Réalisé par Julien Duvivier
Avec
Fernandel, Gino Cervi et Edouard Delmont
Édité par Studiocanal
2ème partie
(1ère partie dans Le Petit Monde de Don
Camillo)
Dissocier Le Petit Monde de Don Camillo
et « Le Retour de Don Camillo » serait une erreur. Ils
forment un tout. Un seul et même film, une seule et même
entité… animée par un esprit de continuité que respecte à la
lettre le scénario de ce deuxième volet. Début enchaîné sur
le départ de Don Camillo pour cette paroisse exilée sur
décision du diocèse et avec (ne l’oublions pas) l’assentiment
de Peppone. Oui mais voilà, sans Don Camillo, plus de Peppone
et sans Peppone plus de Don Camillo. Le village se retrouve
livré à l’errance, désemparé… désorienté. Il manque un
chef ; celui de l’opposition. Une personnalité
irremplaçable qui sache tenir tête à l’intimidant Peppone.
Enchaînés comme le Ying et le Yang, Peppone et Don Camillo
ont besoin l’un de l’autre pour exister. Le concept de la
saga se précise et tout juste 1 an après la sortie du premier
volet, Duvivier / Guareschi enfoncent le clou. La voie
médiane est bien celle tracée par cette truculente saga qui
fonctionne au gré des épisodes sur le modèle action /
réaction. Et Don Camillo d’innover en construisant le tandem
Peppone / Don Camillo à la manière d’un vieux couple dont les
querelles pourtant graves se règlent à la galéjade et à la
volée de coups de bâton.
Avant-gardiste dans le propos, Don Camillo l’est aussi dans
les termes. A ce petit jeu des phrases-chocs et des bons
mots, « Le Retour de Don Camillo » se révèle encore meilleur
que Le Petit Monde de Don Camillo. »
Ce n’est pas un prêtre de 3 kilos qui va troubler l’ordre
social et politique » ou « tu iras griller en enfer
comme une châtaigne » n’ont encore aujourd’hui trouvé de
résonance que dans les textes d’Audiard. Ici c’est Giuseppe
Amato qui est crédité mais on reconnaît la patte d’un
Fernandel à l’école des Pagnol, Boyer, Aurenche,
Natanson… scénaristes et dialoguistes au prodigieux talent
dont le cinéma moderne ferait pas mal de s’inspirer. Pas de
passéisme dans le propos mais une pointe de nostalgie pour
des dialogues si bien écrits qu’ils font date quelques 50 ans
après dans l’Histoire du cinéma. L’ambition du « Retour de
Don Camillo » est très claire : transformer le coup de
maître italo-français du Le Petit Monde
de Don Camillo en carton international. Et pour cela,
méthode Duvivier oblige ! On construit un scénario dont
l’architecture est un modèle du genre, trésor de savoir-faire
et d’inventivité.
Première leçon : éviter de transformer le retour de Don
Camillo dans le village en parachutage scénaristique. Un bon
quart du film est consacré à l’exil du prêtre bagarreur. Un
exil parsemé d’images bibliques contextualisées (cf le chemin
de croix dans la neige, la mansarde, la traversée de paysages
d’un désert blanc) et d’aventures en tous genres. Don Camillo
n’a jamais perdu la liaison avec son village, sa paroisse et
ses paroissiens. Allées et retours sont nombreux, faisant de
cette réintégration un thème à suspense. Deuxième
leçon : placer dans cette suite des ingrédients
populaires qui parleront aux spectateurs d’autres pays. Le
Match de Boxe, l’intrigue policière, la construction de la
digue… grâce à ce type de sujet, le film peut très
facilement s’exporter. Mais attention ! Pas question de
perdre cette personnalité si méditerranéenne. Le combat de
boxe le montre très habilement. Postures gaguesques, sens
personnel de la répartie et par-dessus tout proximité et
simplification de la réalisation. Rien de trop technique ou
de trop ostentatoire. Le combat est symbolique. Peppone se
fait corriger pour avoir exilé Don Camillo. Don Camillo le
venge pour laver l’affront fait au village. Et les deux
ennemis se serrent la main pour effacer l’ardoise.
Scénaristiquement, c’est à la fois simple et
brillant !
