Mizrahim, les oubliés de la Terre Promise (2021) : le test complet du DVD

Rappel d’un fait, largement méconnu en France : la discrimination infligée en Israël aux Juifs venus du Maghreb et du Moyen Orient.

Mizrahim, c’est le nom que donnent les Israéliens aux juifs venus d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, victimes, dès leur arrivée sur la Terre Promise, d’une discrimination qui fait d’eux des citoyens de seconde zone. Dans les années 70 émerge un mouvement de révolte s’inspirant de celui des Black Panthers aux États-Unis, pour défendre leurs droits. Confrontée au deuil de son père, ancien membre de ce mouvement, Michale Boganim a rencontré plusieurs générations de Mizrahim…

Mizrahim, les oubliés de la Terre Promise, sorti dans nos salles en juin 2022, sélectionné à Venise, est le troisième long métrage de Michale Boganim, après Odessa… Odessa !, salué par le Prix du cinéma Art et Essai, un documentaire sur la communauté juive de cette ville d’Ukraine, et La Terre outragée, un documentaire-fiction avec, pour toile de fond, la catastrophe de Tchernobyl. Elle a aussi réalisé Tel-Aviv/Beirut, sorti en salles en février 2023, la chronique de deux familles, l’une libanaise, l’autre israélienne, dans la tourmente des affrontements entre leurs deux pays.

Avec Mizrahim, les oubliés de la Terre Promise, Michale Boganim, accompagnée de sa fille de huit ans, nous emmène sur les routes d’Israël, pays qu’elle a quitté encore enfant pour la France, à la rencontre d’une quinzaine de Mizrahim qui ont « abandonné terre, maison et voisins (…) pour participer à la construction d’une société juste, égalitaire ». Un rêve vite devenu désillusion.

Les témoignages et l’insert d’archives filmées rappellent la dure réalité de l’accueil que firent les Ashkénazes d’Israël à leur coreligionnaires venus du Maghreb ou du Moyen Orient de 1949 à la fin des années 60 : vaporisation au DDT avant de pouvoir sortir du bateau, assignation à résidence en périphérie des villes dans des logements exigus, parfois insalubres, voire en plein désert, « là où il n’y avait que du sable et de la poussière », pour aider à la construction de nouvelles implantations, blocage de l’accès à une formation supérieure…

Le documentaire met en évidence le statut de « citoyens de seconde zone » réservé aux Mizrahim qui a conduit, à partir de 1971, à une révolte contre le chômage, les mauvaises conditions de logement, la répression policière, la discrimination raciste… conduite par les HaPanterim HaSh’horim, un mouvement qui reprit les codes des Black Panthers. Des poèmes et des chansons traduisent aussi la honte et la colère de toute la communauté.

Constatant que rien ne changeait et qu’on faisait d’eux « une main-d’oeuvre corvéable et bon marché (…) sans la moindre chance d’échapper à leur destin », certains Mizrahim en vinrent à changer leur nom pour un autre à consonnance ashkénaze ou à quitter Israël, comme Charlie Boganim, le père de la réalisatrice, qui s’installa en France où son diplôme d’ingénieur n’était pas reconnu. Un déracinement douloureux pour Michale : rejetée par ses camarades d’école qui n’arrivaient pas à prononcer son prénom, elle regrettait « la lumière éclatante du soleil d’orient ».

Mizrahim, les oubliés de la Terre Promise jette une lumière crue sur un drame, trop bien couvert ou trop vite oublié, dont les traces sont encore visibles, deux générations plus tard.

Mizrahim, les oubliés de la Terre Promise (89 minutes) et son supplément (25 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un boîtier non fourni pour le test.

Le film est proposé dans sa version originale, en hébreu et en français, avec sous-titres optionnels, et le choix entre deux formats audio, Dolby Digital 5.1 ou stéréo.

Entretien avec Charlie Boganim et sa fille Michale Boganim (25’). Il se souvient de la discrimination entre orientaux et occidentaux, seuls à pouvoir obtenir un logement confortable dans un beau quartier. Faisant exception dans la famille, il réussit à accéder à une formation supérieure à Haïfa. En deuxième année, avec d’autres étudiants, il a regroupé une trentaine de jeunes des « villes ou quartiers sous-développés » auxquels des professeurs marocains ont commencé à inculquer les connaissances de base. Vingt d’entre eux ayant obtenu l’équivalent du baccalauréat, il a tenté de proposer au gouvernement de copier l’initiative pour favoriser l’intégration. En vain : la seule voie était d’exercer une pression sur le pouvoir en place pour faciliter l’accès à la formation de jeunes, puis des Mizrahim à la Knesset.

L’image, manifestement numérique, au ratio 2.35:1, offre des couleurs naturelles, agréablement contrastées avec des noirs denses, mais une résolution moyenne, révélée par un manque de piqué sensible sur les plans larges. La qualité variable des archives en noir et blanc, recadrées au ratio 2.35:1, est largement compensée par leur intérêt historique.

Le son Dolby Digital 5.1, avec une alternative 2.0 stéréo, assure la clarté des entretiens et restitue avec finesse et une bonne dynamique les passages musicaux. Pas beaucoup de différences entre les deux formats proposés : l’image sonore reste frontale.

Crédits images : © Ex Nihilo – Lama Films – Bonne Nouvelle – Studio Orlando - France 2021