Tireur d'élite (2019) : le test complet du DVD

Un récit poignant de la lutte de la Lettonie contre l’Allemagne, puis contre l’Union Soviétique, pour conquérir son indépendance.

Artus Vanags, le fils de deux petits fermiers de Lettonie, après avoir vu, en 1915, sa mère tuée par un soldat allemand, s’engage à 17 ans dans l’armée lettone, en même temps que son frère aîné et que son père, ex-sergent-major. Après un entraînement sommaire, il est envoyé sur le front…

Tireur d’élite (Dveselu putenis, titre international Blizzard of Souls), sélectionné par la Lettonie aux Oscars 2021, nous arrive directement en vidéo. C’est le premier film de fiction du Letton Dzintars Dreibergs, né en 1981, auteur et réalisateur de quatre documentaires, dont trois sur le sport.

Tireur d’élite est la seule adaptation jamais faite du roman quasi-autobiographique Dvēseļu putenis, publié en 1933 par l’écrivain Aleksandrs Grins (1895-1941), ex-capitaine de l’armée lettone dans une unité de tireurs d’élite qui l’amena à s’engager dans la lutte pour l’indépendance de son pays, menacée par l’Allemagne, puis par l’URSS. Il fut auteur d’une bonne vingtaine de romans à contenu historique, tous bannis dans l’Union Soviétique. Après l’annexion des trois Pays Baltiques par les Soviets, il est arrêté en juin 1941, envoyé dans un goulag en Astrakhan où il sera fusillé le jour de Noël.

Respectueux de la vérité historique, selon la caution de l’historien François Garçon donnée dans un des suppléments, le film se distingue par son réalisme quasi-documentaire. Tourné là où fit rage la résistance contre les Allemands pendant la première guerre mondiale, sous la pâle lumière de l’hiver letton, dans une palette presque monochrome, éclaboussée par l’orange des explosions, des fusées éclairantes et des balles traçantes, le film révèle crûment les effroyables conditions faites aux soldats, certains encore des enfants, pataugeant dans la boue des tranchées envahies par les rats attirés par les cadavres, mal nourris, mal équipés contre les morsures du froid, obligés de faire disparaître grossièrement de leur capotes le sang, le leur ou celui d’un compagnon d’armes tué à leurs côtés…

Tireur d’élite, pour mieux impliquer émotionnellement le spectateur, suit pendant quatre ans le parcours d’Arturs Vanags, engagé volontaire dans l’armée lettone à 17 ans, confronté aux Allemands, puis aux Bolcheviques, l’alter ego d’Aleksandrs Grins, interprété par Oto Brantevics, un débutant prometteur. Il est accompagné d’acteurs expérimentés, bien qu’inconnus en France, dont Martins Vilsons, dans le rôle du père, et de quelques 150 figurants.

Tireur d’élite (123 minutes, pour cette version longue du film d’une durée de 104 minutes à sa sortie en salles) et ses suppléments (34 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un boîtier épais de 14 mm, glissé dans un étui, coédité par Program Store et L’Atelier d’Images.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en letton, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, avec le choix entre deux formats audio, Dolby Digital 5.1 ou 2.0 stéréo.

Une édition Blu-ray est sortie simultanément, avec le même contenu.

Making of Tireur d’élite (10’, Kultfilma, 2018, en letton, sous-titré). Le film a été tourné là où se sont livrées les Batailles de Noël qui ont permis aux Lettons de reprendre aux Allemands les territoires de l’ouest, au prix de 4 000 morts et 1 000 blessés dans leurs rangs. Les 150 figurants, certains prêtés par l’armée, sont exposés aux vents glacés… avec le renfort d’un puissant ventilateur. Les fortifications et les barrages de barbelés installés par l’ennemi ont été reconstitués. Un peu succinct, ce documentaire a le mérite de faire ressortir le souci de réalisme du réalisateur.

Le contexte historique (22’, L’Atelier d’Images, 2021, en français). François Garçon, historien, Paris I Panthéon-Sorbonne, rappelle que deux États Baltes, la Lettonie et l’Estonie, regroupés sous le nom de Livonie, furent rattachés en 1721 à L’Empire Russe. Le troisième, la Lituanie, le sera en 1795. La première guerre mondiale fait émerger dans les Pays Baltes des mouvements nationalistes qui vont se radicaliser en 1917 après l’effondrement du tsarisme. Le 18 novembre 1918, la Lettonie proclame son indépendance et résiste à un coup d’état communiste, encouragé par Moscou. Les trois Pays Baltes acquièrent en 1920 une indépendance garantie par des traités internationaux, mais menacée par la proximité du bloc soviétique, avant d’être annihilée par la signature du pacte germano-soviétique en 1939. Le 5 août 1940, l’URSS « avale » la Lettonie et déporte les suspects. Après avoir été occupés par les Allemands en 1941, les trois Pays Baltes sont annexés par l’Union soviétique jusqu’à la reconnaissance officielle par Moscou de leur indépendance en 1991. La Lettonie est, aujourd’hui, celui des trois pays avec la plus forte population russophone (autour de 30%). Tireur d’élite « offre une très riche lecture de l’histoire politique de la Lettonie entre 1914 et 1919 (…) avec un grand souci de réalisme. »

Bande-annonce (2’).

L’image numérique (2.39:1), très finement résolue, révèle un remarquable travail sur les éclairages et sur la couleur, assurant une parfaite lisibilité de tous les cadres, sans le moindre défaut de compression dans les pires conditions, particulièrement dans la brume ou le blizzard.

Le son Dolby Digital 5.1 (en alternative : DD 2.0 stéréo), assez spectaculaire dans les scènes de combat, avec le renfort approprié du caisson de basses, bénéficie d’une bonne répartition du signal sur les cinq canaux assurant une sensation cohérente d’immersion dans l’action. L’efficacité ne nuit pas à la finesse de la restitution de la partition originale de Lolita Ritmanis qui s’est fait une réputation en accompagnant les aventures animées de Batman, dont Batman contre Double-Face (Batman vs. Two-Face, Nick Mirales, 2017).

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