Intolérable cruauté (2003) : le test complet du DVD

Intolerable Cruelty

Réalisé par Ethan Coen
Avec George Clooney, Catherine Zeta-Jones et Geoffrey Rush

Édité par Universal Pictures Home Entertainment

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Le 24/06/2004
Critique

« Intolérable Cruauté » est certainement le film le plus audacieux que les frères Coen aient tenté. Tout simplement parce qu’il correspond peu à leur style, s’éloigne de leur personnages et intrigues habituels pour s’aventurer aux entournures sur le terrain des films commerciaux. Ca y est, c’est dit ! Oui… frérot et frérot ont cédé aux sirènes hollywoodiennes. Celles qui leur murmuraient à l’oreille, depuis un certains temps, de rentrer dans le rang, de raconter des histoires moins compliquées, moins décalées, moins déjantées qu’à leur habitude et d’illustrer leur propos par la présence de stars « incontournables » (comprenez « bankable »). De celles dont il suffit d’agiter le nom pour voir rappliquer les millions. George Clooney et Catherine Zeta-Jones… de la star bien vogue « top fashion » dont la seule présence suffit à secouer le Box Office comme un vulgaire prunier. Avec deux stars de ce calibre, tout ratage est improbable si ce n’est impossible !!! Les Coen sont-il pour autant devenu les rois du Blockbuster ? Loin s’en faut puisque les frères, incorrigibles garnements, n’ont pu s’empêcher de pervertir le conte de fées et de le transformer en fable cynique sur la Vie, l’Amour et le Monde.

Taillé (en apparence) comme un vaudevillesque mélo, « Intolérable Cruauté » doit avant tout à l’interprétation cabotine d’un George Clooney prêt à toutes les frasques et d’une Catherine Zeta-Jones plus ravissante que jamais. Autour d’eux, pléthore de personnages excentriques habités par la fine fleur des comédiens américains. De ceux qui soignent leurs apparitions tels que le protéiforme Billy Bob Thornton ici incarnant un Texan benêt et gouailleur ou encore le mésestimé Geoffroy Rush que le rôle de producteur de télé (réalité) cocufié puis ruiné par sa femme n’a pas le moins du monde effrayé. Enfin, à saluer chapeau très bas la performance de Tom Aldredge alias Herb Myerson, mémorable (le mot est faible) en patron du cabinet d’avocat déifié ou plutôt diabolisé par ses subalternes. Ajoutez à cela l’immense talent des frères Coen pour filmer ces artistes dans les postures les plus incongrues au service de dialogues farfelues et de situations inattendues et vous voilà entrés dans le coeur du réacteur. La machinerie Coen dans ce qu’elle a de plus géniale. Surprendre en racontant ce que jamais personne n’a raconté, c’est bien là leur spécificité. Arizona Junior, Barton Fink, The Big Lebowski,… n’ont eu à ce jour d’autres échos que le leur. Inimitables, infalsifiables, personne n’a à ce jour osé pillé dans l’imagerie des Coen. Pourquoi ? Parce que ce serait comme piller dans l’imagerie d’un Woody Allen. C’est invendable et surtout inutilisable si on ne fait pas un film de ou sur Woody Allen.

La comparaison n’est pas anodine d’ailleurs. Comme Allen, la vision des Coen est européenne. Comme Allen, les sujets sont psychanalytiques. Comme Allen, le niveau du propos est élevé. Comme Allen, les frères ont souvent été sévèrement sanctionnés… par le public jamais par la critique. Un Coen est une marque déposée garante d’un cinéma d’auteur à plusieurs niveaux de lectures. Allen / Coen même combat ? Pas vraiment car si Allen tourne autour d’un univers parfaitement balisé, les Coen explorent constamment de nouveau genre, de nouveaux styles et de nouveaux sujets. Mais à la comédie romantique, ils ne se sont encore jamais essayés et ne sont pas prêt de le faire. En effet, « Intolérable Cruauté » est tout sauf une comédie romantique contrairement à ce qu’il y paraît. D’abord parce qu’il ne peut y avoir d’issue heureuse… impossible d’y apposer le fameux happy End. Pensez à l’accroche française parfaitement justifiée « avant toutes choses, neutraliser l’ennemi ». Pour une fois, les as du marketing ont tout compris, nous allons nous intéresser à deux prédateurs. Le Lion et la Panthère dont la coexistence pacifique est hors de portée, à fortiori celle amoureuse… on se chamaille, on se piétine, on cherche qui sera le « dindon de la farce » mais en aucune manière, on ne cherche en l’autre l’âme soeur !!! Trop avides, trop roués, trop carnassiers pour cela. Puis vient l’intrigue qui confirme nos soupçons : l’arnaque à grand échelle, la tentative de meurtre, le divorce à épisodes… tout ceci ne s’arrêtera que par un soi-disant équilibre des fortunes. Ni dupeur, ni dupé, les compteurs de nouveau à zéro… les belligérants sont prêts aussitôt à recommencer !

