Le Scandale Paradjanov ou la vie tumultueuse d'un artiste soviétique (2013) : le test complet du DVD

Paradzhanov

Réalisé par Serge Avédikian
Avec Serge Avédikian, Yuliya Peresild et Karen Badalov

Édité par Tamasa Diffusion

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Le 18/06/2020
Critique

Une évocation impressionniste de la vie et de l’oeuvre d’un grand réalisateur que la dictature soviétique ne put contraindre au silence.

Le Scandale Paradjanov

Sergueï Iosifovitch Paradjanov, âgé, décore la photo découpée d’un visage de femme avec des perles, ce qui déclenche le souvenir de ce jour de 1958, à Kiev, où il offrit un collier à Svetlana Ivanovna Cherbatiouk, sa jeune épouse enceinte, et où il lui annonça qu’il allait réaliser « un film génial », Les Chevaux de feu. Svetlana l’a quitté quand commence le tournage à Verkhovyna, en Ukraine, en 1963. Lors de la première à Kiev, les officiels quittent la salle dès que le réalisateur monte sur la scène, mais le public se lève et applaudit ce film, en rupture avec l’académisme soviétique. Dès lors, ses scénarios sont refusés, sans même avoir été lus. Il s’exilera en Arménie, le pays de ses ancêtres pour réaliser en 1967 La Couleur de la grenade. Condamné en 1973, notamment pour homosexualité, il restera quatre années en prison où il retournera pour d’autres séjours, le dernier en 1982.

Le Scandale Paradjanov ou la vie tumultueuse d’un artiste soviétique (Paradzhanov), réalisé en 2013 par Serge Avédikian et la documentariste ukrainienne Olena Fetisova, ne se limite pas à son aspect documentaire. Il s’emploie surtout à donner une image impressionniste d’un artiste aux talents divers, cinéaste, plasticien et poète. Anticonformiste, farouchement épris de liberté, il ne pouvait que déclencher les foudres de la dictature communiste qui lui infligea une longue et dure incarcération, ignorant les suppliques pour sa libération adressées par divers comités de soutien, dont celui qui a réuni Federico Fellini, Jean-Luc Godard, Marcello Mastroianni, Yves Saint-Laurent et beaucoup d’autres…

Le Scandale Paradjanov

Mais, ni les humiliations, ni les menaces et le chantage exercés contre lui et ses proches, ni même le goulag et la prison de haute sécurité n’y feront : il restera lui-même et réussira, contre vents et marées, à réaliser quatre chefs d’oeuvre du cinéma universel, Les Chevaux de feu (Tini zabutykh predkiv, 1965), Sayat Nova - La couleur de la grenade (1969), La Légende de la forteresse de Souram (Ambavi Suramis tsikhitsa, 1985) et Achik Kérib (Ashug-Karibi, 1988).

Un hommage lui sera rendu au Centre Pompidou en 1988, deux ans avant sa mort. Dans son adresse au public, il confiait : « Je n’ai pas de titre officiel, ni de médailles. Je ne se suis rien (…) Le cinéma, pour moi, c’est un grand muet : moins il y a de mots et plus il y a de beauté. »

Le Scandale Paradjanov s’écarte résolument de la stricte forme d’un documentaire, sans ordre chronologique, avec des bonds en arrière et en avant dans le temps et des incursions hors des sentiers balisés par les biographes de Paradjanov. En le montrant enfant, avec ses parents, avec Svetlana et avec ses proches, en l’imaginant sur le tournage de ses films, le scénario vise avant tout à communiquer son esprit créatif, son exubérante originalité, par une mise en scène inspirée, surréaliste, dès le générique où défilent sur l’écran des collages animés. On le voit, par exemple, se promener et danser au milieu des personnages d’une photo en noir et blanc de la fête du 1er mai ou, grimper sur les épaules de Leonid Brejnev et agiter un petit drapeau de papier.

Le Scandale Paradjanov marque aussi par l’inoubliable identification, fusionnelle, de Serge Avédikian au personnage du cinéaste et par la présence, dans le rôle de Svetlana, de Yuliya Peresild que révélera Résistance (Bitva za Sevastopol, Sergei Mokritsky, 2015).

Un vibrant hommage à Sergueï Paradjanov et une invitation à découvrir ou revoir son oeuvre. Il suffira de quelques clics sur l’Internet pour cela : ses quatre grands films ont été réunis dans l’indispensable coffret Paradjanov sorti en 2013 par les Éditions Montparnasse, encore disponible.

Le Scandale Paradjanov

Présentation - 3,0 / 5

Le Scandale Paradjanov ou la vie tumultueuse d’un artiste soviétique (91 minutes) tient sur un DVD-9 et les bonus (111 minutes) sur un DVD-5, logés dans un boîtier de 14 mm.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, en russe, avec le choix de sous-titres français ou anglais, au format audio Dolby Digital 2.0 stéréo.

