Qui chante là-bas ? (1980) : le test complet du DVD

Ko to tamo peva

Édition Collector

Réalisé par Slobodan Sijan
Avec Pavle Vuisic, Dragan Nikolic et Danilo Stojkovic

Édité par Malavida Films

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Le 17/10/2022
Critique

La cocasse équipée de personnes réunies par le hasard, la veille du jour où l’invasion nazie fit basculer l’histoire de la Serbie.

Qui chante là-bas ?

Nous sommes en pleine campagne, quelque part en Serbie, le 5 avril 1941, la veille de l’invasion du pays par les troupes allemandes. Un paysan à dos d’âne vient avertir les six hommes qui attendent le car pour Belgrade qu’il sera en retard. Au sommet d’une colline, un panache de fumées, blanche pour l’échappement, noire pour le poêle à bois du chauffage, annonce enfin son arrivée. Un contrôleur atrabilaire veille à maintenir la discipline dans l’épave conduite par son fils. Montent au premier arrêt, un chasseur et un jeune couple encore en habits de noces…

Qui chante là-bas ? (Ko to tamo peva, 1980) sorti dans nos salles en janvier 1982, ressorti en décembre 2020, après avoir été sélectionné en 2020 dans la section Cannes Classics, est le premier long métrage pour le grand écran de Slobodan Sijan qui s’était fait la main en réalisant sept téléfilms.

Le jour se lève, de loin l’aube arrive sur ses ailes…

Le film s’ouvre sur cette chanson interprétée par deux jeunes Tziganes s’accompagnant à l’accordéon et à la guimbarde. Ils sont aussi du voyage dont ils commenteront en chansons les péripéties à la manière du choeur de la tragédie antique en contribuant à la poésie du film.

Qui chante là-bas ? met en images un scénario de Dušan Kovačević qui signera, quinze ans plus tard, celui d’un autre film aussi truculent, également situé en Serbie au mois d’avril 1941, Underground, qui vaudra à Emir Kusturica sa deuxième Palme d’or.

Qui chante là-bas ?

Qui chante là-bas ?, en dépit de sa fin inattendue, est une comédie loufoque, ce que souligne l’accompagnement musical à la flûte de pan et à la guimbarde composé par le prolifique Vojislav Kostic. Il effleure pourtant des sujets graves, les préjugés sociaux, la pauvreté, l’insécurité et dénonce frontalement le rejet des Tziganes.

Qui chante là-bas ? est probablement le meilleur film de Slobodan Sijan, ce qu’il admet lui-même dans l’entretien proposé en bonus. Certainement le plus connu, et pour cause : c’est le seul sorti en salles et édité en vidéo en France. On aimerait pourtant bien découvrir les deux qui ont suivi, des comédies noires, Maratonci trce pocasni krug (1982) sur les dissensions au sein d’une famille de croque-morts à propos d’un héritage, Prix du jury à Montréal, et Davitelj protiv davitelja (1984), une histoire de tueur en série.

Malavida propose dans son catalogue un large choix de films d’Europe de l’Est. Qui chante là-bas ? vient enrichir la Collection Malavida Collector qui remporta en 2020 le Prix de la meilleure collection attribué par le jury DVD/Blu-ray du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des films de télévision.

Qui chante là-bas ?

Présentation - 3,0 / 5

Qui chante là-bas ? (84 minutes) et ses suppléments (24 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un fin digipack. C’est la ressortie du film, après une exemplaire restauration opérée en 2017 en Serbie, avec le même supplément principal qui accompagnait la première édition Malavida de 2013.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en serbo-croate, avec sous-titres imposés, incrustés dans l’image, au format audio MPEG 2.0 mono.

