Réalisé par Anthony Russo
Avec
William H. Macy, Isaiah Washington et Sam Rockwell
Édité par Metropolitan Film & Video
Bienvenue à Collinwood ! A ma gauche ses bidonvilles, à ma
droite ses pénitenciers et au centre ses stars du cambriolage
armées d’outils défectueux, de physiques désavantageux sans
parler de leur sévère malchance. Et vous croyez que ça les
décourage ? Bien au contraire, ils sont de la race des
besogneux, des infatigables, des résistants… bref de ceux
qui ne s’arrêtent jamais et persistent malgré l’échec. Tous
droits sortis d’un roman de Zola, leur pauvreté n’a d’égale
que leur incapacité à mener à bien le plus petit des
cambriolages. C’est par-dessus tout ce qui les rend
sympathiques et formidablement attachants.
Ces citoyens de Collinwood sont de véritables rescapés du
rêve américain. Ils ont eu tout le loisir de voir les autres
en profiter et l’amertume de n’en savourer que les miettes.
Pourtant, ils y croyaient dur comme fer (témoin cette
pancarte des années 60 qui annonce lotissements modernes et
industries de pointe). Oui mais voilà ! Cleveland a payé,
plus que tout autres villes, la facture de la
désindustrialisation et présenté la note à ses habitants. Des
quartiers comme Collinwood, il y en a des dizaines
aujourd’hui mais aucun ne regorgent d’autant de personnages
aussi improbables et truculents… de magouilleurs prêts à
tout pour réussir leur « Bellini »(comprendre le gros coup
facile et rentable qui leur assurera une place au soleil).
Motivation première : s’en sortir coûte que coûte !!!
A la manière des ferrailleurs de The Full Monty, leur
détermination est une conséquence de leur pauvreté et de leur
statut d’éternels « losers ». Ils n’ont plus grand-chose à
perdre dans l’existence mais poursuivent le rêve,
invraisemblable et fou, de s’en sortir… sortir de
Collinwood quitte à mettre en jeu leur vie, leur liberté,
leur couple ou leurs dernières économies. De leur détresse la
plus profonde (un homme seul et son bébé, un vieillard dans
la précarité, un boxeur raté…) émane un comique burlesque
et poétique. Leur drame engendre la farce et leurs
mésaventures le vaudeville. Ils sont le gaffeur, le
maladroit, le clown qui sommeille en nous et bien plus
encore… ils sont ce qu’on rêve parfois d’être : de »
gentils vauriens ».
C’est pour cela qu’on s’y attache ! Sans aller jusqu’à
espérer leur succès (sinon plus de gags), on espère même
qu’ils vont s’en sortir… pas de Collinwood mais du pétrin
dans lequel leur imagination fertile les a embarqués.
Remarquablement ciselé et parfaitement mis en scène, chacun
des rebondissements de l’histoire assure le divertissement et
le scénario (astucieusement construit sur le mode de
l’arnaqueur arnaqué) en regorge. Il faut les voir ces
braqueurs du dimanche échafauder des plans dignes d’un James
Bond et les exécuter en slip. Du grand Art qui a réclamé de
grands artistes !!!
Doté d’un casting éblouissant (Sam Rockwell, Michael Jeter,
Luis Guzman, William H. Macy…) qui se résume à »pas de
stars, que du talent », le film bénéficie d’une réalisation
ingénieuse soutenue par une mise en scène vigilantes. Aux
commandes, deux frères qui n’ont pas fini de faire parler
d’eux et dont la vision oscille entre Chaplin, Keaton (génies
du muet) et les Coen (autres frangins inspirés). Leur
trouvaille : remanier une comédie européenne poussiéreuse des
années 50, intitulée Le Pigeon réalisée par le grand
Mario Monicelli, et dont le succès monumental de l’époque
avait su déjà en son temps renouveler le genre. Pour les
aider dans cette tâche, Steven Soderbergh et George Clooney
endossent le rôle de producteurs.
