Réalisé par Elliot Silverstein
Avec
Richard Harris, Judith Anderson et Jean Gascon
Édité par CBS
L’année 1970 marque décidément un tournant dans la
perspective
hollywoodienne qu’ont les américains de leurs frères
indiens-américains. L’indien n’est plus un empêcheur de
s’installer en rond ni un « sauvage » dont le gentil cow-boy
eut bien raison de se débarrasser mais un être humain doué
d’esprit, capable de dompter le visible et l’invisible et
dont la culture n’a malheureusement que très mal survécue aux
assauts répétés de la colonisation. Subitement, les indiens
deviennent à leur tour les gentils de l’Histoire, véritables
héros, supérieurs en tous points (excepté militairement) à
l’homme blanc que l’avidité, l’alcool et la violence rongent.
Tardive reconnaissance des américains pour la culture
indienne mais reconnaissance tout de même qui assoit les
principes de respect et de tolérance au travers d’un poignant
mea culpa cinématographique. 2 mea culpa pour être
tout-à-fait exact car cette année-là l’industrie
hollywoodienne sort deux joyaux du Western ; « Un Homme
nommé Cheval » et Little Big Man. Si le premier a
l’infini mérite d’exposer au monde ce que fut la culture
indienne, le deuxième dénonce le génocide pratiqué par les
blancs envers le peuple indiens.
Pourtant sorti en avril 1970, « Un Homme nommé Cheval » se
verra éclipsé par Little Big Man, sorti en décembre
de la même année, dont le ton radical (brossant un tableau
d’une Amérique honteuse), la mise en scène efficace et
l’interprétation mémorable signée Hoffman séduiront davantage
les foules. « Un Homme nommé Cheval » est alors relégué au
rang de simple documentaire sur les us et coutumes des
Indiens puis, suite aux attaques répétés de nombre de
détracteurs, à celui de curiosité abusivement qualifiée de
malsaine. Pourquoi tant de mépris et de haine ? Tout
d’abord parce que le film est le premier d’une longue série
qui éclaire la culture indienne sous un jour nouveau :
celui de l’intérêt et du respect. Pas question que le film
prenne la forme d’un compromis. Mais « Un Homme nommé Cheval »
manque de courage et choisit pour héros un blanc, un
anglais, sorte de leader travesti en observateur qui mènera
(diront les mauvaises langues) les bons petits indiens vers
leur salut militaire. « Premier rang, un genou à terre,
deuxième rang à mon commandement ». John Morgan
outrepasse par cette simple phrase sa fonction, celle de
reporter pour s’élever au rang de sauveur…cette promotion
qu’obtient le personnage, maladroitement amenée, prête à
confusion et trahit involontairement le sens du propos ;
elle justifie à nouveau la domination du peuple indien.
Autre maladresse de style. Le parti pris voyeuriste qui
montre jusque dans les moindres détails la violente rudesse
et l’implacable sang-froid développés par les pratiques
magico-religieuses des indiens. Le rite du dévouement au
Soleil, interdit par le gouvernement américain, est une des
scènes qui aura fait couler le plus d’encre. S’agit-il dans
le film d’une reconstitution impartiale ou d’une forme plus
sournoise de dénonciation ? Montre-t-on ici l’incroyable
résistance qu’une telle pratique requérait ou expose-t-on la
cruauté sadique d’une cérémonie barbare ? La scène est
ambiguë et prête une fois encore à confusion. L’exactitude du
rite est de surcroît contestée…bref, on ressent aujourd’hui
plus qu’hier un malaise embarrassé face à la duplicité de la
mise en scène. Duplicité que vient heureusement atténuer la
plastique ciselée de la réalisation. Plans de ciels
enflammés, peintures guerrières sur des peaux lisses qu’une
lumière délicate vient baigner. Chaque scène ressemble à un
tableau. Chaque tableau à un livre d’images richement décoré.
Problème de ce type de réalisation stylisée, l’inévitable
vernis aseptisé qui enlève aux séquences une part de chaleur
pourtant nécessaire. Faut-il faire montre de passion pour
oser ce virage à 180° qui affirme non seulement que l’indien
a droit à la dignité mais aussi au plus parfait respect
compte tenu de l’inestimable richesse et de l’ensorcelante
complexité de sa culture.
L’oeuvre mérite davantage de passion ! On ne filme pas
les indiens comme on filme une quelconque publicité.
L’esthétisme de l’image est une tendance fort honorable. Mais
poussé à son paroxysme, il peut conduire à une chirurgie
déshumanisante du sujet. Ici le mieux a été l’ennemi du bien
mais on ne peut en vouloir à Elliot Silverstein, le
réalisateur, qui signait avec « Un Homme nommé Cheval » l’une
de ses rares adaptations au cinéma. N’est pas Arthur Penn qui
veut !!! Et Silverstein dépassionne à dessein son oeuvre
de peur de prendre position. Il enracine alors très
intelligemment son histoire dans le documentaire à grand
spectacle, livrant ainsi un témoignage somme toute vibrant de
ce que fût la culture indienne tout en évitant soigneusement
d’évoquer le choc fracassant que la rencontre avec l’Occident
devait lui faire subir. Scènes après scènes, il s’attache
alors à déshabiller son héros pour lui tailler un vêtement
d’indien composé des pièces chères à cette civilisation. La
nudité de Harris dans le rôle de Morgane étale sa marginalité
complète à l’arrivée dans le camp. Son pagne et son bandana,
une farouche détermination à entrer dans le cercle.