Dans la couverture, un livret de 12 pages, illustré de photos de plateau, s’ouvre sur l’extrait d’une revue par Vladislav Mijic, universitaire et critique de cinéma, des nombreux films centrés sur les Roms depuis 1960, notamment dans l’ex-Yougoslavie où ils sont une « minorité visible ». Qui chante là-bas ?, sorti l’année de la mort de Tito, anticipe la désintégration de la Yougoslavie socialiste où il connut un succès considérable. Le film est une forme d’hommage aux Roms qui, à cette époque, vivaient dans un monde parallèle, « inclus dans la société (…) mais marginalisés, souvent rejetés ». Suit, À propos de la sortie du film en 1981, l’extrait d’un article de François Ramasse dans Positif n° 252 qui remonte aux origines des « schémas narratifs » utilisés par Slobodan Sijan et souligne l’importance de la présence des deux Tziganes : ils ont le dernier mot en chantant, après la chute des premières bombes, que « d’aucuns avaient entrepris de détruire l’humanité pour construire un monde nouveau ». Puis, dans un entretien avec Slobodan Sijan, enregistré à l’occasion d’une projection du film à Montpellier en 1984, le réalisateur admet l’aspect pessimiste du film qui s’inscrit dans « un univers grotesque » où les personnages, comme dans une bande dessinée, sont « définis par leur apparence » et représentés par des acteurs « typés », comme dans les comédies de Mack Sennett. Who’s singing over there?, extrait d’un article de Wikipedia, rappelle que l’adaptation du scénario écrit par Dušan Kovačević dès 1978, refusée par Goran Paskaljević, fut confiée à Slobodan Sijan par le studio d’État Centar Film. Le car Mercedes Benz, repeint en rouge, pouvant à peine rouler, avait été précédemment utilisé pour le tournage de deux films. Le livret se referme sur un court article des Films du Sémaphore qui achetèrent les droits de distribution du film qui fit 70 000 entrées à Paris au Saint André des Arts.

Qui chante là-bas ?

Bonus - 2,5 / 5

Interview de Slobodan Sijan (20’, VOST, repris de l’édition Malavida de 2013). Cet entretien avec le réalisateur et scénariste Milan Nikodijević a été enregistré en 2002 au Festival des scénarios de Vrnjacka Spa. Dušan Kovačević lui a confié que l’idée du scénario, dont il a écrit trois versions, lui était venue à la lecture d’une nouvelle baroque sur les destructions causées à Belgrade par le bombardement du 6 avril 1941. Slobodan Sijan dit « aimer ce qui est invraisemblable tout en restant plausible », sans avoir à franchir la frontière du fantastique, en restant dans une simplicité rendant le film universel. Il fut achevé avec un budget de 250 000 marks et 24 jours d’un tournage perturbé par les caprices de la météo. Il souligne les difficultés à réaliser un film en Serbie au milieu des années 70, évoque les acteurs, leurs prestations. Il a appris le cinéma « comme on apprend à marcher, sans se prendre au sérieux », heureux de ce qu’il a réalisé.

Avant-programme AFCAE présenté par Xavier Leherpeur (2020, 2’30”) pour la projection à Cannes par l’Association Française des Cinémas d »Art et d’Essai. Le film, dont l’action est située le dernier jour du Royaume de Serbie, juste avant l’invasion du pays par les troupes nazies, observe des personnages archétypaux, avec un humour qu’on sent déjà « taraudé par la mort ».

Bande-annonce 2021 (1’45”).

Qui chante là-bas ?

Image - 5,0 / 5

L’image (1.66:1), méticuleusement débarrassée de toute trace de dégradation de la pellicule, sans altération du grain argentique, déploie des couleurs naturelles et des contrastes bien étalonnés. Une restauration modèle !

Son - 5,0 / 5

Le son MPEG 2.0 mono, tout aussi propre que l’image, avec une dynamique étonnante et un souffle à peine perceptible, restitue dans un parfait équilibre les dialogues, l’ambiance et l’accompagnement musical, sans la moindre saturation.

Crédits images : © Malavida

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 18 octobre 2022
Située en avril 1941, la veille de l’invasion de la Serbie par l’armée allemande, cette comédie loufoque et truculente épingle les préjugés sociaux et le racisme. Un des fleurons du cinéma de l’Europe de l’Est à dénicher dans le vaste catalogue de Malavida Films.

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