Ca tombe plutôt bien ! Ils avaient envie de produire… mais
pas n’importe quoi. Hors de question de faire un film « de
studio » avec stars et grosses ficelles. Non ! Ils en ont eu
tous deux leur dose. Ils veulent produire autre chose… du
cinéma indépendant… décalé… déjanté avec des sujets qui
les emmènent à la découverte d’autres territoires. »
Bienvenue à Collinwood » est synonyme de mission accomplie et
annonce un autre ovni tout aussi enthousiasmant, Confessions
d’un Homme dangereux. Comédies ultra réalistes,
intemporelles, incomparables et inclassables, elles sonnent
le renouveau du comique américain.
Par son extraordinaire virtuosité, sa subtile légèreté, sa
verve malicieuse, « Bienvenue à Collinwood » a ouvert la
voie. Comme nombre d’uvres géniales, beaucoup (dont je fais
parti) sont passés à côté lors de sa sortie en salles. Ne
passez pas à côté lors de sa sortie DVD… ce serait pêché
!!!
Considérant le soin tout particulier apporté à la présentation
et l’excellence de l’image, je serai assez grand seigneur
pour accorder une note de 3. Vous auriez mis moins ? Bande de
sans-coeur !!! Il est vrai que la pochette jaune et blanche
(nous rappelons qu’il s’agit là d’une édition prestige) aura
du mal à permettre au DVD de trôner fièrement parmi les
autres titres de votre dévédéthèque. Il est aussi vrai que le
nombre et le caractère des bonus (nous rappelons de nouveau
que nous avons entre les mains une édition prestige) amène à
penser que l’éditeur a le prestige modeste. Pour terminer, le
système de sélection des pistes-sons (oui c’est bien d’une
édition prestige dont on parle) doté d’un choix bourru entre
VF ou VOST n’a pas non plus l’ergonomie prestigieuse.
Mais alors, pourquoi cette note de 3 ??? Principalement pour
deux raisons. Primo, le film au transfert vidéo admirable
suffit à transformer cette édition DVD en édition de
prestige. C’est assez rare pour être souligné et trop
insolite pour n’être pas encouragé. « Bienvenue à Collinwood
» est un échec cinglant (il a dû sortir dans une trentaine de
salles). Combien d’éditeurs auraient jeté l’éponge et sorti
ce titre sans respecter ni sa valeur, ni les choix
artistiques originaux. Combien auraient eu l’incorrection de
le distribuer sous un format recadré avec une piste-son 2.0
(quand ça n’est pas un calamiteux mono) et un master
fourmillant de bruits et de tâches de toutes sortes. Ca ne
veut pas dire que l’éditeur n’aurait pas pu faire mieux
(c’est une note de 3, pas de 5) mais il a accompli au-delà de
ce qu’on aurait pu espérer après le peu de crédit accordé au
film lors de sa sortie en salles.
Secondo, « Bienvenue à Collinwood » est un ovni, une oeuvre »
perchée » dont on se demande comment elle a bien pu voir le
jour. Pour approcher un vague début d’explication, il aurait
fallu les 12 heures de bonus du
Seigneur des Anneaux version
longue. Vous imaginez ??? Les influences du film sont
légions et on assiste avec « Bienvenue à Collinwood » à la
collision des cinémas italiens, américains, français,
anglais… c’est d’une telle complexité que lorsqu’on
interroge les réalisateurs, ils restent eux-mêmes sans voix
et bredouillent d’affligeantes banalités.
Peut-être parce qu’ils ne savent pas par où commencer (tant
le film est dense et difficile à résumer), sans doute parce
que cette alchimie parfaitement retranscrite à l’écran tient
d’une inexplicable magie qui dépasse largement ses créateurs.
Le parti prix d’inclure des bonus qui n’ont rien avoir avec la
choucroute n’est pas une mauvaise idée. Bien au contraire,
c’est l’occasion d’en apprendre un peu plus sur ce si bizarre
et intéressant casting. Avec beaucoup d’humour et de
modestie, ces suppléments (regroupés sous l’appellation de »
butin ») donnent tour à tour la parole aux acteurs,
réalisateurs, producteurs et parvient on ne sait trop comment
(ça doit venir de la magie du film) à nous donner une
indication sur l’esprit qui a régné lors du tournage. Sinon
le prestige, c’est en tout cas un exploit que de nous faire
toucher à la folie géniale des artisans de cette drôle de
comédie. Etes-vous prêts pour cette séquence de
presti(ge)digitation ?