Troisième leçon : gérer parfaitement le temps et
l’intrigue grâce à une réalisation alerte et parfaitement
maîtrisée. Pas un plan ne figure sans que celui-ci n’ait été
pensé. Peut-être est-ce parce que les moyens de l’époque
nécessitaient de déplacer des montagnes pour réaliser ne
serait-ce qu’une séquence ? Mais il y a derrière « Le
Retour de Don Camillo » un tel travail de construction qu’on
ne peut y rester insensible en l’expliquant de manière
simpliste par un heureux hasard. La séquence de l’intrusion
dans l’étable pour traire les vaches au nez et à la barbe des
gardes qui interdisent l’accès fait montre d’un admirable
tempo mélangeant action, humour et émotion. Peppone et Don
Camillo, main dans la main, volent au secours de ce troupeau,
tous deux travestis en Laurel et Hardy. Comique de situation,
de geste et de mots concourent à faire de l’instant un
passage mémorable tant par son esprit décalé que par son
efficacité.
« Le Retour de Don Camillo » s’est imposé comme un immense
succès international. Par sa qualité et son sens comique, la
suite du Le Petit Monde de Don Camillo
transforme le coup de maître en leçon de cinéma. Leçon en 2
parties puisqu’en regardant Le Petit
Monde de Don Camillo et « Le Retour de Don Camillo »,
difficile de ne pas songer qu’en tournant le premier,
Duvivier / Guareschi, n’aient eu en tête le second. Le
premier sans le deuxième serait orphelin et le second sans le
premier aurait perdu un temps précieux à introduire puis
délimiter son univers. Fort judicieusement, « Le Retour de
Don Camillo » utilise les personnages ciselés du
Petit Monde de Don Camillo pour passer
la vitesse supérieure et faire admirablement divaguer
l’intrigue. Ces deux premiers épisodes ont parfaitement
encadré la série. Voilà pourquoi Don Camillo n’est pas une
simple franchise mais une saga au souffle épique. De celles
qu’on n’en finit pas de redécouvrir tant elles ont à nous
donner !
Packaging véritablement collector, menus animées et par-dessus
tout, une avalanche de suppléments. De quoi être aux
anges !!! L’éditeur s’est transcendé pour réaliser une
édition d’envergure événementielle. Non pas 1 mais 2 DVD avec
des bonus foncièrement intéressants, voilà qui change des
éditions anémiques signées René Château Vidéo. Logique !
Le Petit Monde de Don Camillo et « Le
Retour de Don camillo » étaient 2 titres DVD très attendus.
Ali Baba et les 40 voleurs l’était aussi, ça n’a pas empêché
l’éditeur de ficeler une édition simple sans aucun
suppléments… pas même une bande-annonce. Le travail sur ces
2 trésors du cinéma français est exceptionnel et mérite
d’être salué !
La galette insérée, c’est le rêve qui continue avec
introduction et images du film restaurées qui défilent une à
une sur la très belle musique d’Alessandro Cicognigni. Côté
transfert, c’est le paradis sur terre avec un noir et blanc
éclatant et contrasté. S’il ne restait quelques imperfections
bien naturelles, on eut pensé que le film fût tourné hier. La
restauration tant visuelle que sonore est proprement
hallucinante et indique un immense respect de l’éditeur pour
l’oeuvre ainsi que pour les acheteurs de DVD. Les puristes
auront beaucoup de mal à critiquer un tel transfert
manifestement l’un des plus réussis depuis
Les Tontons flingueurs. Un bel ouvrage artistique
empreint d’une touchante passion nostalgique.
Même si les bonus du « Retour de Don Camillo » souffrent d’un
mal identique à celui de l’édition collector du
Petit Monde de Don Camillo, à savoir un
accès de Fernandelisme aigu, les documentaires font preuve
d’un professionnalisme et d’une originalité tout à fait
similaires (voire supérieurs). Les idées passent, les
témoignages s’imposent et les portraits s’affinent. Les
suppléments dessinent désormais plus précisément les contours
d’un Fernandel parfaitement conscient de son image, de sa
notoriété, perfectionniste et déterminé. Anecdotes,
entretiens et archives aident à la mise au point tant sur son
ego que sur son aura. A noter également, l’effort fourni par
l’éditeur pour dénicher des suppléments rares et
intéressants. Un vrai travail de dentellière bien décidée à
orner son ouvrage de documentaires fabriqués sur-mesure. Un
choix artistique on ne peut plus inspiré qui transforme ce
collector en édition hors norme. Le documentaire sur la saga
à travers ses affiches est à ne manquer sous aucun
prétexte !