Bonus - 4,0 / 5

Autour du scandale Paradjanov, une conversation entre Serge Avédikian et Pierre Eisenreich (37’, Les Productions du Désordre, 2020). Une société de production ukrainienne lui a proposé en 2009 de tenir le rôle de Paradjanov, puis, dans un second temps, de réaliser le film. Il a réécrit, avec Olena Fetisova, le scénario qui lui paraissait trop documentaire en y ajoutant, notamment, des scènes sur l’enfance du cinéaste et des scènes oniriques, afin de révéler son univers multiculturel, poétique. Entrer dans la peau de Paradjanov lui a permis d’être exigeant vis-à-vis de toute l’équipe du film, tourné en Ukraine et en Géorgie. Ce qui dérangeait les autorités, tout autant que son esprit subversif, c’était l’anticonformisme « contagieux » de Paradjanov, comparable, en Europe, à celui de Pier Paolo Pasolini, de Federico Fellini, de Robert Bresson… Sa conception du cinéma, un langage universel fait de la « fusion » d’images et de sons, pouvant se passer de la parole, est voisine de celle qu’avait Artavazd Peleshian, un de ses amis. Le film a été apprécié par la critique en Ukraine, en Géorgie et en Arménie, sans pouvoir toucher un grand public en raison du petit nombre de salles encore ouvertes dans ces trois pays. Serge Avédikian estime avoir été « un Paradjanov possible ».

Le film sur le film (44’). Ce documentaire de tournage de Diana Kardumyan, commenté en voice over par Serge Avédikian, souligne son attachement à donner le reflet le plus fidèle possible de la personnalité de Sergueï Paradjanov. Olena Fetisova, la coréalisatrice, et Sergey Mikhalchuk, le chef-opérateur, et d’autres membres de l’équipe évoquent l’originalité, la soif d’indépendance de Paradjanov et l’influence cruciale qu’il eut sur le cinéma ukrainien. On regrettera que les entretiens, en russe et en ukrainien, ne soient sous-titrés qu’en anglais et que l’image soit déformée, à partir de 29’, par un étirement du ratio 4/3 à 16/9, ce qui a pour autre effet de tronquer les sous-titres !

Hagop Hovnatanian (10’, 1.33:1, couleurs). Ce documentaire réalisé en 1965 par Sergueï Paradjanov, faisant partie d’une série sur les portraitistes arméniens du XIXème siècle, propose une exploration surréaliste de l’oeuvre de Hagop Hovnatanian, avec des gros plans sur les mains et sur les yeux des sujets.

La rencontre (14’, 1.33:1, couleurs, muet), un court métrage de Serge Avédikian filmé en Super 8 lors de sa première rencontre avec Sergueï Paradjanov à Tbilissi, en Géorgie, pour le nouvel an 1983. Quelque temps après sa libération, il montre les collages créés en prison. Ce document complète celui inclus, sous le titre Paradjanov libéré, dans le coffret Arménie : Mémoire arménienne + Dis-moi pourquoi tu danses ? + 20 ans après + Que sont mes camarades devenus ? + Eclats d’Arménie 1 & 2, sorti par les Éditions Montparnasse en décembre 2018.

Trois extraits de films de Sergueï Paradjanov (10’) : Les Chevaux de feu, La Couleur de la grenade et La Légende de la forteresse de Souram.

Le Scandale Paradjanov

Image - 5,0 / 5

L’image numérique (1.85:1), bien définie, à la texture délicate, propose des couleurs assez chaudes, soigneusement étalonnées, des contrastes fermes, des noirs denses, de beaux clairs-obscurs.

Son - 4,5 / 5

Le son Dolby Digital 2.0 stéréo, très propre, avec une belle ouverture de la bande passante et une bonne dynamique, assure la clarté des dialogues et, par sa finesse, met en valeur l’original accompagnement musical de Michel Karsky. On regrettera l’absence du 5.1 même si une séparation efficace des deux canaux réussit à créer une discrète impression d’immersion dans l’ambiance.

Crédits images : © Tamasa Diffusion

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 19 juin 2020
Une inoubliable identification fusionnelle de Serge Avédikian au cinéaste Sergueï Paradjanov et une invitation à découvrir ou revoir l’œuvre d’un cinéaste que les tourments de la dictature soviétique, faits d’humiliations, de menaces et de chantage exercés contre lui et ses proches, d’enfermement dans un goulag et dans une prison de haute sécurité, n’empêcheront de réaliser quatre chefs-d’œuvre du cinéma universel.

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