Mais alors, dans quelle catégorie classer « Intolérable Cruauté » ? Comédie dramatique me semble tout à fait approprié compte tenu du traitement et du sujet. « Intolérable Cruauté » est une satire du début jusqu‘à la fin. Et les Coen, pamphlétaires obstinés, ont ingénieusement choisi la romance pour mieux faire passer le message. Mais derrière ce déballage de bons sentiments se cache une violente diatribe sur les rapports humains. Derrière l’Amour, l’Argent… derrière la romance, une émission de télé réalité… Première séquence, le producteur télé qui introduit le propos. On va parler tromperie, trahison et divorce. Gus petch, « ass nailer » (comprenez niqueur de fessiers en traduction française non édulcorée), filmera caméra à l’épaule la trahison de Rex Rexroth… une technique utilisée largement par la télé réalité puis les débats devant la Cour de Justice qui ne sont pas sans rappeler ces divorces people qui alimentent les « Voici », « Paris-Match » et autres littératures relais de la télé spectacle ! Le mariage télévisé, le discours devant l’assemblée pour terminer par un petit morceau de snuff movie (films dans lequel la mort accidentelle ou provoquée du héros est filmée) dans la gigantesque maison de Miles Massey. Le plan final est sans équivoque… oui tout cela n’était qu’un jeu. Dans « Intolérable Cruauté », de l’Amour mais pas de Hasard, juste les pièces rutilantes disposées sur un grand échiquier où chaque coup décide du destin d’autrui.

Aucun altruisme pourtant. Bien au contraire, l’ego est une fin ; ne jamais être « le dindon de la farce ». L’accepter sonnerait la fin de partie et la mort du faible impardonnable pour cette lâcheté. Y a-t-il vision plus cynique ? Point d’Amour en ce monde, point de sincérité, uniquement des cibles et des prédateurs. Commercial, vous avez bien dit commercial???… peut-être mais ce n’est que le premier niveau de lecture. Pour celui qui regarde au-delà de la surface, « Intolérable Cruauté » dessine une intolérable vérité. Celle de l’avidité mesquine du genre humain qui spolie les faibles et récompense les forts. Dialogues brillants, portraits cinglants, narration visionnaire… les Coen ont été une fois de plus très inspirés. « Intolérable Cruauté » est un pernicieux délice à savourer…

Présentation - 3,0 / 5

Edition simple DVD pour un film de ce calibre. La timidité de l’éditeur sur ce titre est décidément incompréhensible à moins qu’il n’ait délibérément eu envie de saboter sa sortie vidéo. « Intolérable Cruauté » est une perle qui méritait un autre écrin. L’explication du plantage commercial ne peut même pas être avancée lorsqu’on sait que « Intolérable Cruauté » a franchi haut la main la barre des 1,2 millions d’entrées cinéma et qu’il constitue avec O’Brother l’un des plus beaux cartons des frères Coen au Box Office français.

Packaging à petit budget et suppléments bas de plafond, voilà tout ce que l’éditeur a trouvé pour mettre « Intolérable Cruauté » en valeur ! Une Honte !!! L’image et le son ont, eux, bénéficié d’un traitement beaucoup plus sérieux, ce qui nous soulage d’un doute affreux. Quand l’éditeur veut, il peut !!! Alors pourquoi n’avoir pas voulu faire de l’édition d’ « Intolérable Cruauté » un DVD d’exception ??? D’autant plus qu’il y avait matière…

Vous aurez, malgré tout, droit à la petite introduction avec animation, image du film et musique signée Carter Burwell (compositeur officiel des frères Coen). Entre chaque menu, une transition différente et cette même musique qui rappelle les variations irrévérencieuses du célébrissime thème de la Panthère Rose. Une bien agréable bouée dans cet océan de déception que l’on doit à un sursaut de lucidité de la part de l’éditeur. Rappelons que cette édition contient un film très réussi des frères Coen… il était grand temps, par cette trop discrète attention, de le signaler !!!