Fernandel raconté par Claude Pinoteau et Raymond Castans
(23’29)
On ne sait si le plus réjouissant dans ce documentaire est de
voir les deux artistes que sont Pinoteau et Castans parler de
Fernandel ou si c’est le ton qu’ils emploient à son égard
pour qualifier son oeuvre. Un ton à la fois mêlé de critiques
(parfois bien senties), d’Amour et de respect. Débuter un
documentaire dédié à une star en la taxant de « parfois
outrancière » ne se voit pas dans n’importe quelle
édition DVD. Cela montre la rigueur, le sérieux et la
franchise du travail effectué dans la collecte et la
diffusion de ces suppléments. La famille aurait pu tenter de
présenter Fernandel sous un jour unidimensionnel ;
Fernandel, l’homme parfait. Mais contrairement à la famille
Kubrick, décomplexée de nous livrer cette ode fadasse qu’est
Stanley Kubrick : A Life in Pictures, les Fernandel ont
bien compris que le mythe n’est que plus vivant lorsque le
portrait est humain. Oui Fernandel s’est trompé dans certains
de ses choix. Oui il a joué dans une poignée de pitoyables
nanars que Raymond Castans n’hésite pas à désigner, cela ne
l’a pas empêché d’être l’un sinon LE plus grand comique
français. Par conséquent, hors de question de bouder notre
plaisir. Ce documentaire est une mine d’informations sur
Fernandel, les tournages de l’époque et les prémices du Star
Système. Voilà un documentaire à regarder
religieusement !
Fernandel raconté par Vincent Fernandel (34’11)
A coups d’anecdotes racontées avec une évidente passion
jubilatoire pour ce qu’était et ce que faisait son
grand-père, Vincent Fernandel nous emmène dans les coulisses
des tournages et prolongent ainsi le captivant propos de cet
autre documentaire qu’est « Fernandel raconté par Claude
Pinoteau et Raymond Castans ». On y apprend quel homme simple
et néanmoins intransigeant était son grand-père. Les rapports
ambigus qu’il pouvait entretenir avec la production. Lui-même
devenu producteur, l’exigence envers son propre fils qu’il
pouvait montrer. On est loin du gentil petit portrait
idyllique dont les éditions DVD ont souvent le mauvais goût
de nous abreuver. Fernandel n’en sort que plus grandi encore.
Star internationale aux caprices peu nombreux, aux plaisirs
simples et au savoir-vivre évident. L’exact opposé du
portrait guindé d’un jet-setteur dédaigneuse mais celui d’un
marseillais qui savait pertinemment quel valeur accorder à
l’argent et quel château de carte le star système était. On
aurait aimé plus d’anecdotes encore, plus de photos ainsi
qu’un traitement particulier pour le tournage des Don Camillo
mais il faudra en laisser pour les éditions à venir. Beaucoup
de choses ont déjà été dites. On est impatient d’en savoir
davantage. Instructif et alléchant !
La saga de Don Camillo racontée par ses affiches
(9’12)
Si vous ne regardez qu’un bonus, regardez celui-là !
Vous ne trouverez nulle part ailleurs une enquête pareille.
10 minutes en or consacrées à la composition d’une affiche de
cinéma, trait d’union essentiel entre l’Art et le Commerce.
Les affiches de la saga Don Camillo sont parfois réussies,
parfois ratées, des experts vous disent pourquoi et vous
montrent la manière dont on peut les décliner suivant les
pays dans lequel le film sera diffusé. Ces affiches nous
livrent leur histoire mais aussi l’épopée
artistico-financière de la saga. Et pour parachever le tout,
Charles Rau touchera du doigt la technique en une phrase
pourtant laconique mais essentielle. L’agencement se fait en
fonction « du fond et de la tâche ». Le fond attire, la tâche
livre ce qui est central. Merci pour cette leçon de marketing
cinématographique !
Galerie de photos et Filmographie
A nouveau fixe, muette avec 3 pauvres noms, la filmographie
s’avère encore une fois bien inutile en plus d’être une
redite. Le réflexe et l’habitude ne sont plus mis en
question. Il fallait remplir. Encore une fois, même punition
pour la galerie photo qui ne défile toujours pas, n’est
toujours pas sonorisée et ne contient toujours aucune photo
de tournage. Hormis l’affiche, le reste n’est encore une fois
qu’un pillage iconographique bien inutile du film.
