Le Bleu du caftan (2022) : le test complet du DVD

Réalisé par Maryam Touzani
Avec Lubna Azabal, Saleh Bakri et Ayoub Missioui

Édité par Ad Vitam

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Le 07/09/2023
Critique

Un regard délicat sur la condition d’un homme gay dans un état religieux qui voit l’homosexualité comme un crime.

Le Bleu du Caftan

Halim est marié depuis longtemps à Mina, avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d’Halim, son homosexualité, qu’il doit cacher : une dénonciation l’exposerait à une condamnation pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. Mina, malade, l’aide au magasin où vient d’arriver un apprenti, Youssef…

Le Bleu du caftan (Azraq alquftan, au Maroc), coproduit par la France, le Maroc, la Belgique et le Danemark, est, après Adam, sélectionné à Cannes en 2019 dans la section Un certain regard, le second long métrage de Maryam Touzani, scénariste et réalisatrice marocaine. Née à Tanger en 1980, journaliste spécialisée dans le cinéma après des études à Londres, elle commence à écrire et réaliser des courts métrages en 2011 et coécrit en 2015 le scénario de Much Loved réalisé par Nabil Ayouch, son époux, un film sur la prostitution qui sera interdit au Maroc, mais remportera le Prix Lumière du meilleur film francophone hors de France. Maryam Touzani fut aussi, en 2017, en tête de distribution de Razzia, le septième long métrage de Nabil Ayouch.

L’idée du film lui est venue d’une conversation avec un vieux coiffeur de Salé, pendant les repérages pour Adam. Elle a confié au magazine suisse queer 360°, en mars 2023 : « J’ai imaginé ce que c’était pour lui et sa femme de vivre dans le doute, le mensonge, la culpabilité, la honte. »

Le Bleu du caftan, présenté à Cannes en 2022, salué par le Prix FIPRESCI dans la section Un certain regard et sélectionné pour la Queer Palm (attribuée à Joyland de Saim Sadiq), obtint le Prix du Jury du Festival international du film de Marrakech et fut retenu dans une présélection de quinze longs-métrages pour l’Oscar du meilleur film étranger.

Le Bleu du Caftan

Un caftan doit survivre à celui qui le porte

Le Bleu du caftan captive déjà par son observation documentaire de la fabrication du caftan par un « maalem », maître des arts et métiers traditionnels. Des gros plans montrent le délicat travail d’application à la main sur une étoffe de soie bleue d’un cordonnet couvert de fils d’or.

Mais l’intérêt essentiel du film est, bien entendu, de montrer la situation d’une personne gay dans une communauté qui voit l’homosexualité comme un comportement illégal, sanctionné au Maroc par l’article 489 du code pénal : « Est puni de l’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 120 à 1 000 dirhams, à moins que le fait ne constitue une infraction plus grave, quiconque commet un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe. » Les deux articles suivants punissent d’un an de prison les relations sexuelles hors mariage et de deux ans l’adultère « sur plainte du conjoint offensé ».

Le Bleu du caftan réussit, pudiquement, mais sans détours, avec une grande économie de dialogues et d’effets de style, à faire ressentir ce que peut être la vie d’un homosexuel, en permanence exposé au risque de voir sa vie brisée à tout moment si son secret venait à être découvert et rendu public. Une scène montre jusqu’où peut aller la surveillance des bonnes moeurs au Maroc : un policier demande à Halim et Mina qui se promènent bras dessus, bras dessous, dans la médina, de justifier de leur mariage !

Le Bleu du Caftan

« Mon film peut contribuer à créer un débat sain, nécessaire et salutaire sur cette question », a déclaré Maryam Touzani au mensuel Jeune Afrique en décembre 2022. Le film a pu sortir au Maroc où, à défaut de pouvoir révéler son homosexualité, on peut exprimer son opposition à sa criminalisation et son soutien aux personnes poursuivies… mais dans certaines limites seulement : l’association de défense des droits LGBT+ au Maroc, Kifkif, fondée en 2008, interdite dans le royaume, a dû s’enregistrer en Espagne. Et les 200 exemplaires du premier numéro du magazine Mithly qu’elle a lancé en 2010 ont dû être distribués clandestinement. On voit pire dans d’autres es états où le pouvoir temporel s’ancre sur la religion. En Iran, par exemple, la sodomie est passible de 74 coups de fouet et de la peine de mort à la troisième récidive. Flagellation, prison, voire peine capitale sanctionnent l’homosexualité, encore qualifiée de « crime ignoble » en 2021 par le grand mufti Abdelaziz Al-Cheikh, la plus haute autorité religieuse de l’Arabie Saoudite…