Bonus - 1,0 / 5

Une featurette commerciale, 1 mini-sujet sur la garde-robe et un bêtisier… autrement dit rien de solide à se mettre sous la dent. Obsédante question que de savoir ce qui a bien pu piquer l’éditeur pour nous sortir une édition aussi peu fournie ! Des frères Coen absents ou presque, une génèse du projet à peine évoquée, une écriture dont on tait le style, un tournage passé sous silence, des acteurs limités à un simple travail de promotion. Tout se passe comme si les Coen avaient eu honte de ce film et avaient demandé aux acteurs et producteurs de faire le moins de bruit possible pour accompagner sa sortie en DVD. Une théorie du complot mystérieusement séduisante mais sans doute démesurée par rapport à ce qu’est la réalité ; un manque d’effort évident de la part des producteurs pour fournir à l’édition DVD des suppléments intéressants. Attention ! Trou noir…


Coulisses du film (11’38 - VOST)

La sacro-sainte featurette comme en voit des milliers, des millions, des milliards… enfin trop… tellement qu’on finit par en connaître les codes par coeur et que l’on peut immédiatement percevoir dès les premières secondes si l’on va en retirer un petit quelque chose ou si l’on va s’ennuyer ferme ! Ici… pas de doute, c’est une traversée du désert en première classe. Vous n’apprendrez rien de rien ! Tout le monde était excité à l’idée de faire le film, on s’est choisi, on s’est aimé, on a adoré travailler ensemble… tout ceci entrecoupé d’extraits et de furtives images de tournage sans oublier la présence subliminale des frères Coen, peu bavards mais ça on le savait d’avance. C’est un traditionnelle séance de léchage de bottes (comme seule Hollywood sait nous les mitonner), indispensable aux acteurs pour se recaser, nécessaire aux réalisateurs pour se faire apprécier, chère aux producteurs pour améliorer leur image et accueillir de nouveaux projets. Et le spectateur dans tout cela ? Il attend 11’38 qu’on ait l’obligeance de bien vouloir finir de se congratuler pour parler du film et de sa matière. Une attente obstinément contrariée !!!

La Garde Robe (5’09 - VOST)

Le chef d’oeuvre !!! La Palme des bonus… incontestablement ! La garde robe consiste en 1 mini sujet sur les costumes créés pour le tournage du film. Même si ce n’est pas forcément la première chose qui vienne à l’esprit concernant « Intolérable Cruauté », on était en droit d’attendre un sujet sérieux avec modélisation, extraits des films de référence, cahier des charges des Coen… bref une démonstration de la manière dont les costumes contribuaient à l’atmosphère hautement stylisée du film. Mais encore une fois, l’éditeur s’empresse de ficeler un mini-reportages vidéo des plus grotesques qui évite soigneusement de traiter le sujet et se contente d’enfoncer des portes ouvertes. Franchement, a-t-on besoin de la chef costumière pour nous dire que le costume de George Clooney est taillé sur le modèle de ceux de Cary Grant ? Si oui, le reportage vous intéressera peut-être. Si non, zappez ces 5 minutes insupportables.

Le Bêtisier

Là aussi ! C’est un peu le passage obligé de toute comédie hollywoodienne qui se respecte !!! Celui-ci n’est ni pire ni meilleur qu’un autre. Il est tout simplement dispensable compte tenu du peu de gaffes drôles. Ce bêtisier comprend 4 sous-menus. Chaque sous-menu regroupe les gaffes d’un acteur en particulier.

- Tout le monde mange des baies (1’19 – VOST) : la même phrase inlassablement répétée pendant 1’19… fatigant !
- George Clooney (1’28 – VOST) : Un George Clooney dans ses oeuvres à ne pas manquer
- Catherine Zeta-Jones (56” – VOST) : moins drôle que celui de George Clooney mais drôle quand même
- Film Amateur de Rex Rexroth (3’23 – VOST) : inutile voire incompréhensible. L’éditeur s’est-il trompé de section ?

