion (2017) : le test complet du DVD

Hojoom

Réalisé par Shahram Mokri
Avec Abed Abest, Elaheh Bakhshi et Babak Karimi

Édité par Damned Films

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Le 03/05/2019
Critique

Dans une zone grise entre thriller, science-fiction et fantastique, cet étouffant huis-clos iranien a été filmé en un seul plan-séquence !

Invasion

Les ténèbres règnent depuis trois ans. Une partie de la Terre est privée de soleil. Une barrière a été dressée pour lutter contre l’immigration illégale depuis les ténèbres. De nombreuses maladies sont apparues. L’une d’entre elles alerte les autorités. Accusé du meurtre de son ami Saman, Ali est conduit sur le lieu du crime pour la reconstitution.

Invasion, le troisième long métrage du réalisateur iranien Shahram Mokri, né en 1978, sorti quatre ans après Fish & Cat (Mahi va gorbeh, 2013, édité par Damned Films sur DVD en novembre 2018), a été présenté en 2018 à Berlin et à L’Étrange Festival, au Forum des Images et est sorti dans nos salles en octobre dernier.

Invasion, dans une zone grise entre thriller, science-fiction et fantastique, est un étouffant huis-clos, filmé dans un gymnase, envahi par une vapeur de bain turc, sous des éclairages colorés, allant du vert et rose fluo au bleu pastel et au gris pâle.

Shahram Mokri avait filmé Fish & Cat en un seul plan-séquence de… 2h14 ! Il relève à nouveau le défi pour Invasion qu’il a tourné, nous dit-il dans le débat joint en bonus, en seulement trois prises. La caméra portée suit une douzaine d’hommes et une femme, les protagonistes de la reconstitution d’un meurtre, dans des couloirs, des vestiaires, des escaliers, pour se retrouver souvent au centre géométrique de l’action, une salle de basketball.

Invasion ne manquera pas de susciter des réactions diverses : un étonnement admiratif pour la maîtrise de la mise en scène, le fruit d’une minutieuse préparation et de longues répétitions sur les lieux de tournage.

Mais un scénario abscons, encore compliqué par un brouillage de la chronologie avec des boucles ramenant à des scènes déjà vues et par l’ambiguïté entretenue des personnages, pourra aussi lasser le spectateur moins sensible au pouvoir hypnotique de la mise en scène.

L’obligation de composer avec la censure (l’autorisation de tournage est donnée par une première commission et une seconde doit permettre la distribution du film) pousse-t-elle à laisser de grandes zones d’ombre dans le récit ? Probablement, mais pas au point d’empêcher quiconque de faire le rapprochement entre l’univers quasi-carcéral du gymnase et l’oppression exercée en Iran par le régime islamiste toujours au pouvoir après quarante ans.

Invasion confirme la maîtrise acquise par Shahram Mokri d’une écriture filmique incomparable… et sophistiquée.

Invasion

Présentation - 3,5 / 5

Invasion (95 minutes, et non 104 comme indiqué au dos du digipack) et ses suppléments (59 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un fin digipack (6 mm).

À l’intérieur de la couverture, comme dans toutes les éditions Damned Films, un texte de la main du réalisateur, ici un poème en persan (avec sa traduction) : « Tous mes films débouchent dans le même océan / Ce sont des fleuves dont les cours sinueux empruntent des tours / Des détours et des boucles, parfois à contre-courant /Mais ils finissent par se jeter dans le même océan. »

Le menu fixe et muet propose le film dans sa version originale au format audio Dolby Digital 2.0 stéréo, avec sous-titres optionnels en français ou en anglais qui auraient pu être placés plus bas sur la bande noire.

Invasion

Bonus - 4,5 / 5

Débat avec le réalisateur Shahram Mokri au Forum des Images (28’). À partir d’un premier jet écrit par le réalisateur, le scénario évolue au cours d’une suite d’échanges avec la coscénariste. Il reconnaît l’influence des jeux vidéo, mais son propos était de laisser hors champ les informations sur le drame. Trois prises ont suffi pour tout le métrage, ce qui a impliqué, comme pour Fish and Cat, de longues répétitions avec des acteurs issus du théâtre, habitués à cet exercice. Le film a une signification politique. La question du genre, masculin/féminin, est centrale dans la société iranienne qui interdit la mixité dans un gymnase. L’intrusion d’une femme va d’ailleurs y semer le désordre. D’autre part, l’homme et la femme cherchent à échapper par l’amour à l’environnement violent dans lequel ils sont enfermés. Invasion a pu franchir les obstacles de la censure, mais les ennuis sont venus quand, avec son personnage transgenre, le film a été nommé à Berlin pour le Teddy award, un prix décerné par un jury international composé d’organisateurs de festivals de films gays et lesbiens. Invasion est la représentation d’une forme théâtrale ancestrale en Iran, un jeu de rôles improvisé sur la reconstitution d’un meurtre.

Andosi (Ando-C, court métrage, 2007, 16’, couleurs, 1.78:1 en 4/3, Dolby Digital 2.0 stéréo, en persan, avec sous-titres anglais), « inspiré par les tableaux de M.C. Escher et en hommage à Mike Figgis et son film Timecode », précise le générique. Une jeune femme en robe de mariée, allongée dans l’herbe, apparemment inconsciente, se réveille et se lève. Elle est dans un jardin entourant une maison avec plusieurs tables vides. L’écran se divise en deux, puis en trois, enfin en quatre pour accueillir, un par un, trois autres personnages que la caméra suivra en un plan-séquence, avec des boucles temporelles…

Limit of Circle, court métrage (2005, 15’, 1.33:1, Dolby Digital 2.0, en persan sous-titré). Un homme vomit dans des toilettes. La caméra suit un autre homme qui lui jette une serviette, arpente un couloir, descend dans des escaliers, entre dans une salle et demande du sucre à une femme assise derrière un bureau. La caméra quitte l’homme pour en suivre un autre, etc. À plusieurs reprises, au long d’un unique plan séquence, on revient en arrière dans le temps avec des scènes déjà vues, mais sous un autre angle. À la dernière image, le film reprend à son début, en boucle. Une mise en scène inventive et brillante !

Invasion

Image - 4,5 / 5

L’image (2.35:1) précise, bien contrastée, avec des noirs denses, propose, hors des plans avec des éclairages colorés, une palette de couleurs assez froides. Aucun défaut de compression n’est visible, y compris dans les volutes de vapeur.

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby Digital 2.0 stéréo restitue dans un bon équilibre les dialogues et l’ambiance, avec une réverbération liée au lieu de tournage, un gymnase. Le décodage DPL2 du signal crée une sensation d’immersion dans l’action, plus spectaculaire que réaliste.

Invasion

Crédits images : © Damned Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 3 mai 2019
Cet oppressant huis-clos confirme la maîtrise acquise par le cinéaste iranien Shahram Mokri d’une écriture filmique incomparable… et sophistiquée.

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