Bandes-annonces (2’12)
Bonus là encore inestimable que d’avoir les bandes-annonces
d’origine et de surcroît plutôt bien restaurées. 4
bandes-annonces pour les 4 autres films de Don Camillo.. De
solides bandes-annonces qui donnent envie de voir ou plutôt
de revoir la suite !!! Toujours aucun choix entre la
VOST et la VF, c’est VOST sinon rien ! Et Fernandel,
affublé de ce doublage devient à la longue très irritant. Cet
accent marseillais chantant est décidément
irremplaçable !
Pas la peine de tergiverser, le transfert est tout simplement
éblouissant pour un film qui (on le rappelle) souffle ses 52
bougies. Comment imaginer même qu’une oeuvre ait aussi bien
traversé le temps. Il y a quelque chose d’irréel dans le fait
d’observer une image aussi nette, aussi peu tâchée et
bruitée. Certains d’entre vous regretteront le charme des
rayures et des traits sans parler de la neige dont leurs
vieilles cassettes vidéo du Petit Monde
de Don Camillo et du « Retour de Don Camillo » était
bardées. Mais faut-il pour autant associer trésors du cinéma
et mauvaise qualité d’image ?
Cela semble un brin extrême car la qualité de l’oeuvre est
inhérente à la perception du cadre, des objets et des
personnages qui s’y trouvent. Ici, on peut savourer
pleinement le jeu subtil des contrastes (cf les scènes le
long des rives du Pô), la richesse de la mise en scène (cf le
départ à la gare) ainsi que les mimiques et oeillades que
s’échangent les acteurs (cf la quasi-totalité du film). Don
Camillo utilise une composition qui met en scène deux
protagonistes voire plus à chaque plan. Don Camillo et
Peppone la plupart du temps, Don Camillo et Jésus, Peppone et
les membres du parti… D’où l’importance d’une qualité qui
puisse rendre hommage aux différents têtes à têtes et
collectifs.
L’image du Petit Monde de Don Camillo
et du « Retour de Don Camillo » joue sur la lumière et les
nuances. Palette allant du blanc aveuglant (lumières divines)
à la complète obscurité (scènes de l’église immergée avec
utilisation de l’ombre chinoise), celle de Don Camillo passe
par tous les états. Savoir-faire indéniable de Julien
Duvivier, exigence d’un film qui décrit avec force couleur
une palette d’émotions. Des émotions que ce transfert a su
parfaitement rendre et même magnifier. L’éditeur donne ainsi
aux films une seconde jeunesse et permet au dévédéphile de
les découvrir comme s’il s’agissait de la première
fois !
Des voix claires, une musique solennelle qui fait chanter
basses et aigus accompagnées de bruitages discrets mais
présents. Voici ce qui vous attend sur les éditions du
Petit Monde de Don Camillo et du
« Retour de Don Camillo ». Traitées avec le même soin et le
même respect (mono français ou italien avec sous-titres
français, anglais ou espagnols), les deux titres mettent
essentiellement l’accent sur les répliques et les musiques,
l’essence de toute comédie. Ce sont les répliques cinglantes
et la musique cabotine qui donnent son sel et son identité à
la série des Don Camillo. (cf. La scène du meeting interrompu
par les cloches de Don Camillo ou bien encore celle du
confessionnal avec ses dialogues mitraillettes).
Le DVD est très rarement pris en défaut et quand il l’est
c’est pour nous rappeler son âge. La remasterisation du son
est (à l’instar de l’image) extraordinaire. Inutile néanmoins
de vous bercer d’illusion, c’est du mono, donc ça se passe
exclusivement à l’avant et ce n’est pas avec ce type de
format sonore que vous testerez les performances de votre
installation. Cependant, un bon mono est toujours très
plaisant. Ici c’est du mono de premier choix. L’écouter est
un bonheur !
Vient enfin le débat VO / VF. Que choisir entre français et
italien ? Simple ! Soit vous avez envie d’entendre
les voix originale de la majeure partie du casting y compris
celle de Gino Cervi est vous choisissez l’italien, soit vous
ne résistez pas à la tentation d’entendre la voix chantante
de Fernandel et vous choisissez le français. Il y a fort à
parier que les nombreuses rediffusion télé vous orienteront
vers le français. Il est vrai que l’inimitable accent du plus
grand comique français a de quoi décider les plus VOphiles
d’entre vous à opter pour une version VFisée.
Excellente projection à toutes et tous… avec la
bénédiction de Don Camillo !