Réalisé par Nanni Moretti
Avec
et Nanni Moretti
Édité par Le Pacte
Des personnes de tous horizons témoignent en 2018 du coup d’état conduit par le général Pinochet le 11 septembre 1973 et de la répression qui s’ensuivit. Plusieurs centaines de Chiliens ont pu se réfugier à l’ambassade d’Italie, l’une des dernières à leur accorder l’asile politique.
Quelle mouche a piqué Nanni Moretti, enclin à se mettre en scène dans des fictions, pour réaliser Santiago, Italia près d’un demi-siècle après le putsch de Pinochet, un documentaire, genre auquel il ne s’était essayé que dans un autre long métrage sorti en 1990, La Cosa, sur la mutation du PCI, le parti communiste italien ? Peut-être le récent virage politique pris par l’Italie.
Dans Santiago, Italia, Nanni Moretti s’efface ici, avec seulement deux furtives apparitions dans le cadre, dont une pour rétorquer à un ancien militaire, affecté à la prison de Punta Peuco, qui lui reproche l’orientation de ses questions : « Ma, non sono imparziale! »
Santiago, Italia enregistre les souvenirs de témoins de cette époque, des journalistes, des militants socialistes, des entrepreneurs, des artisans, un ingénieur, un ouvrier, un écrivain… et trois cinéastes, Carmen Castillo, Miguel Littín et Patricio Guzmán, réalisateur de La Première année (El Primer año, 1972) et d’une série de documentaires sous le titre La Bataille du Chili (La Batalla de Chile, 1975-1979) qui se souvient d’une « fête perpétuelle » qui n’a duré qu’une année.
Tous, certains encore submergés par l’émotion, évoquent les attentes suscitées par l’arrivée au pouvoir de Salvador Allende pour réduire les injustices, combattre la pauvreté, « apporter le bonheur au peuple ». Beaucoup, hommes et femmes, se souviennent de la peur de sortir dans la rue, des tortures qu’ils ont subies ou dont ils ont été les témoins, ravivent le souvenir de proches disparus dans la tourmente. Un ouvrier évoque les discussions entre ceux qui voulaient « aller vite, sans transiger » et les partisans d’une avancée plus mesurée, « pour ne pas effrayer la bourgeoisie ».
La izquierda unida jamás será vencida!
Ces paroles, scandées par la foule amassée pendant un discours de Salvador Allende d’un balcon du Palacio de la Moneda, accompagné du poète Pablo Neruda, est l’une des nombreuses archives filmées, la plupart en noir et blanc, quelques-unes en couleurs, insérées en guise d’illustration des témoignages recueillis, jusqu’au dernier message de Salvador Allende : « Il faudra me cribler de balles pour briser ma volonté », lancé quelques heures avant son suicide (ou son assassinat, insinue l’un d’eux).
Santiago, Italia, s’il dénonce à juste titre la répression du régime Pinochet, coupable d’atrocités (38 000 personnes torturées, 3 200 morts ou disparus), passe sous silence, malgré 45 ans de recul, les causes de la chute de Salvador Allende. Ses initiatives, particulièrement la nationalisation de nombreuses entreprises, notamment des mines de cuivre, incitèrent les USA à soutenir financièrement la sédition de Pinochet, approuvée par l’église catholique (à l’exception du cardinal Raul Silva Henríquez). La violation de dispositions constitutionnelles et, surtout, l’inflation galopante (180 % en 1972, 508 % en 1973 !) lui valurent l’hostilité d’une partie de la population et le contrôle par la droite de l’économie et de l’information lui ont vite fait perdre la partie. L’Unité Populaire, arrivée au pouvoir avec une faible majorité, ne tiendra les rênes du pays que moins de trois ans. Le 11 septembre 1973, le bombardement du Palacio de la Moneda ouvrit les portes à une sévère répression orchestrée par Augusto Pinochet qui restera au pouvoir jusqu’en 1990.
Santiago, Italia, en dépit de son titre, ne consacre que la deuxième moitié de son métrage à l’accueil par l’ambassade d’Italie de quelques 600 réfugiés qui y ont trouvé l’asile politique, avant, pour beaucoup d’entre eux, de s’installer en Italie. Ce qui explique que la plupart s’expriment en italien, les autres en espagnol.
Santiago, Italia (80 minutes) et son supplément tient sur un DVD-9 logé dans un boîtier non fourni pour le test, effectué sur check disc.
Le menu animé propose le film au format audio Dolby Digital 5.I ou 2.0 stéréo, avec sous-titres imposés qui auraient pu être placés plus bas sur l’image.
Bande-annonce.
L’image (1.78:1) des témoins interrogés est tout à fait correcte, avec des couleurs naturelles, soigneusement étalonnées. La qualité des archives filmées peut varier mais reste, dans l’ensemble, tout à fait acceptable.
Le son Dolby Digital 5.1 (ou DD 2.0 stéréo, au choix), sans différence vraiment perceptible entre les deux formats proposés, restitue avec clarté tous les entretiens.
Crédits images : © Le Pacte