Symbolique la plume manifestera son intégration reconnue à la
tribu comme membre à part entière. Simplifiant au maximum les
ficelles du scénario, Silverstein se concentre sur le détail
qui fera toute la différence. Rendre le film criant de
sincérité ; tel est l’objectif avoué. Et ça
fonctionne !
Personnages épais, rebondissements fournis (au traitement
certes elliptique mais à la redoutable efficacité),
interprétations justes au service d’une reconstitution qui ne
manque ni de brio, ni de panache. Le tout agrémenté d’un
montage psychédélique, très marqué 70, favorisant la rêverie
romantico-religieuse célébrée par les Indiens. Au final,
Silverstein signe une oeuvre anticonformiste dénuée de toute
radicalité mais dont la liberté de style, de ton et d’idées
(rappelons que la culture indienne est ici dominante) offre
la réjouissante perspective d’un film résolument nouveau, à
part et quoiqu’on en dise, loin du politiquement correct tant
chéri par les studios.
Un film à découvrir…chef d’oeuvre de minutie dans la
description détaillée d’une culture fort mal connue et qui
gagne à l’être. Plus qu’un Western…un film
fleuve !!!
Menus fixes, absence de transitions, inexistences des bonus,
pas même une bande-annonce, l’éditeur livre avec le DVD de »
Un Homme nommé Cheval » le minimorum. Le film et rien
d’autre. Espérons que cela ne devienne pas une fâcheuse
habitude d’autant que son catalogue regorge de titres très
attendus qui méritent autre chose qu’une édition simple
DVD.
Côté image et son, la qualité de la remasterisation est
flagrante, réunissant pour le dévédéphiles des conditions
d’écoute et de vision excellentes pour un film âgé de 34 ans.
Un travail soigné que la pochette aura omis de mettre en
valeur, étalant une sélection de photos bien pâlichonnes en
comparaison de ce que vous verrez à l’écran.
L’éditeur s’est clairement muré dans son refus de bien
empaqueter le film. Dommage !!! Il faudra vous fier au
bouche-à-oreille et vous résoudre à aller plus loin que
l’absence de bonus et un packaging raté. » Un Homme nommé
Cheval » récompensera largement ces efforts.
C’est un véritable scandale qu’on sorte encore de telles éditions. Evitons la langue de bois et disons les choses franchement, c’est du travail bâclé qui dissimule on ne sait quelles fumeuses excuses. C’est à se demander si l’éditeur a bien compris l’enjeu du support. Un DVD doit offrir un minimum d’interactivité. Seule interactivité autorisée sur cette édition : le choix des langues. Merveilleux !!! Mais ne vous inquiétez pas ! Si vous êtes nombreux à l’acheter, l’éditeur en profitera pour orchestrer une ressortie labellisée « édition spéciale » ou « collector ». Démonstration est faite froidement que le DVD est aussi une industrie…ça se passe de tout autre commentaire !!!
Dès les premiers plans, on a du mal à croire que le film fût
âgé de 34 ans. Tâches et bruits sur l’image ont été retirés,
les contrastes subtilement appuyés, les contours précisés.
Autant dire que Paramount livre ici un travail de toute
beauté. Seul subsiste un léger grain qu’un retraitement
coûteux aurait pu éliminer mais sa présence quasi
imperceptible ne gênera en rien le visionnage de votre DVD.
Pour faire court, on est loin, très loin de l’ignominieuse
édition de Il était une fois la révolution.
L’éditeur a ici fort bien saisi l’importance quant à la
nécessité d’offrir une excellente qualité d’image. « Un Homme
nommé Cheval » en ressort transfiguré. Le coucher du Soleil,
la danse autour du feu, l’amplitude du décor, la richesse des
maquillages auraient eu à pâtir d’une image moyenne voire
floutée ou bruitée. Ce nouveau transfert vous invitera à être
attentif au moindre détail et à pleinement profiter du soin
méticuleux apporté à cette gigantesque reconstitution.
Hautement réjouissant !
Côté bande-son, le retravail est également d’un très haut
niveau avec remasterisation complète et nuancée de la V.O.
Dolby Digital 5.1 oblige, vous obtiendrez, grâce à une
installation adéquate, la présence de basses propres à
l’intensité dramatique et / ou héroïque de nombreux passages
sans pour autant vous priver du spectre des aigus.
Hennissements des chevaux, chants rituels, cris d’enfants,
crépitements du feu, craquements des pas, la bande-son de
« Un Homme nommé Cheval » offre une large diversité d’ambiances
parfaitement rendues par le mixage présent sur cette édition
DVD. Seule ombre au tableau, les enceintes surrounds auront
très rarement l’occasion d’être sollicitées. Une curiosité
qui dessert notamment la scène de bataille qui aurait mérité
une ampleur sonore autrement plus grande.
Français, italiens, espagnols et allemands devront se
contenter d’une piste mono d’une honnête facture. Handicapées
toutefois par un niveau de richesse considérablement moins
important, la VF vous enlèvera une vaste partie du plaisir
que vous pourrez prendre à regarder le film. L’omniprésence
des voix étouffant complètement cette diversité sonore et la
musicalité ample voulue par le réalisateur. A vous
d’apprécier…
Bon DVD nommé Cheval à toutes et tous !