Happy End (1967) : le test complet du DVD

Stastny konec

Réalisé par Oldrich Lipský
Avec Vladimír Mensík, Jaroslava Obermaierová et Josef Abrhám

Édité par Malavida Films

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Le 04/10/2022
Critique

Des personnages qui marchent à reculons, le passé qui devient le futur : une curiosité de la Nouvelle Vague tchèque à découvrir.

Happy End

Sapeur-pompier à ses heures perdues, Bedřich Frydrych manie à merveille son couteau de boucher. Il découvre que sa femme, Julie, a une liaison avec un drôle d’oiseau, un certain Ptácek. Bien décidé à y couper court, Bedřich se retrouve condamné pour un double homicide. Mais au pied de la guillotine, il décide que sa mort sera une nouvelle naissance… Rembobinez !

Happy End (Stastny konec), sorti pendant le « dégel » en 1967, quelques mois avant le « printemps de Prague », est l’un des quelques 25 films du réalisateur et scénariste tchèque Oldřich Lipský (1924-1986). Après des débuts au théâtre comme acteur et metteur en scène, il coréalise deux films, Slepice a kostelník en 1951 et Haskovy povidky ze stareho mocnarstvi en 1952, avant de tourner seul son premier long métrage en 1954, Cirkus bude, jamais distribué en France, une première de ses oeuvres consacrées à l’une de ses passions, le cirque. Peu de ses films furent distribués en France, souvent très tardivement, tels Joe Limonade (Limonádový Joe aneb Konská opera, 1964), une parodie de western, Adèle n’a pas encore diné (Adéla jeste nevecerela, 1978), Le Château des Carpathes (Tajemství hradu v Karpatech, 1981)…

Happy End, avec son scénario coécrit par le réalisateur et Milos Macourek, scénariste prolixe qui venait de signer l’histoire de Qui veut tuer Jessie ? (Kdo chce zabít Jessii? , Václav Vorlícek, 1966), surprend dès la première séquence : un homme, dont on ne voit que le visage en gros plan, esquisse un sourire et ouvre en grand l’oeil droit ; quand la caméra s’éloigne, on découvre que la tête est détachée de son corps sur lequel elle se recolle avant d’en avoir été séparée par le couperet de la guillotine, au moment précis où Bedřich, le narrateur, dit qu’il vient au monde et va nous raconter son histoire d’amour. Cette histoire, « contrairement à toutes les autres, commence mal et finit bien ». Commençant par la fin, il est donc logique qu’elle nous conduise vers le début de la vie de Bedřich, jusqu’au temps du parfait amour de sa petite enfance avec Agnieszka qu’il rencontra dès qu’il pût sortir du parc derrière les barreaux duquel il avait été enfermé.

Happy End, dans la même logique implacable, filme toute l’action à l’envers : les personnages marchent à reculons, les verres vides qu’ils portent à leur bouche se remplissent… ce que la cinéaste exploite dans une suite de gags surréalistes formant un hommage au slapstick des temps du muet, souligné par le recours fréquent à l’accéléré, par la teinte sépia donnée au noir et blanc et, surtout, par un accompagnement musical guilleret.

Happy End

C’est peut-être la première inversion de la chronologie au cinéma, un procédé narratif qu’utiliseront, bien plus tard, Christopher Nolan pour Memento en 2000, puis pour Tenet en 2020 et Gaspar Noé pour Irréversible en 2015.

Mais, avec Happy End, Oldřich Lipský brouille un peu plus les cartes, en faisant du passé le futur, pour quelques scènes inattendues, comme celle où Bedřich s’applique à planter une arête de poisson au fond de la gorge de Julie, alors que dans le cours normal du temps, il serait dans un cabaret censé l’en débarrasser. Plus tard, pardon plus tôt, il assiste à un spectacle où des femmes nues se couvrent chaudement.

L’inversion du temps lui a aussi inspiré quelques trouvailles dans les dialogues. Par exemple, après que le prêtre, au pied de l’échafaud, ait prononcé la phrase rituelle : « Bientôt, tu te tiendras face au Seigneur et à la Vierge Marie », Bedřich dit : « Elle a un sale goût ! ». Une répartie non blasphématoire s’appliquant, on le saura juste après, à la dernière cigarette qu’on lui avait offerte.

Cette première édition vidéo de Happy End permettra aux cinéphiles curieux de découvrir un film insolite, trop longtemps ignoré bien qu’il puisse être vu comme un remarquable repère de la Nouvelle vague tchèque.

Malavida a également sorti, au printemps et à l’été 2022, après restauration quatre autres films de ce même âge d’or du cinéma tchèque dont nous reparlerons : Qui veut tuer Jessie ? (Kdo chce zabít Jessii? , Václav Vorlícek, 1966), L’Incinérateur de cadavres (Spalovac mrtvol, Juraj Herz, 1968), Fin août à l’hôtel Ozone (Konec srpna v Hotelu Ozon, Jan Schmidt, 1967) et Ecce homo Homolka (Jaroslav Papousek, 1970) qui viennent enrichir la Collection tchèque de l’éditeur.

Happy End

Présentation - 3,0 / 5

Happy End (69 minutes) tient sur un DVD-5 logé dans un fin digipack.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en tchèque, avec sous-titres imposés, incrustés dans l’image, au format audio Linear PCM 2.0 mono.

Dans la couverture, un livret de 12 pages rédigé par Jean-Gaspard Páleníček, écrivain, dramaturge et compositeur. Après un bref rappel des « débuts engagés » d’Oldřich Lipský, il resitue dans le contexte du cinéma Tchèque des années 60 les divers pans de sa filmographie, le cirque, les films pour la jeunesse, la science-fiction, les parodies du cinéma occidental (James Bond, histoires de gangsters, westerns…). Happy End s’inscrit dans le cadre du « cinéma des attractions (…) exhibitionniste, centré sur le regard que portent les acteurs à la caméra et, par son biais, au spectateur ». Le livret se referme sur Vladimír Menšík, l’interprète de Bedřich, un des grands acteurs tchèques (250 rôles à son actif malgré sa mort prématurée à 58 ans). Miloš Forman venait de l’employer dans Les Amours d’une blonde (Lásky jedné plavovlásky, 1965).

Bonus - 0,0 / 5

Aucun complément vidéo.

Image - 3,5 / 5

L’image (1.37:1) noir et blanc avec une teinte sépia, stable, agréablement contrastée, est assez propre, bien que la restauration ait laissé subsister quelques marques occasionnelles de dégradation de la pellicule, généralement discrètes, parfois un peu plus visibles, par exemple quand Bedřich entre/sort de la prison flanqué de deux policiers à 11’50”. L’image est indiscutablement agréable à regarder, mais la texture du 35 mm a été légèrement altérée par un petit excès de lissage du grain.

Son - 4,5 / 5

Le son Linear PCM 2.0 mono, soigneusement débarrassé de tout bruit parasite et du souffle, restitue les dialogues dans un bon équilibre avec l’accompagnement musical, exempt de distorsions et de saturations.

Crédits images : © Malavida NFA

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
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Philippe Gautreau
Le 5 octobre 2022
Cette première édition vidéo de Happy End permettra aux cinéphiles curieux de découvrir un film insolite, trop longtemps ignoré bien qu’il puisse être vu comme un remarquable repère de la Nouvelle vague tchèque.

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