Le Bleu du caftan doit beaucoup à Lubna Azabal, Bruxelloise d’origine marocaine, émouvante dans sa sobre incarnation de Mina. Repérée Meilleur espoir féminin à la Berlinale de 2004, elle affiche 80 rôles à son tableau depuis sa première apparition sur les écrans en 1998 dans Pure fiction de Marian Handwerker. Saleh Bakri, Israélo-palestinien, vu dans La Source des femmes (Radu Mihaileanu, 2011), en tête d’affiche de Wajib : L’invitation au mariage (Annemarie Jacir, 2017), réussit à nous faire croire, avec beaucoup de naturel, qu’il est Halim, le maalem. Le troisième rôle, celui de l’apprenti Youssef, est tenu, tout aussi sobrement, par le jeune Marocain, Ayoub Missioui, ici dans son tout premier emploi.

Bien reçu par la critique, Le Bleu du caftan a fait un bon score en France en attirant plus de 210 000 spectateurs dans les salles. Cette édition vidéo donnera à celles et ceux qui ont raté l’occasion au printemps 2023 une seconde chance de voir un film combinant un sujet d’intérêt majeur, un scénario bien écrit et d’indéniables qualités esthétiques. Adam, le premier long métrage de Maryam Touzani a, lui aussi, été édité par Ad Vitam.

Le Bleu du Caftan

Présentation - 2,5 / 5

Le Bleu du caftan (117 minutes) tient sur un DVD-9 logé dans un boîtier épais de 14 mm.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’arabe, avec sous-titres imposés qui auraient pu être placés un peu plus bas sur l’image, et dans un doublage en français, avec le choix entre deux formats audio Dolby Digital 5.1 ou 2.0 stéréo.

Piste d’audiodescription DD 2.0.

Sous-titres pour malentendants.

Une édition Blu-ray est disponible.

Bonus - 4,0 / 5

Entretien avec Maryam Touzani (6’). « Il n’y a pas qu’une seule vérité dans l’amour. (…) Il échappe aux définitions », ce que démontre l’histoire des trois personnages du film, exposée avec peu de dialogues et une écriture visuelle, « tant de choses pouvant être racontées par un regard, par un geste anodin »…

Quand ils dorment (2012, 1.78:1, Dolby Digital 2.0, 18’), le premier film réalisé par Maryam Touzani. Aidée par son père, Hashem, Amina, une jeune veuve, élève ses trois enfants, deux garçons et Sara, 8 ans, très proche de son grand-père. Quand il meurt, elle brave la tradition et, en cachette, veille sa dépouille pendant toute une nuit.

Aya va à la plage (2015, 1.85:1, Dolby Digital 2.0, 19’), le deuxième film réalisé par Maryam Touzani. Aya, 10 ans, travaille comme domestique. Elle et Habiba, une vieille voisine, attendent avec impatience de retrouver la famille pendant la fête de l’aïd… Prix du public au festival du film de femmes du Caire.

Bande-annonce (1’38”).

Le Bleu du Caftan

Image - 4,5 / 5

L’image numérique, au ratio 1.85:1, bien résolue, affiche des couleurs naturelles bien étalonnées et délicatement contrastées, avec de beaux clairs-obscurs.

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby Digital 5.1 (avec une alternative 2.0 stéréo) assure la clarté des dialogues, dans un bon équilibre avec l’accompagnement musical et l’ambiance. La concentration du signal sur les canaux frontaux limite la sensation d’immersion dans l’action.

Ce constat vaut pour le doublage en français avec des dialogues au timbre un peu mat.

Crédits images : © Les Films du Nouveau Monde - Ali n’ Productions - Velvet Films - Snowglobe

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 8 septembre 2023
Le Bleu du caftan, primé à Cannes par la critique internationale, réussit, pudiquement, mais sans détours, avec une grande économie de dialogues et d’effets de style, à faire ressentir ce que peut être la vie d’un homosexuel, en permanence exposé au risque de voir, à tout moment, sa vie brisée si son secret venait à être découvert.

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