Collinwood non censuré (12’39 - VOST)
Au lieu d’un making of (coulisses du tournage), c’est à un
véritable making off (coulisses habituellement cachées)
auquel vous allez assister ! Les règles sont simples : il n’y
en a aucune et les acteurs, souvent encadrés par la
production, se lâchent ici littéralement. 12 minutes
d’improvisations avec au programme reportages et interviews
bidons, blagues en dessous de la ceinture, chansons
explicites au titres évocateurs et partie de basketball
entrecoupée d’une séance d’autographe. Bref, les turpitudes
quotidiennes du pénible travail d’acteur. Il y a bien
quelques extraits qui émaillent par ci par là cette franche
partie de rigolade mais c’est tellement anecdotique qu’on
évitera de s’y attarder. Niveau montage, c’est n’importe
quoi, l’image est imprécise, le son c’est pas vraiment ça
mais on s’en fout royalement car à première vue, on n’est
vraiment pas là pour ça. L’objectif de cette pièce de
résistance est de faire toucher du doigt l’ambiance
folklorique d’un tournage. Tous les artistes sont là ! Ils
attendent, apprennent à se connaître, entrent dans leur rôle
sans avoir peur ni du ridicule ni du grotesque. Le tournage
d’une comédie, c’est avant tout laisser son sérieux au
placard pour endosser le rôle de clown. Mais quelques images
valent mieux que de longs discours. Regardez et juger…
c’est en direct, non censuré et stupéfiant de sincérité ! A
découvrir !!!
Autour du film (7’06 - VOST)
Le premier (supplément) qui devient sérieux a perdu et en
l’occurrence, « autour du film » se classe largement en tête
des bonus les moins intéressants de cette édition. On a
d’ailleurs beaucoup de mal à comprendre ce besoin sordide
qu’ont les équipes de films de s’adonner à cet improbable
racolage, pour ne pas dire cette affligeante prostitution. »
Ces réalisateurs ont énormément de talent », « ils savent
précisément ce qu’ils veulent » , »ils ont le film dans la
tête », « ils sont comme un cerveau à 4 pattes », « je ne me
souviens pas leur avoir parlé séparément, ensemble ils
donnent une cohésion au film », voici quelques extraits tirés
de cette interminable série d’entretiens navrants censés nous
éclairer sur la fabrication du film. Quant aux réalisateurs,
les entendre parler de « Bienvenue à Collinwood » vous fait
vous demander si ils l’ont bien réalisé. Seul Soderbergh s’en
tire avec les honneurs. Posément, il décrit de manière très
détaillée le ton du film, l’ambiance souhaitée, le choix du
lieu et s’attarde même sur la direction d’acteurs. La
précision dont il fait preuve et l’intelligence avec laquelle
il développe son point de vue sort très nettement du lot et
montre l’influence décisive que son expérience et la
radicalité de ses choix a pu avoir sur le film. Et si
Soderbergh ne s’était pas contenté de produire ?
Du Pigeon à Collinwood (5’16 - VOST)
Séquence nostalgie ! Et pour être tout à fait nostalgique,
l’éditeur s’est contenté de faire défiler un texte narrant
l’histoire des illustres prédécesseurs de « Bienvenue à
Collinwood ». Bien que peu élaborée, cette partie demeure
néanmoins fort instructive et vous en apprend davantage, à
travers le visionnage de la bande-annonce, sur l’influence
exercée par l’oeuvre originale (Le Pigeon tournée en
1958). La comparaison en termes de rythme et de gags
s’imposera immédiatement. Une question… je peux ? Pourquoi
cette bande-annonce n’est-elle pas présentée en VOST ? compte
tenu d’un doublage VF aussi désastreux !