Pas la moindre bande-annonce, ni le moindre spot télé… c’est fâcheux mais que voulez-vous, c’est l’ « Intolérable Cruauté » de la vie !!!

Image - 4,0 / 5

Très belle image, magnifiquement contrastée, légèrement saturée pour discrètement valoriser l’utilisation de filtres. Les Coen peu habitués à des teintes aussi aseptisés livrent un travail différent de ce qu’ils ont coutûme de montrer. Un travail sur l’image dans la lignée de Miller’s Crossing mais en moins sombre. La compression et la netteté, tout comme sur le DVD de Miller’s Crossing, suivent sans jamais faire défaut ni à l’ambiance ni aux lumières, ni même aux couleurs utilisées.

Toutefois, il est quand même important de signaler que la difficulté dans le transfert est ici très nettement atténuée. On se souvient des tons écrus de Fargo ou bien du Noir & Blanc richement habillé de The Barber qui avaient nécessité un travail de restitution amplement plus fastidieux. Ici, les filtres tamisent très souvent les lumières qui ne cessent de donner plans après plans un éclairage faussement romantique au film. Les acteurs, les costumes et les décors font le reste. Par conséquent, pas de vrai défi pour ce transfert vidéo.

Seule partie légèrement ardue : le chassé-croisé nocturne dans l’appartement de Miles Massey mais le DVD s’en sort admirablement tant dans la gestion des couleurs sombres que dans celle de l’action. Sans être exceptionnelle par définition, l’image sert ici très brillamment le propos. Ni gels, ni pixellisations, ni arrière-plans imprécis. On n’en demandait ni plus ni moins.

Son - 4,0 / 5

Carter Burwell signe (une fois de plus) une magnifique bande-son décalée à souhait qui oscille entre variations saxo type année 70 et thèmes mémorables de comédies marquées année 50. Entre Peter Sellers et Cary Grant, « Intolérable Cruauté » trouve son style à la croisée des chemins. On imaginait mal avant de l’entendre un tel mélange… et pourtant, le résulat est assez époustouflant. Du Burwell pur sucre dont l’audace est inhérente au style des frères Coen. Cette édition DVD lui rend hommage en la répartissant avec homogénéité entre tous les canaux.

Hé oui ! Là encore les frères Coen peuvent se targuer de créer un précédent. Généralement, les comédies concentrent ce qu’elles ont de partition musicale vers l’avant. Ici, ça n’est pas le cas et c’est heureux. Mais présente ne veut pas dire omniprésente, il reste de la place pour les bruitages et les voix, claires et détachées. Des voix et des accents qui (ne l’oublions pas) participent à la renommée et aux succès des frères Coen. Comment oublier ici celui de Heinz, the Baron Krauss von Espy ? Ou bien celui de Gus Petch ? Ou encore celui de Weezy Joe ? ? ?

Vous l’aurez compris ! Evitez à tout prix de regarder ce film en VF ou vous perdrez la moitié de son intérêt. Le doublage français est des plus médiocres avec des voix soit outrancières, soit insipides… pas de juste milieu… et des dialogues honteusement édulcorés (La France serait-elle devenue subitement pudibonde ?). Seule solution pour bien apprécier ce film la VO sous-titrée ou pas… puisque vous avez le choix. Aucune différence majeure entre les pistes proposées DTS ou Dolby Digital 5.1. Seul immense regret… l’absence d’une piste DTS en anglais. Tant pis, espérons que cela soit pour une prochaine édition largement plus fournie.


Au programme ce soir, torture morale et guerre des nerfs… excellente projection !!!

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Rétroprojecteur Toshiba 43PH14P
  • Toshiba SD-330ES
  • Onkyo TX-DS797
  • système d'enceinte 5.1 Triangle
Note du disque
Avis

Moyenne

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Yvan
Le 3 mars 2006
Pas de commentaire.
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shiryu
Le 14 novembre 2004
Un humour décalé digne des frères Cohen ... Même si y' a que Joel :p

Un George Clooney dans un nouveau rôle original comme il aime tant représenter,
Un avocat spécialisé dans les divorses avec ce stics et facon d'agir un peu "hors norme"

Catherine tient dans ce film un rôle lui aussi bien complet et travaillé,
Et rend le couple satr de ce film vraiment plaisant à découvrir et à suivre !
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Marielle
Le 3 octobre 2004
Pas de commentaire.

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