Petit Lexique
L’idée est excellente et ce lexique est une mine d’or ! Bien
sûr, il n’y a que 5 expressions mais elles sont toutes
accompagnées de leur histoire et de leur extrait dans lequel
vous pourrez retrouver (en VF, non mais c’est une manie !)
leur utilisation. Si vous ne parlez pas couramment le
Collinwoodien, ce lexique vous aidera à éclairer certains
passages (notamment celui du Kapuchnik) et à mieux apprécier
le film. Très utile !
Matériel promotionnel
Cette section vous dévoilera :
Piqué exceptionnel, contrastes éblouissants, l’éditeur a fait
fort… très fort pour offrir au dévédénaute une image
sublime qui vous fera regretter de ne pas avoir investi dans
un vidéoprojecteur. Absolument reversante tant par sa
précision et sa netteté que par l’absence d’une quelconque
trace de compression, elle respecte parfaitement les teintes
et focales utilisées. Et ça n’était pas évident car l’une des
particularités du film et de changer constamment de ton, de
couleurs, de lumière afin qu’on ne puisse identifier l’époque
à laquelle se situe l’action du film.
Les personnage s’habillent façon seventies et habitent un
hangar post-industriel qui rappelle les années 80. Au beau
milieu de cet univers, un marché des années 60 avec un
personnage type »Peter Lorre »comme vendeur. Notre joyeuse
équipe de combinards utilise des objets qui ont traversé le
temps (perce-murs années 60, caméra années 70, gants de boxe
années 80…) et ont pour objectif de cambrioler un
appartement style années 50. Ce sont essentiellement les
passages dans cet appartement qui retiendront votre attention
tant ils vous sembleront tout droit sortis d’un autre âge
(comme si l’on avait peint un décor utilisé pour les films
muets).
Le DVD réagit à chacune des époques dépeintes avec la même
nuance et la même tonicité pour retranscrire somptueusement
l’identité ou plutôt les identités visuelles de « Bienvenue à
Collinwood ». Mille bravo à l’éditeur pour cette image de
très grande qualité. A vous d’apprécier…
Attention ! A peine arrivés dans le menu qui vous laisse le
choix entre les différentes pistes sonores, vous aurez un
choc. L’alternative est simple (pour ne pas dire simpliste) ;
c’est soit de la VF, soit de la VOST. Ceci laisse à supposer
deux choses. La première est que vous serez dans
l’impossibilité de goûter le film en VO sans sous-titres
(d’accord ça n’est pas essentiel mais bon… ça manque). La
deuxième, bien plus grave, est que vous n’aurez le loisir de
savourer le film ni en VF sous-titrée anglais, ni en VO
sous-titrée anglais. Certes, vous n’êtes sûrement pas légion
dans ce cas-là mais pour les rares qui auraient souhaité le
faire, c’est quand même pas de chance.
Ceci étant dit, la qualité de ce qui sortira de vos enceintes
rattrappe assez vite ce malencontreux parti pris. Toutefois,
ne vous attendez à aucun miracle. « Bienvenue à Collinwood »
n’est pas le film qui vous permettra de pleinement tester
votre installation 5.1. Les effets, présents mais nuancés,
soulignent principalement l’ambiance feutrée et la partition
musicale. C’est jovial et enlevé et demeure et vous permettra
de rester en bons termes avec vos voisins.
Le seul et unique passage qui apporte un peu de dynamique à
l’ensemble est le combat de boxe où la foule des parieurs et
des spectateurs vous entoure de leurs cris et de leurs
applaudissements. Amateurs d’effets surround, savourez-le, ce
sera bien le seul. C’est clair… bien équilibré et aérien
preuve que l’éditeur a su là encore coller à l’ambiance de
chacun des moments. Quant au choix VF / VO, la question ne se
pose pas puisque la VF bien trop portée vers l’avant vous
gâchera tout bonnement le spectacle. Préférez-lui les accents
et les intonations de la VO(ST)… vous verrez alors ce que
vous entendrez !
Collinwood vous attend… bon DVD !